L’affaire Patrick Henry est une des affaires criminelles les plus emblématiques de l’histoire de France. Débutée en janvier 1976, elle marquera aussi bien l’opinion publique que la justice française. Retour sur le procès devenu par extension le « procès de la peine de mort ».
Qui était Patrick Henry ?
Patrick Henry naît le à Troyes, dans une famille modeste. Fils d’un père vendeur et d’une mère travaillant dans une blanchisserie, il vit une existence d’une grande normalité au sein d’une fratrie de six enfants au total. Du fait de ses faibles moyens financiers, ce dernier développe une certaine obsession pour l’argent.
Une fois entré dans la vie active, Patrick Henry commence à vivre bien au dessus de ses moyens. Chèques sans provision, endettement, crédits non remboursés… Alors qu’il croule sous les dettes, il décide de voler un chèque dans le chéquier d’une collègue de travail. Rapidement attrapé pour ce larcin, celui-ci est condamné à 15 mois de prison avec sursis pour vol et faux en écriture.
Par la suite, il devient représentant de commerce et se retrouve interpelé pour trois cambriolages suivis d’incendies. Cependant, il bénéficie de trois non-lieux, faute de preuves suffisantes. Il sera également condamné pour l’homicide involontaire d’un motocycliste, alors qu’il était au volant de sa voiture de fonction.
Malgré tous ces délits, ce n’est qu’en 1976 que Patrick Henry devient tristement célèbre, pour l’enlèvement et le meurtre d’un enfant.
L’enlèvement et le meurtre de Philippe Bertrand
« La France a peur »
Tels sont les mots prononcés le 18 février par le présentateur télé Roger Gicquel, au lendemain de l’arrestation de Patrick Henry :
« La France a peur. Je crois qu’on peut le dire aussi nettement. […] Oui, la France a peur et nous avons peur. Et c’est un sentiment qu’il faut déjà que nous combattions je crois. Parce qu’on voit bien qu’il débouche sur des envies folles de justice expéditive, de vengeance immédiate et directe. »
Replaçons-nous dans le contexte. Le , Patrick Henry kidnappe Philippe Bertrand, alors âgé de sept ans. Son objectif est simple : réclamer une rançon d’un million de francs à la famille du petit garçon.
Très rapidement, la police le soupçonne. En effet, le jeune homme connait déjà bien cette famille qu’il a fréquenté en tant que représentant de commerce. Il est ainsi arrêté le à 6 heures du matin.
Placé en garde à vue, Patrick Henry nie son implication dans l’élèvement. A l’inverse, la police est convaincue de sa culpabilité. Les agents de l’ Office central pour la répression du banditisme (OCRB) le conduisent alors dans une forêt isolée afin de tenter de reconstituer les faits. Cela se fait hors de toute procédure judiciaire légale.
Lors de cette « reconstitution », Patrick Henry sera menacé d’une arme à feu par le chef de l’OCRB. Ce dernier tirera même un coup de semonce pour le faire craquer. Malgré tout, le jeune homme ne flanchera pas et sera remis en liberté.
Patrick henry : le monstre cynique
Interrogé par les médias suite à sa libération, Patrick Henry fera preuve d’un cynisme déconcertant. En effet, celui-ci déclarera publiquement son innocence et affirmera avec force que l’auteur de ce rapt mérite la peine de mort.
Cette attitude rendra d’autant plus vif le désir de vengeance de la part des citoyens favorables à la guillotine. En effet, son comportement désinvolte et ses sarcasmes auprès des médias attiseront la haine contre lui et feront de ce procès un véritable tourbillon médiatique.
Il sera finalement arrêté le 17 février 1976. Alors qu’il logeait dans une chambre d’hôtel qu’il louait depuis le 23 janvier, la police apprend par le gérant qu’il loge à cet endroit sous un faux nom. Il est ainsi interpellé tandis qu’il tente de s’enfuir par la fenêtre de la chambre d’hôtel. La police y découvre par la même occasion le corps sans vie de Philippe Bertrand, enroulé dans un tapis. Un an plus tard démarre ainsi un des procès les plus emblématiques de l’histoire de France.
Le procès de la peine de mort
Le procès de Patrick Henry provoque une débâcle médiatique qui reste encore aujourd’hui dans les mémoires. Le souvenir de son comportement devant les caméras est encore vif. La haine contre le jeune homme est très présente parmi les citoyens et nombreux sont ceux à réclamer sa tête.
La pression médiatique étant très forte, quasiment aucun avocat ne souhaite défendre l’accusé. C’est finalement Robert Bocquillon, bâtonnier de l’ordre des avocats de Troyes, qui prendra sur lui de se charger de sa défense. Il appellera à la rescousse un certain… Robert Badinter !
C’est donc l’un des plus virulents militants pour l’abolition de la peine de mort en France qui se saisit de cette affaire. Une affaire qui sera citée en exemple quelques années plus tard (en 1981), lors de son discours mémorable contre la peine de mort.
Le procès s’ouvre le . Alors que Robert Bocquillon se charge de la défense de l’accusé, Robert Badinter profite de cette tribune pour faire le procès de la peine de mort.
« Si vous décidez de tuer Patrick Henry, c’est chacun de vous que je verrai au petit matin, à l’aube. Et je me dirai que c’est vous, et vous seuls, qui avez décidé ! »
Robert Badinter rappelle alors aux jurés que si l’accusé devait être exécuté, il en serait de leur responsabilité. Reconnu coupable, Patrick Henry est finalement condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Parmi les jurés, seuls sept ont voté sa condamnation à mort, ce qui n’était pas suffisant.
Notons que même si ce procès symbolise la mise en échec de la peine de mort en France, il ne marque pas la fin des exécutions capitales. En effet, deux condamnés à mort se verront par la suite exécutés. il s’agit de Jérôme Carrein et d’Hamida Djandoubi.
Condamnation et fin de vie
Condamné à perpétuité, Patrick Henry sera connu comme un criminel modèle. Il reprendra des études en prison, passant une licence de mathématiques ainsi qu’un DUT en informatique. Bardé de diplômes, il espère pouvoir obtenir une liberté conditionnelle et reprendre une vie normale.
Par sept fois, il demandera sa mise en liberté conditionnelle. Liberté qui lui sera systématiquement refusée par les ministres de la justice en exercice. Il faut dire que même plusieurs décennies plus tard, le sujet Patrick Henry restait épineux. Cependant, la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence permet à une juridiction indépendante de statuer sur sa remise en liberté surveillée. Il est ainsi libéré le embauché par une imprimerie.
Il contacte aussitôt divers éditeurs et leur propose ses mémoires. Essuyant plusieurs refus, le livre est finalement accepté par la maison d’édition Calmann-Lévy. Toutefois, sa parution est suspendue à l’automne 2002. Pourquoi ? Eh bien car dans la nuit du 5 au 6 octobre 2002, Patrick Henry est arrêté pour trafic de drogue.
C’est donc un retour à la case prison pour celui qui avait pourtant affirmé à ses juges « vous n’aurez pas à le regretter », juste après sa condamnation à perpétuité.
Le vendredi , après plus de 40 ans de détention, Patrick Henry obtient finalement une suspension de peine pour raisons médicales. Il décède le 3 décembre de la même année, laissant derrière lui le souvenir d’un procès emblématique et d’une France divisée quant à son sort…
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