Il y a maintenant dix ans, un séisme provoquait une réaction en chaîne sans précédent sur la côte est du Japon. Mais ce n’est pourtant pas tant la catastrophe naturelle elle-même que la postérité retient, mais bien l’une de ses terribles conséquences. Ainsi, le 11 mars 2011, la centrale nucléaire de Fukushima explosa. Revenons ensemble sur les conséquences humaines, écologiques et économiques de cet événement historique.
Une catastrophe naturelle
Les Japonais sont habitués à devoir vivre avec une activité sismique forte. Les îles du Japon sont par nature un archipel volcanique. Elles se trouvent donc au point de rencontre de plusieurs plaques tectoniques. Ainsi, on trouve pas moins de six fosses autour du pays. Toutes ces activités provoquent une plus grande tendance aux séismes, tsunamis et autres réjouissances de la nature…
Le Japon a donc toute une culture développée autour de la catastrophe naturelle. Et au-delà de la culture, il y a un certain nombre de normes et de procédures. Ainsi, le Japon dispose de nombreuses règles de construction, avec des dispositifs anti-sismiques réduisant largement les mouvements des bâtiments, et donc les dommages. Enfin, les enfants dès leur plus jeune âge sont formés à réagir aux tremblements de terre.
Le séisme
C’est un vendredi après-midi comme les autres sur la côte est du Japon, lorsqu’une secousse se fait ressentir. Pendant environ 3 minutes, les Japonais se cramponnent et attendent la fin. 9,1, une telle amplitude n’avait été observée que trois fois jusqu’à présent. De plus, la première « vague » est suivie d’une cinquantaine de petites sœurs d’amplitude six. Le séisme sous-marin, bien qu’ayant eu lieu en plein milieu du Pacifique (130 km des côtes) se fait ressentir jusqu’à Pékin ! L’île principale du Japon, Honshu, s’est alors déplacée de plus de deux mètres. Bien que violent, il ne fait que « peu » de dégâts. Le Japon était préparé, les bâtiments étaient solides et tout s’est plutôt bien passé.
Le tsunami
Moins d’une heure après le passage du séisme, le gouvernement déclare l’alerte au tsunami. Ce dernier frappe alors les deux côtés du Pacifique. L’Amérique est intégralement touchée, du Chili jusqu’en Alaska. Cependant, grâce aux évacuations anticipées, il n’y a que très peu de victimes. Les vagues géantes arrivent au Japon avec une violence inouïe. Quasiment toute la côte est (surtout au nord) est touchée, mais de manière inégale. Ainsi, si au centre (Fukushima), l’eau pénètre les terres sur quelques centaines de mètres, au nord elle y rentre à plus de dix kilomètres ! Ainsi, la vague aurait atteint par endroits près de 30 mètres de haut…
Des ports entiers sont ravagés, des bateaux se promènent dans les rues ou sur des toits. On ne distingue alors plus ni les voitures ni les hommes, chacun emporté par le courant. Certaines de ces villes côtières s’étaient pourtant dotées de remparts de protection. Ils furent inutiles, la vague les chevauchant largement. Le bilan final est de 15 899 morts et, encore aujourd’hui, 2 500 disparus… Le bilan matériel est aussi catastrophique, avec des communes littorales qui ont disparu de la carte et certaines détruites à plus de 90 %.
Pourtant, ce qui frappe le plus à l’international, ce sont les dégâts matériels sur les centrales nucléaires du pays.
Une catastrophe industrielle
Au-delà des dégâts visibles, certains se cachent au sein de plusieurs sites industriels nippons. Même si le gouvernement sait que quatre sites nucléaires ont été secoués, il ne réalise pas encore ce qui l’attend…
C’est dans la nuit du 11 au 12 mars que la compagnie électrique japonaise (Tepco) reçoit une alerte en provenance de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. La notification est claire : le système de refroidissement est mort. En effet, l’eau s’est infiltrée partout et a noyé l’alimentation électrique des bâtiments ainsi que les moteurs diesel de secours.
C’est quoi une centrale nucléaire ?
Un réacteur nucléaire fonctionne selon le principe de fission de l’atome. L’idée est d’envoyer à très haute vitesse un neutron (petite particule) sur un noyau d’uranium (atome, moins petite particule). La réaction est alors violente, puisque ce dernier éclate et libère de l’énergie sous forme de chaleur ainsi que d’autres neutrons. Ces autres neutrons, propulsés violemment lors de l’éclatement, vont alors aller percuter d’autres noyaux d’uranium. Le cycle se perpétue donc continuellement, c’est une réaction en chaîne. La chaleur dégagée est utilisée pour produire de la vapeur d’eau (de l’eau liquide circulant autour s’évapore) qui elle-même va entraîner une turbine et son alternateur pour produire de l’électricité.
