« Le Crime de l’Orient-Express » de Kenneth Branagh est une très belle relecture du mythe [critique]

Vous reprendrez bien un peu de British ? Quand un acteur / réalisateur Shakespearien adapte une des romancières britanniques les plus renommées, cela donne Le Crime de l’Orient-Express version 2017. Réalisée par Kenneth Branagh, cette relecture du mythe d’Agatha Christie nous offre un très agréable divertissement, porté par un des plus beaux castings de l’année. Focus ! 

Un casting de haute volée parfaitement exploité : 

Kenneth Branagh, Michelle Pfeiffer, Johnny Depp, Judy Dench, Willem Dafoe, Pénélope Cruz, Daisy Ridley… Bigre ! Avec un tel casting, une seule question nous brûlait les lèvres : est-il exploité à la hauteur de son talent ? Force est de constater que oui, pour notre plus grand plaisir.

On pense bien évidemment à Kenneth Branagh, qui nous offre un Hercule Poirot d’une élégance déconcertante (élégance en partie due à sa moustache, qui ferait pâlir d’envie les acteurs porno des années 70…). Virevoltant entre une intelligence froide et une excentricité exacerbée, Branagh nous offre une nouvelle version d’Hercule Poirot très intéressante à découvrir. Contrairement aux diverses interprétations que nous avons pu connaître, cette version du Crime de l’Orient-Express s’axe de manière très accentuée sur la psychologie du détective à la moustache. Celui-ci jouit d’un traitement complet et édifiant, notamment concernant sa vision de la justice. Il faut dire que le Crime de l’Orient-Express est une œuvre incroyablement subversive en ce qui concerne la justice et son bien-fondé (on n’en dit pas plus pour ceux qui ne connaissent pas la fin !).

Le reste du casting ne démérite pas et c’est notamment du côté des femmes que l’on retrouve les plus belles interprétations. Michelle Pfeiffer est tout bonnement extraordinaire en Madame Hubbard et nous offre quelques moments assez mémorables, notamment lors de la dernière partie de l’adaptation. Pénélope Cruz s’avère aussi très convaincante dans le rôle de la religieuse Pilar Estravados. Loin d’utiliser ses atouts de femme fatale (comme elle le fait bien souvent), celle-ci interprète son personnage en toute sobriété. Judy Dench tire aussi son épingle du jeu parmi ce casting de mastodonte, en interprétant à merveille la princesse Dragomiroff. S’agissant de Daisy Ridley, celle-ci nous offre quelques tête-à-tête fort appréciables avec Hercule Poirot. Cependant, malgré tout le talent de la jeune égérie de Star Wars, force est de constater qu’il lui est difficile de tenir tête au panel d’actrices face à elle. Cela n’enlève toutefois rien à sa très bonne performance durant le film.

Parmi les hommes, quel plaisir de retrouver Johnny Depp dans un rôle autre que Jack Sparrow, loin du cabotinage auquel il nous a habitué dernièrement. Aussi inquiétant que détestable, celui-ci semble prendre beaucoup de plaisir à interpréter la charogne qu’est Edward Ratchett. Willem Dafoe, quant à lui, joue avec beaucoup de prestance le personnage ambigu qu’est Gerhard Hardman. Et il faut avouer que Dafoe interprétant cet « universitaire allemand » des années 30 a de quoi plaire, tant nous aimons haïr ce genre de personnage… En bref voilà un casting non seulement prestigieux, mais également parfaitement exploité. Ceci place la barre très haut pour les castings des éventuelles suites…

Une réalisation parfaite… Ou presque ! 

Avec Le Crime de l’Orient-Express, Kenneth Branagh nous démontre (une fois encore) toute sa virtuosité de réalisateur et ses capacités de metteur en scène. Alternant entre d’habiles plans-séquences et un intimisme très poussé, celui-ci se sert de tous les outils à sa disposition pour garder le spectateur en alerte. Toutefois, malgré toute l’ingéniosité dont fait preuve Branagh, la réalisation du film manque cruellement d’un élément : le contemplatif.

Que l’on s’entende, le film est visuellement magnifique et chaque plan a été pensé de manière élaborée et astucieuse. Cependant, il manque un certain aspect contemplatif au film, que l’on retrouvait par exemple dans les adaptations précédentes. Si l’on prend en exemple la scène de reconstitution du meurtre (rassurez-vous, nous ne dirons rien sur la révélation finale), celle-ci ne prend pas son temps, ce qui est regrettable tant celle-ci est censée être impactante émotionnellement. Même si Branagh a fait le choix intéressant de retranscrire la folie qui accompagne le meurtre, cette scène va trop vite et perd malheureusement en force.

Cet exemple cité est assez symptomatique de la réalisation du film en général. Branagh a réussi un tour de force en rendant l’histoire d’Agatha Christie aussi dynamique. Cependant, il manque une dimension contemplative à cette œuvre, qui aurait mérité un petit peu plus de lenteur afin de laisser le spectateur respirer un peu. Fort heureusement, la beauté des plans, la magnifique reconstitution des décors et la parfaite gestion des lumières permettent de rattraper ce « défaut » de mise en scène. 

Une réécriture intéressante de l’œuvre

Le Crime de l’Orient-Express est l’une des enquêtes les plus connues du grand public. Il faut dire que le classique d’Agatha Christie a connu moult adaptations, que ce soit pour la télévision, le cinéma ou même la radio. Faire dans l’originalité était donc un défi de taille pour le scénariste Michael Green (Blade Runner 2049, Logan). Celui-ci a donc décidé de changer certains détails dans le développement de l’œuvre, sans pour autant altérer l’enquête du détective à la moustache.

C’est notamment dans la psychologie d’Hercule Poirot que l’on retrouvera des nouveautés intéressantes. On pense notamment au manichéisme qui caractérise sa pensée au début de l’histoire. Toutefois, quiconque connait Le Crime de l’Orient-Express sait que la solution du fameux crime est tout sauf simple. Le célèbre détective devra donc mettre son esprit mais surtout sa morale à l’épreuve face à cette affaire. Cela l’obligera (au même titre que certains spectateurs) à effectuer un véritable cheminement psychologique. En outre, la scène d’introduction écrite spécialement pour le film a le mérite d’être une intéressante relecture de l’œuvre. Cette scène se déroulant à Jérusalem permet d’introduire Poirot comme un véritable spécialiste de la déduction, mais aussi comme un as de l’anticipation. Si cette péripétie est assez stéréotypée, elle a le mérite d’être efficace. On peut se demander pourquoi cette scène se déroule à Jérusalem dans les années 30 (contrairement à Alep dans l’œuvre originale). Mais, après tout, cela ne nuit en rien à l’efficacité de l’histoire et permet de découvrir une toute nouvelle vision de cette histoire.

Esthétiquement parfait et merveilleusement interprété, Le Crime de l’Orient-Express est un très bon moment de cinéma qui devrait ravir les amateurs du genre. Si l’on peut retrouver un certain manichéisme dans l’adaptation et un manque de contemplatif, nous sommes sans problème embarqués dans ce voyage meurtrier. Il n’y a plus qu’à espérer que le film trouvera son public en cette fin d’année, malgré le fait qu’il sorte le même jour que le mastodonte Star Wars 8. Espérons aussi que Branagh reprendra son rôle de détective moustachu, car il faut admettre que ce personnage lui sied à merveille. 

Bande-annonce – Le Crime de l’Orient-Express 

3 Replies to “« Le Crime de l’Orient-Express » de Kenneth Branagh est une très belle relecture du mythe [critique]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *