« Le Chant du loup » : du grand cinéma à la française [critique]

"Le Chant du loup" : du grand cinéma à la française [critique]

Beaucoup de spectateurs ont tendance à réduire le cinéma français à quelques clichés trop répandus : la comédie bas de gamme, le drame intimiste ou encore le film d’auteur sous-produit… Mais en  2019, Antonin Baudry frappait un grand coup avec Le Chant du loup. Ce thriller sous-marin aussi prenant qu’ambitieux est un des films qui a fait le plus honneur au cinéma hexagonal ces dernières années, aux côtés d’autres chefs-d’œuvre comme Le Comte de Monte-Cristo ou encore Vermines.

Synopsis : Chanteraide est un jeune homme avec un don rare. Il est capable de reconnaître chaque son qu’il entend avec précision. Il met ainsi son talent au service de l’Etat français, à bord d’un sous-marin nucléaire. A bord, la sécurité repose sur lui : il est l’Oreille d’Or. Cependant, une erreur de sa part met son équipage en danger de mort. À cela s’ajoute un imbroglio politico-militaire, précipitant le risque d’une guerre nucléaire…

Le Chant du loup : un film aussi immersif qu’oppressant 

Dès les premières minutes du film, le ton est posé : Le Chant du loup ne laissera aucun répit au spectateur. Cette plongée dans l’univers peu connu des sous-marins nucléaires brille par son réalisme et le sentiment de claustrophobie perpétuel qui accompagne un équipage de sous-mariniers. Le film évite habilement les facilités scénaristiques, pour construire une tension constante, où chaque erreur de jugement peut déclencher une catastrophe majeure. Le stress reste ainsi palpable jusqu’à la fin, dans un climax absolument sublime.

"Le Chant du loup" : du grand cinéma à la française [critique]

Sur le plan visuel, Baudry fait preuve d’une maîtrise impressionnante pour une première réalisation. Sa caméra épouse parfaitement les espaces exigus des sous-marins, accentuant l’effet de claustrophobie ressenti par les personnages. Chaque mouvement, chaque plan est pensé pour renforcer cette immersion totale dans un milieu hostile et anxiogène.

L’utilisation remarquable du son complète cette immersion. Véritable personnage du film, le son devient un élément narratif central, rendant réellement palpable l’angoisse et la tension des situations vécues par les personnages. Le travail sonore était d’ailleurs tellement important pour l’équipe du film, que celle-ci a envoyé le film au Skywalker Ranch, le studio de production sonore de George Lucas, pour y être peaufiné.

Un casting cinq étoiles, pour des personnages très attachants 

Pour porter un projet aussi ambitieux (et casse-gueule), il fallait la crème de la crème du cinéma français. Ainsi, Le Chant du Loup tire sa force d’une galerie de personnages interprétés avec brio. En tête de file, François Civil nous offre une interprétation très puissante du personnage de Chanteraide. À la fois attachant et complexe, il porte à lui seul l’essentiel de l’intrigue.

"Le Chant du loup" : du grand cinéma à la française [critique]

Omar Sy est également parfaitement crédible dans son rôle de commandant de sous-marin, rappelant au public son talent dans le registre dramatique. À ses côtés, Mathieu Kassovitz livre une performance tout en retenue, tandis que Reda Kateb incarne avec brio un officier pragmatique confronté à des choix impossibles. Ensemble, tout ce beau monde nous offre des relations riches et crédibles, mais surtout émouvantes.

Loin de l’image des militaires invincibles, les personnages sont humanisés à l’extrême et constamment tiraillés par leurs doutes moraux. Au delà des images grandioses et de la mise en scène soignée, cette humanité des personnages est ce qui rend Le Chant du Loup aussi poignant et mémorable. Car à la fin, c’est surtout ça qui reste : des êtres humains, qui doivent faire face aux conséquences de leurs actes.

Une réflexion sur la guerre moderne 

Au-delà du divertissement pur, Le Chant du Loup nous questionne sur les enjeux moraux et humains de la guerre moderne. En prenant à bras-le-corps la menace nucléaire, le film explore les questions de responsabilité individuelle et collective face à des décisions aux conséquences dramatiques. Chaque personnage est placé face à des choix éthiquement très discutables, où la moindre mauvaise décision peut coûter des milliers, si ce n’est des millions de vies. Des dilemmes qu’on ne peut s’empêcher de partager en tant que spectateurs.

"Le Chant du loup" : du grand cinéma à la française [critique]

Le Chant du loup réussit notamment à montrer comment, sous pression, la frontière entre le devoir, l’éthique personnelle et la survie devient floue, obligeant chacun à réévaluer ses principes fondamentaux. Le réalisateur met également en avant avec brio la solitude profonde ressentie par ces individus, confrontés à des décisions irréversibles dans des délais très courts. Cette nuance morale enrichit considérablement l’expérience cinématographique proposée par Baudry.

Ces questions éthiques prennent d’autant plus d’ampleur plusieurs années après la sortie du film, au regard de l’instabilité mondiale globale, avec la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien, ainsi que les menaces régulières de Donald Trump à l’égard du Groenland et du Canada. Il est facile d’imaginer, face à ce chaos international, que ce genre de dilemme s’imposera à plusieurs personnes à travers le monde. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau, puisque des hommes comme Vasili Arkhipov ou encore Stanislav Petrov, confrontés à des décisions difficiles, sont parvenus à éviter, chacun à leur époque, une potentielle guerre nucléaire.

Le Chant du Loup est ainsi une véritable réussite, aussi bien sur le plan cinématographique, que de par l’histoire qu’il nous raconte, sur nous-même et sur le monde. Avec son premier long-métrage, Antonin Baudry signe une œuvre puissante, immersive et intelligente. Un film à découvrir absolument, qui mérite sa place parmi les grands thrillers du cinéma français contemporain. Le film est d’ailleurs actuellement disponible en streaming sur Netflix, si vous souhaitez le rattraper. 

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Bande-annonce : Le Chant du loup 

Journaliste, photographe et réalisateur indépendant, écrire et gérer Cultea est un immense plaisir et une de mes plus grandes fiertés.

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