Vasili Arkhipov : celui qui a évité une guerre nucléaire lors de la crise de Cuba !

Isalyne Marlier
Isalyne Marlier
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Il faut savoir qu’on est passé plus d’une fois à un cheveu de la guerre nucléaire. De fait, l’Histoire a cette fâcheuse tendance à oublier les noms de ces héros qui ont sauvé l’humanité de la catastrophe. C’est notamment le cas de Vasili Arkhipov, sans qui nous ne serions probablement plus là aujourd’hui pour en parler.

La crise des missiles de Cuba est certainement le moment de l’Histoire où la planète a été au plus proche de la guerre nucléaire. En effet, l’armement de l’île aux abords des Etats-Unis est considéré comme une menace directe par le gouvernement américain. John F. Kennedy instaure alors le blocus de Cuba. Plus aucun navire soviétique ne pourra approcher tant que les missiles n’auront pas été désarmés. C’est dans ce contexte que Vasili Arkhipov, à la tête d’une flottille soviétique en pleine mer des Caraïbes, empêchera une guerre nucléaire d’éclater.

Coupure des communications avec Moscou

Alors que les tensions grimpent entre Washington et Moscou, l’équipage soviétique de Vasili Arkhipov se trouve au large de Cuba. Quatre vaisseaux ont reçu l’ordre de rester dans les profondeurs de la mer, afin de ne pas être repérés par les radars américains. À bord du B-59 : des torpilles, dont une nucléaire équivalente à la bombe lâchée sur Hiroshima lors de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, tapi dans les fonds de la mer des Caraïbes, l’équipage soviétique n’a aucune idée de ce qui se passe à l’extérieur. En effet, ils ne reçoivent plus de consignes de Moscou et ne parviennent pas à déterminer si la guerre a éclaté ou non. De fait, ces derniers ne sont pas au courant du blocus maritime de Cuba, instauré le 4 octobre 1962 par les Américains.

« Durant les quatre derniers jours, nous avons été contraints de rester dans les profondeurs. L’air est étouffant et ma tête est sur le point d’exploser. Aujourd’hui, trois marins se sont évanouis à cause de la chaleur. La teneur en dioxyde de carbone augmente et nos réserves d’énergie diminuent. »

Anatoly Andreev, membre de l’équipage

Tout semblait être sur le point de s’arranger le 28 octobre 1962, jusqu’à ce que le B-59 refasse surface le 27. En effet, l’équipage étouffait au fond de la mer et était en quête d’air frais. Il faut noter que certaines parties du sous-marin atteignaient les 50 degrés ! Malheureusement, ignorant la situation politique actuelle, ils sont rapidement repérés par des destroyers américains qui les prennent en chasse. L’armée américaine a alors utilisé des grenades sous-marines d’exercice afin de sommer le sous-marin de refaire surface. Or, pour l’équipage, ils sont en train de se faire torpiller par l’ennemi. Déboussolés, fatigués et apeurés, ils ne comprennent pas ce qui se passe.

L’acte de bravoure de Vasili Arkhipov

Est-ce que la guerre a éclaté ? C’est ce que pense le commandant de bord, Valentin Savistky. Ces bombardements ne peuvent être que le fruit de la guerre et il donne l’ordre de préparer les torpilles, notamment la nucléaire. En effet, il ne compte pas se laisser couler sans riposter. A noter qu’un officier politique est systématiquement à bord des sous-marins pourvus d’armes nucléaires. Ces derniers doivent donner ou non leur accord quant à l’utilisation de ces dernières. A bord du B-59, l’officier politique Ivan Maslennikov approuve donc l’utilisation de la torpille pour la diriger contre l’USS Randolph, celui qui les a pris en chasse. Cependant, Vasili Arkhipov s’opposera à cette décision. Lui aussi a son mot à dire grâce à son statut de commandant.

« On va les faire sauter ! On va mourir mais on va tous les couler ! On ne déshonorera pas notre marine ! »

Valentin Savistky

Vasili Arkhipov refuse d’autoriser le lancement de la torpille, ce qui engendre une terrible dispute entre les trois hommes. Le commandant ne cédera pas à la pression. Pour lui, si les Américains avaient réellement souhaité couler leur sous-marin, ils l’auraient fait depuis longtemps. Or, leur calvaire dure depuis des heures. Il refuse donc d’utiliser la torpille tant que Moscou n’aura pas confirmé que la guerre a bel et bien éclaté. Savistky finit par accepter à contrecœur et le sous-marin refait surface. Il est immédiatement rejoint par un destroyer américain qui lui ordonne de faire demi-tour.

Un héros déchu par sa propre nation

Vasili Arkhipov rentre en Union soviétique, couvert de honte. S’il vient de sauver le monde d’une guerre nucléaire inévitable, l’URSS ne le voit pas de cet œil. Loin de là. Pour eux, l’équipage a déshonoré le pays et ils auraient mieux fait de couler avec leur vaisseau. Leurs supérieurs hiérarchiques ne cesseront de critiquer leur décision, mais Vasili Arkhipov n’en tiendra jamais rigueur. Il a su qu’il avait fait le bon choix, tout comme sa femme, qui est fière de lui. Malgré les réprobations, il a continué à monter les échelons dans la marine et devient même vice-amiral en 1982.

Portrait de Vasili Arkhipov en 1955 - Cultea
Portrait de Vasili Arkhipov en 1955. (Wikimedia Commons)

Quelques années plus tard, il prendra sa retraite avant de décéder à 72 ans, en 1998. Cette histoire ne refera alors surface qu’en 2002, à l’occasion d’une rencontre entre les anciens belligérants à Cuba. Ce n’est qu’à ce moment que les Américains découvrent que le B-59 transportait une arme nucléaire. En effet, ces derniers avaient escorté le sous-marin soviétique, mais ne l’avaient pas inspecté. C’est à ce moment précis qu’ils se sont rendus compte à quel point ils avaient frôlé la Troisième Guerre mondiale, ce jour-là. Si Vasili Arkhipov avait cédé à la pression des bombardements américains, peut-être n’aurions-nous jamais connu le monde d’aujourd’hui.

Ainsi, Vasili Arkhipov est l’un des nombreux héros méconnus de l’Histoire, qui aura pourtant sauvé le monde de réactions en chaîne. Pour les historiens, la Troisième Guerre mondiale n’aurait pu être évitée si la torpille nucléaire avait été lancée. Vasili Arkhipov a alors sauvé des millions, voire des milliards, de personnes.

 

Sources :

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