Un « grenier du monde » pour conserver toutes les espèces de graines !

Jules Chancel
Jules Chancel
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Ouvert en 2008, la « Réserve mondiale de semences du Svalbard » est un coffre fort à graines. Situé sur l’île éponyme dans l’océan Arctique, ce « grenier » est géré conjointement par le gouvernement norvégien, l’ONU et le Global Crop Diversity Trust. Mais à quoi cette installation peut-elle bien servir ?

Que ce passerait-il pour la biodiversité en cas de fin du monde ? De nombreuses espèces disparaitraient alors et l’homme serait contraint de consommer une infime variété de plantes. Pourquoi ce scénario est catastrophique ? Car en homogénéisant la production agricole on réduit le patrimoine génétique, et donc les caractères présents. Ainsi, l’espèce « conservée » serait plus faible face à de nouveaux pathogènes. Si l’espèce est plus faible, il y a plus de risque de destruction des plantations par une maladie et donc un risque de famine pour l’homme. Un véritable scénario catastrophe qui est plus ou moins déjà en court depuis maintenant un siècle

L’agriculture depuis 100 ans

La pratique agricole est connue de l’homme depuis des millénaires. En effet, de tout temps l’homme a su s’adapter à son environnement et lui faire produire ce dont il avait besoin pour vivre. En plus de l’environnement, de nombreux bouleversements ont mis à rude épreuve l’adaptabilité de l’être humain. On peut ainsi citer les changements climatiques, les sécheresses ou encore les maladies. L’une des particularité de l’humain est qu’il est très mobile. Lors de ses mobilités, ce dernier emporte avec lui le matériel de survie dont il a besoin. Ainsi, on retrouve dans ce « kit de survie » des semences. Ces dernières, lorsque plantées dans un sol nouveau, vont développer de nouvelles caractéristiques. Meilleure résistance au chaud, meilleure résistance au vent ou alors moins bonne résistance à l’altitude, etc. Via ces nombreux aléas, une immense diversité s’est façonnée au fil des siècles. Mais cette dernière est aujourd’hui en grand danger.

L’après guerre

En effet, cette diversité est menacée par une pratique : l’agriculture intensive. Après la Seconde Guerre mondiale, les pays occidentaux sont détruits. En se reconstruisant, on assiste à un véritable boom des naissances. Se pose alors la question de savoir comment nourrir tout ce petit monde. La réponse est l’agriculture intensive. Dans cette dernière, on va privilégier une espèce plutôt que toutes les autres et la modifier pour la rendre ultra-résistante. Puis on va produire en très grande quantité, de manière totalement uniforme. Ainsi, l’industrie agro-alimentaire s’est focalisée sur seulement quelques espèces, laissant décliner les autres. Puisque les chiffres parlent souvent plus que les mots, sachez que la Chine a perdu 90% de ses variétés de riz en 70 ans, tandis que le Mexique a perdu la moitié de ses espèces de maïs en 100 ans.

Sauf qu’aujourd’hui, avec les aléas climatiques, nous ne sommes pas à l’abri de voir une espèce brutalement ravagée ou incapable de supporter son nouveau milieu. Avec la fonte des glaces, des virus antiques dont on ne sait rien se réactivent, menaçant le monde végétal et animal. Ainsi, plus que jamais, il est important de préserver la biodiversité.

Bâtir une arche de Noé pour semences

Mais tout n’est pas perdu ! En effet, dés les années 1960, on prend conscience de ce qui est en train de se jouer. Des « banques de gènes » se créent un peu partout dans le monde et l’on commence à aller indexer et collecter tout type d’espèce de par le monde. L’objectif de ces banques est de contrer l’extinction de ces variétés tout en préservant sur le long terme ces espèces, au cas où elles deviendraient nécessaires dans le futur.

Dans ces banques, les semences sont analysées, référencées puis rangées à l’abri.

Le Global Seed Vault

L’archipel de Svalbard est un lieu particulièrement froid. Situé à 1000km du pôle Nord et affichant une population totale de 2.200 habitants, le lieu était idéal pour bâtir le coffre-fort ultime. Ainsi, en 2006 on décide de construire au sein d’une ancienne mine de charbon un immense bunker en béton au cœur de la montagne enneigée. Cent-vingt mètres de long, c’est la distance jusqu’au centre de la montagne que vous pouvez parcourir en ayant autour de vous de nombreuses caisses abritant des graines. La température naturelle est de -18° C, offrant une conservation de très longue durée pour toute sorte d’espèces.

Comme dans une banque, seuls les dépositaires peuvent ouvrir leur propre boîtes et savoir quel en est le contenu. Aujourd’hui, on estime que ce coffre-fort contient plus de 967.000 espèces différentes de céréales, haricots, laitues, etc. On vous mentionnait plus tôt que de nombreuses banques existaient dans le monde, sachez que le Seed Vault accueille en partie les doublons de ces banques, par sécurité. Par exemple, le Seed Vault a permis récemment au Centre International de Recherche Agricole dans les Zones arides de récupérer les graines perdues en 2015 dans leur banque à Alep en Syrie. Ils sont venus au centre, ont récupéré leurs graines pour les replanter dans une autre banque et les multiplier puis ont renvoyé des nouveaux échantillons à conserver.

Une véritable arche de Noé végétale, voilà ce qu’est le Global Seed Vault. Ce haut lieu de la biodiversité porte en lui les espoirs de l’humanité pour sa préservation future.

Images du global seed vault - CulteaLa Réserve mondiale de graines du Spitzberg - Cultea

La banque de graines prend l'eau - Cultea

Sources :

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