L’élection de Robert Francis Prevost, 69 ans, qui a choisi le nom de Léon XIV, en tant que 267e leader de l’Église catholique romaine, marque deux premières historiques. Léon est en effet le premier pape nord-américain et le premier pape issu de l’ordre des Augustins, réputé attaché à la tradition autant qu’à la charité. Qualifié de modéré, ce nouveau pape a tenu, pour son premier discours, à porter un message d’unité et de paix. Mais qui est donc ce nouveau leader spirituel de la chrétienté ? Retour sur la vie et le parcours de de Robert Francis Prevost, devenu Léon XIV.
Robert Francis Prevost : un membre de l’Ordre de Saint Augustin
Robert Francis Prevost naît en 1955 à Chicago, aux États-Unis, d’un père directeur d’école et d’une mère bibliothécaire. D’origine française et italienne par son père, et créole louisianaise, haïtienne et espagnole par sa mère, il descend à la fois d’ancêtres colons européens et d’esclaves noirs. Léon XIV est ainsi le premier pape ayant une ascendance africaine subsaharienne.
Prevost rejoint l’Ordre de Saint Augustin en 1977 avant d’être ordonné prêtre en 1982. Il a tenu à revendiquer cette affiliation lors de sa première allocution, en déclarant : « Je suis un Augustinien. » Fondé en 1243 par le pape Innocent IV, cet ordre mendiant, comme les Dominicains et les Franciscains, suit la Règle de Saint Augustin, grand théologien du Ve siècle et l’un des plus grands Pères de l’Église.
Cet ordre se caractérise par une vie communautaire centrée sur la charité, la recherche de la vérité, la prière, et le service pastoral. Les membres vivent selon une règle simple mais exigeante, mettant l’accent sur l’unité fraternelle, la mise en commun des biens et le dialogue constant entre foi et raison.
Missionnaire au Pérou
En 1985, il est envoyé en mission au Pérou, où il restera plus d’une décennie, y occupant des postes de formateur, de juge ecclésiastique et de défenseur des droits humains. De 2001 à 2013, il est prieur général de son ordre, puis évêque de Chiclayo jusqu’en 2023.
Prevost a joué un rôle clé dans le recrutement de Péruviens pour la prêtrise et pour des fonctions de direction dans l’Ordre. Face à l’hostilité envers les réfugiés vénézuéliens, il a organisé un soutien pour eux. Durant l’ère Fujimori, il a critiqué les actions du président Alberto Fujimori, soulignant en particulier les victimes de l’armée péruvienne, notamment celles du Groupe Colina, durant la période du terrorisme, ainsi que la corruption politique.
En 2017, il a dénoncé la décision du président Pedro Pablo Kuczynski de gracier Fujimori, et a appelé ce dernier à « présenter personnellement des excuses pour certaines des grandes injustices commises ».
Ses années au Pérou lui ont donné une expérience directe de la violence politique et des inégalités, allant jusqu’à voyager à cheval sur des routes difficiles, pour remplir ses engagements missionnaires auprès de populations oubliées dans les ravins de Lambayeque. Il s’est aussi distingué comme défenseur des droits humains des habitants de la région du Norte Chico, contre la violence de la guérilla « Sentier lumineux », d’idéologie marxiste-léniniste-maoïste.
Léon XIV : le premier pape venu des Etats-Unis
En 2023, Prevost est choisi pour succéder au cardinal Ouellet, atteint par la limite d’âge et visé par des plaintes pour agression sexuelle, à la tête du Dicastère pour les évêques. La même année, il est créé cardinal par le pape François. Il partageait avec celui-ci une même sensibilité, et le projet d’une Église plus synodale, plus proche des pauvres, moins centrée sur le pouvoir.
Après la mort du pape François, Prevost est élu pape par le conclave le 8 mai 2025 après seulement quatre tours de vote. Avant le conclave, Prevost était considéré comme un outsider par rapport à des papabili plus en vue, bien qu’il ait été identifié comme un allié du pape François et un candidat de compromis possible. Sa nationalité américaine était vue comme un obstacle potentiel, certains exprimant des réticences à l’idée d’accroître l’influence géopolitique des États-Unis. Ses partisans soulignaient néanmoins le fait qu’il puisse incarner une voie diplomatique médiane.
