Il y a des remasterisations qu’on espère, puis qu’on attend patiemment, en sachant qu’elles ne peuvent être qu’une parfaite réussite. Le steelbook 4K Ultra HD de Paprika, sorti chez Sony (et distribué par ESC) le 21 février, est de celles-là. On se réjouit de voir la filmographie de Satoshi Kon revivre et redécouvrir un public enthousiaste dans sa plus belle version. Il faut dire que s’il y a bien des œuvres qui grouillent de détails et où chaque élément a un sens, ce sont celles de Satoshi Kon.
Lorsque Satoshi Kon s’éteint en 2010, à 46 ans, il laisse derrière lui une cinématographie courte mais déjà exceptionnelle. 4 films et une série, qui marqueront à jamais l’imaginaire des spectateurs, mais également des artistes qui les découvrent.
- Perfect Blue
- Millenium Actress
- Tokyo Godfathers
- Paranoia Agent
- Paprika
Ces œuvres, produites par Masao Murayama (fondateur des studios Madhouse et MAPPA), restent encore aujourd’hui une source d’inspiration pour de nombreux cinéastes. Ainsi Guillermo del Toro, Christopher Nolan, Darren Aronofsky ou Jérémy Clapin n’hésitent pas à citer Satoshi Kon comme une influence forte de leur carrière. Paprika inspirera notamment Christopher Nolan pour son film Inception.
PAPRIKA
Synopsis : dans le futur, un nouveau traitement psychothérapeutique nommé PT a été inventé. Grâce à une machine, le DC Mini, il est possible de rentrer dans les rêves des patients, et de les enregistrer afin de sonder les tréfonds de la pensée et de l’inconscient. Alors que le processus est toujours dans sa phase de test, l’un des prototypes du DC Mini est volé, créant un vent de panique parmi les scientifiques ayant développé cette petite révolution.
Paprika n’a pas pour seule particularité d’être le dernier film réalisé par Kon. Il est également son projet de cœur, qu’il souhaitait créer depuis plus d’une dizaine d’années. Lorsque Satoshi Kon passe du manga à l’animation, Masao Murayama lui impose comme premier film une base scénaristique qui donnera naissance à Perfect Blue. Le succès critique (sinon public) de ce dernier, fait espérer à Satoshi Kon la possible poursuite de son rêve : travailler avec le compositeur Susumu Hirasawa sur le roman Paprika de Tetsuya Tsutsui, dont ils sont tous les deux fans.
Hélas, le projet s’enlise dès la pré-production et la société de production fait faillite. Un coup dur pour Satoshi Kon qui décide néanmoins d’aller de l’avant en réalisant son deuxième film, Millenium Actress. Une consolation vient néanmoins adoucir sa déception : Susumu Hirasawa et lui sont désormais amis et l’artiste composera désormais la musique de ses œuvres. Et ce ne sera pas la seule bonne nouvelle : impressionné par la qualité de Millenium Actress, c’est désormais Tetsuya Tsutsui lui-même qui contacte Kon, lui demandant d’adapter Paprika. Le projet mettra encore 5 ans à naître, mais se révélera être un chef-d’œuvre sublimant toute la carrière de Satoshi Kon.
« C’est un peu comme le bilan de tous mes films précédents et un point de départ pour commencer de nouveaux défis par la suite. (…) Avant Paprika, mes récits étaient très surréalistes, mais sur le plan visuel c’était très réaliste, par exemple dans la description des décors. Avec Paprika, j’ai vraiment agrandi ma capacité d’imaginaire et d’imagination, parce que Paprika traite du rêve, qui est quelque chose de très souple, alors c’est la première fois que j’ai, sur le plan visuel, dessiné quelque chose d’aussi imaginaire. Dans le futur aussi j’aimerai dessiner non pas des choses réalistes mais imaginaires, fantastiques. »
Satoshi Kon pour Film de Culte
Paprika regorge de créativité, de détails et de niveaux de lecture qui lui donnent une réputation, méritée, d’œuvre culte et complexe. Le film est la rencontre parfaite de Satoshi Kon, Musumu Hirasawa et de Tetsuya Tsutsui. On assiste pendant 1h30 à la mise en image d’une discussion hallucinée entre ces trois artistes sur les niveaux de réalité, sur la psyché humaine et notre rapport à nous-même, à nos avatars et à la technologie. Le résultat est un film définitivement impactant, avec des élans de liberté onirique portés par une bande-sonore atypique et une animation parfaite. Un classique, que l’on est heureux de pouvoir redécouvrir dans la version la plus soignée jamais présentée au public.
Steelbook et bonus de la nouvelle édition
La 4K ultra HD de cette nouvelle édition de Paprika est sublime. Les restaurateurs ont fait un travail méticuleux et il sera difficile de revenir à une version antérieure après avoir vu la différence, marquante, avec les éditions précédentes. Le nouvel étalonnage rend, avec son dynamisme, justice aux couleurs qui jouent un rôle si important dans les différents univers du film.
On retrouve désormais dans la fameuse scène de la parade, un effet éclatant de peintures pop, brillantes, qui renforce l’impression de jouets prenant vie. La saturation semble légèrement plus forte là où elle sert à impacter le regard, les tableaux surréalistes regorgent de vie et on redécouvre les choix de Satoshi Kon et de son directeur artistique Nobutaka Ike, plus justes que jamais.
La différence de qualité de la nouvelle définition, elle aussi, saute aux yeux. On retrouve beaucoup de détails perdus dans la version précédente. Les traits des dessinateurs sont d’une netteté sublime dans chaque plan, même lorsqu’ils regorgent de personnages ou d’effets. Dans un film tel que Paprika, pouvoir profiter des transitions entre les plans, des références cachées dans la mêlée, des expressions faciales travaillées, des décors presque vivants, c’est presque pouvoir redécouvrir toute l’histoire et l’expérience d’un premier visionnage.
Le coffret contient en prime les bonus suivants :
- La restauration de Paprika
- Le commentaire audio de Satoshi Kon, Susumu Hirasawa et Taro Morishima (producteur associé)
- Le making-of du film
- Des commentaires des acteurs et de l’équipe du film
- Un entretien avec le directeur artistique
- Quelques storyboards et dessins originaux
Des éléments qu’on a de cesse de revoir pour pouvoir se plonger encore un peu dans l’imaginaire et le processus de création de Satoshi Kon. Après le remaster en 4K de Perfect Blue (au cinéma seulement) pour les 50 ans de Madhouse et le remaster 4K de Millenium Actress (DVD), on espère pouvoir voir un jour l’ensemble de ses œuvres profiter d’un même traitement.
Quant à la dernière œuvre sur laquelle Satoshi Kon travaillait au moment de sa mort, Dreaming Machine, elle reste pour l’instant inachevée à cause d’un imbroglio de droits de production. Il ne nous reste qu’à espérer que ce film, dont déjà 600 plans ont été animés et dont le storyboard est complet, pourra naître un jour sous nos yeux émerveillés. En attendant, on vous conseille le documentaire Satoshi Kon : l’illusionniste, de Pascal-Alex Vincent, pour continuer à explorer l’héritage de cet artiste visionnaire, perfectionniste, passionné.
Source
- Film de Culte – Interview Satoshi Kon