Vous l’aurez compris, la dernière partie de la chaîne est sans danger. Mais ce n’est pas le cas de la première. Il faut en effet contrôler deux choses, et ce, en tout temps ! Déjà, bien maîtriser la réaction en chaîne est essentiel. Cette réaction est violente et, si on ne la restreint pas un minimum, cela peut dégénérer. De plus, le processus ne dégage pas de petites quantités de chaleur : elles sont immenses ! Par exemple, l’eau qu’on souhaite voir s’évaporer et qui tourne autour du réacteur atteint la modique température de 320 °C. Et cette température est contrôlée !
Comment refroidir ?
Un enjeu majeur est donc de refroidir tout le circuit. Il existe actuellement deux solutions pour ça, une avec un aéroréfrigérant et une sans. Ce que l’on appelle aéroréfrigérant est une immense tour creuse en son centre dans laquelle se crée naturellement un courant d’air. L’air entre par le bas, ouvert sur les côtés, et ressort par le haut. C’est pourquoi, de visu, ce dispositif ressemble à une grosse cheminée. De plus, la fumée blanche que l’on peut voir en sortir n’est que de la vapeur d’eau. Il s’agit donc de refroidir, par le courant d’air naturel, de l’eau ayant traversé tout le circuit dans des tuyaux afin de maintenir une température convenable. En l’absence de « cheminée », on utilise de l’eau d’un fleuve qu’on prélève puis rejette sans fin.
Quid de Fukushima ?
Ce qu’il s’est passé à Fukushima, c’est qu’en l’absence d’alimentation, le système de refroidissement ne fonctionnait plus. Ainsi, trois réacteurs se sont mis à chauffer très rapidement. De plus, les piscines où sont stockés les déchets radioactifs se sont également mises à chauffer. Ces dernières sont alors dangereuses car, en cas d’évaporation, l’air libre peut être compromis.
Sauf que les autorités japonaises sous-estiment le risque. Le lendemain, une première explosion a lieu. Puis une autre le lundi suivant. Puis le mardi. Trois cœurs de réacteur ont atteint la température de fusion, une piscine de déchets entre en ébullition, c’est une catastrophe. Encore une fois, le gouvernement essaie de rassurer tout le monde, mais les faits sont là : il s’agit d’une catastrophe industrielle majeure. Au bout d’un mois, ils se décident finalement à classer l’accident nucléaire à 7, au niveau de Tchernobyl… Début mai, une équipe arrive à pénétrer sur place pour constater les dégâts. Début novembre, la situation est « maîtrisée ».
La suite
Comme pour les risques industriels, le gouvernement est lent à la détente concernant les risques sanitaires et environnementaux. Il ne se rend pas compte immédiatement que le vent suivant le tsunami souffle vers l’intérieur du pays et non vers l’océan. L’OMS s’inquiète. Les aliments sont-ils contaminés ? On décide d’interdire les légumes, la viande ou le lait jusqu’à 100 km autour du site.
Les habitants sont évacués peu à peu. D’abord dans un rayon de 2 km, puis 10 km, puis 20, puis 30… Au final, la négligence et les défaillances du système d’évacuation et de prise en charge auront coûté la vie à près de 2 300 personnes. Le gouvernement japonais a par la suite cherché à décontaminer les sols afin de rendre Fukushima de nouveau habitable.
Des procès et du temps
Aujourd’hui, il est acté juridiquement que le gouvernement a fait preuve de négligence et de lenteur dans sa prise en charge du problème. Sous-estimant les impacts, il est donc responsable de la mort de milliers de Japonais. De plus, les tribunaux ont reconnu que la compagnie électrique avait pris du retard dans sa mise aux normes anti-sismiques.
« L’accident (…) est le résultat d’une collusion entre le gouvernement, les agences de régulation et l’opérateur Tepco, et d’un manque de gouvernance de ces mêmes instances. » « La direction de Tepco était consciente des retards dans les travaux antisismiques et des mesures contre les tsunamis et savait que Fukushima Daiichi était vulnérable. »
Il sera difficile dans le futur de déterminer quelle a été la portée sanitaire de l’événement. On sait qu’un employé de la centrale est mort et que six autres ont contracté un cancer et une leucémie. Cependant, c’est sur le temps long qu’on réalisera l’impact, les cancers à retardement étant communs lors d’une exposition prolongée à des radiations. Au niveau environnemental enfin, on sait que de l’eau contaminée a été déversée dans le Pacifique. Il est donc possible que l’industrie de la pêche au Japon vienne à en souffrir sur le long terme, les poissons de Fukushima étant déjà boudés.
Une minute de silence a été tenue ce matin au Japon. Le pays, fier d’une culture qui célèbre la nature, fut victime d’une catastrophe dont la responsabilité incombe à l’homme. Tsunami ou pas, Fukushima Daiishi n’était pas aux normes. Cette histoire nous révèle que, si l’on n’est pas vigilant, le manque de scrupules et de respect des normes de grandes entreprises peut coûter la vie à de nombreuses personnes. De plus, c’est la nature qui en pâtit, et ce, pour de nombreuses décennies.
Sources :
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