Prevost choisi Léon XIV comme nom de pape, faisant ainsi référence à Léon XIII, premier pape du XXe siècle, engagé sur les grandes questions sociales de son temps. Celui-ci est d’ailleurs à l’origine de l’encyclique Rerum Novarum, texte inaugural de la doctrine sociale de l’Église catholique. Le nouveau souverain pontife explique les raisons de son choix :
« [Léon XIII] a abordé la question sociale dans le contexte de la première grande révolution industrielle, et aujourd’hui, l’Église offre à tous l’héritage de sa doctrine sociale pour répondre à une autre révolution industrielle et au développement de l’intelligence artificielle, qui posent de nouveaux défis pour la défense de la dignité humaine, de la justice et du travail. »
Quand les controverses ressurgissent
Peu de temps après l’élection du pape Léon XIV, des controverses refont déjà surface, l’accusant de mauvaise gestion concernant deux affaires d’abus sexuels sur mineures dans l’Église.
En 2000, il a autorisé un prêtre augustinien nommé James Ray à résider sous surveillance au couvent Saint-Jean-Stone à Chicago. Ray avait été suspendu de tout ministère public depuis 1991 en raison d’accusations crédibles d’abus sexuels sur mineurs. Prevost sera plus tard critiqué en raison de la proximité du couvent avec une école primaire. Ray est finalement relogé ailleurs en 2002, après que les évêques américains ont adopté des règles plus strictes.
Prevost a ensuite été accusé de dissimulation d’abus sexuels durant son mandat à Chiclayo. En 2022, des victimes présumées d’abus perpétrés en 2007 par les prêtres Ricardo Yesquén Paiva et Eleuterio Vásquez Gonzáles ont affirmé que Prevost n’avait pas enquêté sur leur cas.
Le diocèse de Chiclayo a déclaré que Prevost avait suivi les procédures adéquates, qu’il avait rencontré les victimes en avril 2022, encouragé une action civile, et lancé une enquête canonique, dont les résultats ont été envoyés au Dicastère pour la Doctrine de la Foi. Cependant, les sœurs ont déclaré en 2024 qu’aucune enquête canonique complète n’avait été menée. Une enquête journalistique de la chaîne América Televisión a conclu que l’investigation de l’Église n’avait pas été approfondie.
les prises de position de Léon XIV
Conformément à la position officielle de l’Église, Léon XIV est opposé à l’avortement, à l’euthanasie et à la peine de mort. Il a dénoncé l’invasion russe de l’Ukraine, la qualifiant de véritable invasion impérialiste visant à conquérir un territoire par soif de pouvoir. Il est également actif sur les questions écologiques : lors d’un séminaire en novembre 2024, il a critiqué la conception tyrannique de la domination sur la nature.
Sur le réseau social Twitter, devenu X, le pape a soutenu la vaccination contre la Covid-19, exprimé sa solidarité envers George Floyd et les manifestants du mouvement Black Lives Matter et critiqué les politiques migratoires américaines sous Donald Trump et J.D. Vance. Il a également condamné la rencontre entre Trump et le président salvadorien Nayib Bukele, qui avait proposé d’incarcérer au Salvador des criminels étrangers expulsés des États-Unis.
En 2012, il avait critiqué la culture populaire pour sa sympathie envers « le style de vie homosexuel » et les familles homoparentales. En avril 2016, il s’est opposé à l’introduction de la « théorie du genre » dans les écoles primaires péruviennes, jugeant qu’elle introduit des « genres qui n’existent pas ».
Interrogé en 2023 par Catholic News Service sur un éventuel changement de position, il a répondu que « beaucoup de choses ont changé » et que l’Église doit être plus accueillante, en ligne avec le message du pape François, qui appelle à ne pas exclure les gens pour les choix qu’ils font. Il a néanmoins précisé que la doctrine de l’Église, elle, n’a pas changé.
Ne manquez aucun article : abonnez-vous gratuitement à Cultea sur Google News
Sources :
- Pope Leo XIV – Wikipedia
