Rachida Dati : une réforme de l’audiovisuel public passée au forceps ?

Rachida Dati : une réforme de l’audiovisuel public passée au forceps ?

Rachida Dati veut faire passer sa réforme de l’audiovisuel public en force. Après avoir essuyé un refus catégorique à l’Assemblée nationale, pour le projet de holding de l’audiovisuel public, et la colère du secteur de l’audiovisuel, la ministre de la culture Rashida Dati déclenche l’article 44.3, le petit frère caché du 49.3. Afin de mieux comprendre les enjeux autour de ce projet de loi, il faut savoir de quoi il parle.

Concrètement, cette proposition de loi vise à créer une holding, France Médias, sous la tutelle de l’ARCOM. Elle contrôlera France Télévisions, Radio France, l’INA et France Médias Monde. La ministre de la Culture, Rachida Dati, juge la réforme « indispensable », pour rassembler les « forces aujourd’hui dispersées » de l’audiovisuel public, afin de pouvoir lutter plus efficacement contre les géants comme Netflix.

Contrairement à ce qu’elle envisageait initialement, Rachida Dati assure qu’il ne s’agit pas d’une fusion, mais d’une centralisation et que chaque entité conservera son « identité ». Mais les syndicats estiment que cette réforme possède déjà « toutes les caractéristiques » d’une fusion et redoutent qu’elle engendre des baisses de moyens du service public.

Rashida Dati contre le reste du monde

Les syndicats s’inquiètent de la réforme de l’audiovisuel public portée par Rachida Dati, notamment de la création d’une holding France Médias . Ils redoutent des suppressions d’emplois parmi les 16 000 salariés concernés (France Télévisions, Radio France, INA, France Médias Monde), et dénoncent une logique budgétaire cachée. Pour le gouvernement, la holding faciliterait la création de nouvelles filiales, comme l’entité commune ICI qui réuni déjà France 3 et France Bleu, ou une plateforme Franceinfo réunissant TV et radio. Rachida Dati défend cette organisation, mais les syndicats y voient une fusion déguisée.

Ils alertent aussi sur une mise en péril de l’indépendance éditoriale et du pluralisme, notamment si une seule personne dirige la holding. Dans Ouest-France, l’intersyndicale s’interroge sur les risques de pressions politiques dans un système aussi centralisé.

Rachida Dati : une réforme de l’audiovisuel public passée au forceps

La reconquête du secteur 

Pour Rachida Dati, la réforme de l’audiovisuel public est « indispensable » face à la concurrence croissante des groupes privés, des plateformes (Netflix, Amazon) et des réseaux sociaux. Elle veut rassembler pour éviter un affaiblissement et adopter une stratégie unifiée. La ministre met aussi en avant un enjeu générationnel : la télévision et la radio publiques sont délaissées par les jeunes, alors que les plus de 65 ans représentent 60 % de l’audience de France Télévisions en 2023 (contre 42 % pour l’ensemble du secteur).

Ce projet de création ne date pas de Rachida Dati. Le ministre Franck Riester avait tenté, lui aussi, de pousser ce projet, mais la crise du Covid avait interrompu son avancée. À son arrivée au ministère en janvier 2024, Rachida Dati relance le dossier en s’appuyant sur la proposition de loi du sénateur Laurent Lafon, adoptée au Sénat en juin 2023. Mais la dissolution de l’assemblée en juin 2024 et la chute du gouvernement Barnier, interrompt une nouvelle fois son avancée.

Une reforme sous pression

Face à l’opposition de la gauche, qui selon Rashida Dati persiste à lui mettre des bâtons dans les roues, et à la lenteur du traitement des amendements qui retarde et repousse constamment les relectures, la ministre de la culture utilise l’article 44.3 de la Constitution, afin qu’il y ait un seul vote de fait, pour l’ensemble du projet. Cela permet à Rashida Dati, d’envisager une adoption définitive, après un nouveau passage devant les députés.

« Depuis 7 heures de débat, nous n’avons pu débattre que de 31 amendements sur ce texte. Ce matin, on a encore vu de l’obstruction, toujours de l’obstruction, et encore de l’obstruction. En 30 minutes, on a discuté d’un seul amendement, alors qu’il en reste 301 »

A-t-elle ainsi dénoncé devant les sénateurs, ce vendredi en milieu de matinée, en expliquant qu’avec le rythme actuel :

« il faudrait plus de 70 heures pour aller au bout du texte. »

Rachida Dati espère une adoption rapide du texte, après un vote favorable en commission début avril. Mais les oppositions persistent : la gauche dénonce une atteinte au pluralisme et une fusion déguisée, tandis que le RN juge la réforme insuffisante et milite pour une privatisation. 

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