Voici maintenant plus de 80 ans que s’est déroulée la rafle du Vel d’Hiv, la plus grande rafle ayant eu lieu en Europe de l’Ouest durant la Seconde Guerre mondiale. Un drame qu’a eu du mal à reconnaître l’État français. Récit d’une vague d’arrestations perpétrées par la police française en collaboration avec l’Allemagne nazie.
La France de 1942
Après plusieurs rafles en 1941, l’année 1942 marque un tournant dans la persécution des juifs dans l’hexagone. En effet, le premier convoi part des camps de Compiègne et de Drancy le 27 mars 1942. 1136 personnes prennent la direction d’Auschwitz-Birkenau. Cette même année, tout juif de plus de 6 ans se voit contraint de porter une étoile jaune afin d’être identifié comme « Juif ». Ces derniers sont de plus en plus chassés.
Le 16 juillet 1942, il y a 81 ans, un événement marqua à jamais l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale en France : la rafle du Vel d’Hiv’. Ce jour-là, des milliers de juifs furent arrêtés chez eux, dans Paris et sa banlieue. Ces derniers furent ensuite conduits au stade du Vélodrome d’Hiver, puis vers les camps d’extermination.
Ce jour-là, la France de Vichy bat un record. Un terrible record. La France était le pays qui, en une journée, avait arrêté le plus de juifs de toute l’Europe de l’Ouest, battant l’Allemagne elle-même. Le terme pour parler de ces arrestations est « rafle« . Une rafle souligne l’arrestation de masse (pas d’interpellations individuelles).
Une vague d’arrestations se prépare
Cette vague d’arrestations s’inscrit dans la campagne d’extermination des juifs menée par l’Allemagne nazie. Elle se déroule alors dans plusieurs pays européens, dont la France. L’armistice signé le 22 juin 1940 par le IIIème Reich allemand et la IIIème République française, obligeait la police française à exécuter les demandes nazies.
En juillet 1942, une rafle de grande ampleur se prépare. À Auschwitz, les chambres à gaz sont prêtes, mais pas les crématoires. L’Allemagne nazie a besoin de temps avant de déporter les enfants destinés à la chambre à gaz et les adultes destinés, pour une grande partie d’entre eux, à travailler comme des esclaves.
La rafle du Vel’ d’Hiv’
Lors du mois de juillet, les rumeurs commencent à se répandre. Une vague d’arrestations de grande ampleur risque de se dérouler très bientôt. Cette vague concerne les juifs de Paris et de sa banlieue. Plus de 110 000 juifs vivent alors dans cette zone-là. Après le tri des « fichiers juifs » de la préfecture de police de Paris, pour une arrestation sont recensés 27 400 juifs. Pour cette vague, 4 500 policiers français sont appelés.
Les rumeurs ayant précédé la rafle, certains se cachèrent. Cependant, peu savaient que les arrestations toucheraient les familles en entières.
« Vers midi, le 16 juillet, je croise dans la rue une camarade qui me dit : ‘tu devrais rentrer chez toi, c’est pas bon pour les Juifs aujourd’hui’. Peu après frappent chez nous deux policiers français, un en uniforme et un en civil, avec un air glacial. » – Joseph Weismann, rescapé, pour l’AFP
Plus de 25 000 juifs, qu’ils soient français ou étrangers, sont ciblés ce 16 juillet à Paris. Les 16 et 17 juillet 1942, 13 152 personnes sont emmenées vers le Vel’ d’Hiv’. Ce sont notamment 5 919 femmes et 4 115 enfants. Les juifs sont acheminés en bus. De ces arrestations, il n’existe qu’une seule photo montrant une lignée de bus attendant que les équipes de René Bousquet, chef de la police de Vichy, les remplissent.
5 jours en enfer
Plus de 13 000 personnes, y compris des personnes âgées et malades, se retrouvent entassées dans les bus direction le quai de Grenelle, dans le 15ème arrondissement de Paris. Auparavant, l’enceinte avait accueilli des compétitions sportives.
Les prisonniers restèrent dans ce lieu pendant 5 jours. Et cela, en ne buvant et mangeant que très peu, avec des toilettes inutilisables, et sans pouvoir se laver. Tout cela mêlé à la chaleur de juillet. Les personnes tentant de s’enfuir sont tuées. Certains se suicident et d’autre meurent de soif ou de faim.
Le 22 juillet, les prisonniers sont envoyés vers les camps de Drancy, de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, puis dirigés vers le camp d’Auschwitz. Au final, quelques dizaines d’adultes survivront, mais aucun enfant.
La rafle du Vel d’Hiv représente plus d’un quart des juifs envoyés à Auschwitz par la France durant l’année 1942. En 1942, 42 000 juifs de France sont envoyés vers les camps d’extermination.
La responsabilité de l’État français
La rafle du Vel’ d’Hiv a longtemps été taboue en France. Que ce soit Charles de Gaulle ou ses successeurs, aucun n’a osé reconnaître le rôle de l’État dans cette déportation massive. Ce n’est que dans les années 60 que l’opinion publique prend enfin conscience de l’implication du gouvernement de Pétain. Cela grâce au livre La Grande rafle du Vel’ d’Hiv’ de Claude Lévy, résistant et historien.
Jacques Chirac reconnaît en 1995 la responsabilité de l’État français dans la déportation
En 1993, François Mitterrand, alors président de la République, instaure une « journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de fait dite ‘gouvernement de l’État français' ». Cependant, il a fallu attendre Jacques Chirac en 1995 pour qu’un président reconnaisse la responsabilité claire de l’État.
« Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français. Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 450 policiers et gendarmes français, sous l’autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis […] La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. » – Discours de Jacques Chirac en 1995
Depuis, chaque président rend hommage aux victimes de cette rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942. François Hollande déclara en 2012 : « la vérité, c’est que ce crime fut commis en France, par la France« . Puis, en 2017, Emmanuel Macron souligna : « c’est bien la France qui organisa la rafle« .
Sources :