Sommet des Trois Bassins : de la parole à l’action

Sommet des Trois Bassins : de la parole à l'action

Le Sommet des Trois Bassins a pris fin samedi 28 octobre dernier à Brazzaville, capitale de la République du Congo. Il s’inscrit dans la Décennie pour la restauration des écosystèmes, lancée en 2021 par Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU. Objectif du Sommet : mettre en place la première coalition mondiale pour la restauration du plus grand « poumon vert » de la planète.

Les Trois Bassins : le « poumon vert » de la planète fortement menacé

350 millions d’hectares d’écosystèmes terrestres et aquatiques. C’est la superficie totale des Trois Bassins que sont l’Amazonie, le Congo et la région Bornéo-Mékong-Asie du Sud-Est. Ces forêts constituent un véritable régulateur carbone en piégeant les émissions CO2. A elles seules, elles représentent 80 % des forêts tropicales du monde et renferment les deux tiers de la biodiversité terrestre. Des chiffres qui devraient en assurer une protection accrue…

Pourtant, le « poumon vert » de la planète est également le plus grand espace de déforestation du monde. Economie de l’huile de palme en Asie, agriculture vivrière au Congo, agriculture et élevage destinés à l’exportation en Amazonie… Les causes sont multiples mais le résultat est le même. Une déforestation qui persiste, année après année. En 2022, une hausse de ce phénomène de 4% par rapport à 2021, avait été annoncée par un ensemble d’ONG et d’organismes de recherche.

Par ailleurs, quelques jours seulement avant l’ouverture du Sommet, un rapport alarmant a été publié par Earth Insight, au nom d’un collectif d’organisations de défense de l’environnement. D’après leurs évaluations, 26% des forêts tropicales encore intactes aujourd’hui se trouveraient dans des concessions d’exploitations pétrolières, gazières ou minières… Et ce, dans la zone des Trois Bassins. Au-delà des enjeux environnementaux, ce rapport soulève un autre problème. Au sein de ces concessions, ce sont 50 000 villages, villes et communautés, qui se trouvent également sous la menace de la déforestation…

Profondeur de la forêt révélée par la construction d’une nouvelle autoroute entre Dolosie et Pointe-Noire. Congo-Brazzaville. Crédit photo : Bobulix

Le Sommet des Trois Bassins : une initiative politique encourageante a priori

Conscient du rôle fondamental des Trois Bassins dans la lutte contre le dérèglement climatique à échelle mondiale, Denis Sassous N’Guesso s’est emparé du sujet. Le Président de la République du Congo entend bien s’affirmer sur la scène internationale grâce à une coalition Sud-Sud. Ainsi, il déclarait dans une tribune pour Opinion Internationale :

L’heure de nous imposer des choix répondant à des logiques que nous ne partageons pas est révolue. J’appelle de mes vœux la consolidation d’une dimension multipolaire de la gestion de la planète, mais aussi et surtout une authentique gouvernance Sud-Sud des biens publics mondiaux, à commencer par la gestion commune et efficace des trois bassins des écosystèmes de biodiversité et des forêts tropicales.

L’initiateur et hôte du Sommet a donc fait part du triple objectif de cette rencontre. Au-delà de créer une alliance de gouvernance mondiale de gestion des enjeux environnementaux, il souhaite également mettre en place un plan commun de levée de fonds et de soutien aux investissements verts. Enfin, il désire booster les secteurs scientifique et technique. Davantage que protéger l’environnement, ce Sommet fait partie d’une stratégie de développement du pays à l’international à la fois diplomatique et financière.

Le programme annoncé pour ces trois jours d’échange était bien agencé. Le premier jour a été dédié à la communauté scientifique et aux travaux des experts en questions environnementales. Puis, la deuxième journée a donné lieu à l’intervention des différents ministres en charge des forêts. Enfin, le samedi, qui a clôturé la rencontre, donnait la parole aux chefs d’Etat. Cette dernière journée était décisive car c’est elle qui annonce les engagements pris suite aux discussions.

Programme du Sommet des Trois Bassins à Brazzaville du 26 au 28 octobre 2023.

Les objectifs du Sommet semblent donc encourageants pour les défenseurs de l’environnement.  Toutefois, l’enjeu principal reste de savoir mobiliser les acteurs politiques et d’agir en cohérence avec les objectifs annoncés. Un défi qui n’est pas des moindres…

L’après Sommet : de la parole à l’action…

Afin de mettre en place un plan d’action efficace, 3 000 personnes étaient attendues.  145 délégations officielles, 18 organisations internationales, 427 ONG, 123 représentants de la communauté scientifique, 254 de la jeunesse, 326 de la société civile et des peuples autochtones, 354 du secteur privé, ainsi que 14 chefs d’État ou de gouvernement, ce sont les chiffres annoncés par la ministre congolaise de l’environnement, Arlette Soudan-Nonault.

Pourtant, pas un chef d’Etat de l’Amazonie ni du Bornéo-Mékong Asie du Sud-Est, n’a honoré le Sommet de sa présence. Si le président brésilien Lula ou encore Antonio Guterres ou Emmanuel Macron ont affiché leur soutien en vidéo, c’est entouré des chefs d’Etat du Kenya, du Togo, de la Guinée-Bissao, des Comores, du Rwanda et du Gabon, que le président congolais a pris la parole.

Les nombreuses absences de chefs sud-américains et asiatiques  remettent en question l’efficacité de ces discussions et l’engagement réel des dirigeants en faveur de politiques environnementales… Ce n’est pas nouveau puisqu’une première édition du Sommet des Trois Bassins avait eu lieu en 2011, toujours à Brazzaville. Elle avait alors abouti à une déclaration commune des Etats participants de s’engager ensemble pour la lutte contre la déforestation et la solidarité lors de négociations internationales sur le climat. De bien belles paroles mais aucune institution, aucune structure, n’avaient été mises en place pour rendre ce projet concret.

De son côté, Denis Sassous N’Guesso se montre optimiste. Il souligne les avancées du Bassin du Congo. Parmi elles, le classement récent par l’UNESCO du massif forestier d’Odzala Kokoua au patrimoine mondial de l’humanité. Ou encore, la création en 2017 de la Commission Climat du Bassin du Congo dont il est le Président.

Ne reste plus qu’à espérer que le deuxième Sommet des Trois Bassins porte ses fruits, alors même que la COP28 se tiendra mi-décembre à Dubaï. 

Pour cela, il faudrait avoir le courage politique d’éviter des annonces spectaculaires et des promesses vaines qui contribuent à terme à décrédibiliser les coopérations internationales. À ce titre, un bilan froid des annonces et promesses antérieures peut constituer une base solide de consolidation des acquis, de correction des erreurs et de restauration de la confiance entre gouvernants et citoyens autour des enjeux globaux de durabilité des forêts tropicales. (Symphorien Ongolo, chercheur à l’IRD)

 

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