Dans la catégorie des films d’épouvante à gros budget ratés, nous appelons à la barre Hantise (1999) ! Remake du classique de Robert Wise La Maison du diable, lui-même adapté d’un livre de Shirley Jackson, le film n’a pas laissé un impact très positif dans l’histoire du cinéma. Pourtant, derrière sa multitude de défauts se cache une production plus que rocambolesque !
Une histoire déjà portée à l’écran
S’il y a quelque chose d’essentiel au succès d’un film d’épouvante, c’est bien son ambiance, propice à susciter l’angoisse, avec le moins d’artifices possible. La première adaptation du roman de Shirley Jackson, La Maison du diable, fut en son temps une véritable claque visuelle qui atteignit admirablement bien cet objectif.
Cette œuvre essentielle du genre fantastique parvient encore aujourd’hui à plonger les spectateurs dans l’angoisse et la démence. Et ce, sans jamais clairement montrer à l’écran le moindre spectre ou phénomène paranormal !
Plus de 35 ans après ce tour de force signé Robert Wise (Planète interdite, La Guerre des mondes), un remake permit au public de pénétrer à nouveau dans les sombres intérieurs de Hill House… Ce projet passa entre quantités de mains, avant d’aboutir au résultat connu aujourd’hui.
Synopsis : Afin d’étudier la peur, le Dr. Marrow invite trois cobayes à passer la nuit au cœur de la demeure de Hill House. Dès leur arrivée, Nell, Théo et Luke sont confrontés à une sinistre présence dans ces lieux… qui ne tarde pas à se manifester à la tombée de la nuit…
Une maison hantée passée entre plusieurs mains
Ayant plusieurs fois cité le roman original de Shirley Jackson comme l’un de ses favoris, le maître du suspense, Stephen King, rédigea le premier jet de cette nouvelle adaptation dès qu’elle fut prévue. Malgré tout, les studios, peu convaincus du résultat, préférèrent se dispenser des services de l’écrivain. Cela n’empêcha pas King de retravailler son manuscrit, aboutissant en 2002 à la minisérie à succès Rose Red.
Du côté de la mise en scène, on a vu défiler plusieurs grands noms de l’horreur. L’un des plus marquants est sans conteste celui de Wes Craven qui, alors appuyé par Dimension Films, finit par abandonner le projet pour tourner Scream (1996).
Une autre figure souvent oubliée de la production de Hantise est celle de Steven Spielberg. Le réalisateur que l’on ne présente plus fut fortement impliqué dans le film. Son absence au générique ainsi que dans la promotion du film est largement imputable à sa « gêne » face au produit final. En effet, son mécontentement fut tel que de nombreuses rumeurs prétendent que Spielberg aurait essayé d’arranger le film en post-production, via des reshoots.
Finalement, Hantise débarqua sur nos écrans en juillet 1999, quasi unanimement lynché par la critique. Et malheureusement, on ne peut leur reprocher d’avoir manqué d’honnêteté…
Une démo technique, plus qu’un digne remake
Le principal reproche fait au film, encore aujourd’hui, réside dans sa profonde absence d’angoisse. Mis à part un premier tiers plus subi, tendu et maîtrisé, le film tombe vite dans les travers de son réalisateur, Jan de Bont. Principalement connu pour avoir réalisé des films à grand spectacle tels que Speed (1994) ou Twister (1996), le spécialiste de l’action reste conforme à ses habitudes.
De ce fait, les fantômes et phénomènes paranormaux, simplement suggérés dans le film de 1963, s’affichent à l’écran toutes les dix minutes. Statues qui s’animent, mains qui émergent des murs, spectres en 3D interagissant avec les comédiens et autres manifestations surnaturelles finissent par plonger le film dans le grand-guignolesque. De plus, la surutilisation d’effets spéciaux numériques (vieillis) participe à changer ce qui aurait dû être une immersion dans la terreur, en un simple tour dans une attraction de fête foraine.
Mention spéciale au dénouement du film, voyant Nell (Lili Taylor) renvoyer en enfer l’entité maléfique avec le pouvoir de l’amour. Ce climax (assez gênant) est d’ailleurs fortement imputé à des reshoots, comme expliqué par Jan de Bont au magazine Entertainement.
« On a ajouté de nouveaux plans avec les esprits des enfants au cours des reshoots. »
Au final, ce trop-plein d’artifices fait encore aujourd’hui de Hantise un nanar à plus de 80 millions de dollars. Néanmoins, de cet échec critique, il nous reste quelques points à sauver. On peut notamment citer une photographie, une musique et des décors à couper le souffle, tous plus angoissants que le film en lui-même.
Pourtant, si Hantise a recyclé les clichés et tendances de son temps, il lui reste un point assez singulier pour l’époque…
Hantise, le premier blockbuster LGBT de l’histoire ?
En dehors de son impressionnant budget pour un film d’épouvante, Hantise avait un autre aspect assez avant-gardiste. Le film peut en effet être considéré comme le tout premier « blockbuster » et film fantastique comportant un personnage principal non hétérosexuel, ainsi qu’un couple lesbien.
Ce label peu orthodoxe provient de la relation entre Nell et Théo dans le remake. Cependant, une bonne partie des scènes mettant en avant l’attirance mutuelle des jeunes femmes s’est vue écartée de la version finale. On peut par exemple citer une séquence de flirt, coupée à la dernière phase du montage… Prétendument pour conserver un classement PG-13. Lili Taylor (Nell) s’exprimait d’ailleurs sur ce sujet en 1999.
« Ca ne me surprend pas qu’on ait coupé ça, ça ne paraissait pas très essentiel pour l’histoire de toute façon. »
Ces coupes de la part des studios, parfois qualifiées d’auto-censure, étaient déjà imposées à d’autres films de l’époque. Par exemple, l’année précédant la sortie de Hantise voyait les studios Dimension Film changer les relations bisexuelles des protagonistes de Studio 54 en simples rapports hétérosexuels, via une série de reshoots.
Il est assez intéressant de constater que, malgré ces coupes, Hantise parvient à conserver une dynamique de couple entre ses deux personnages principaux. À vrai dire, en dépit de son âge, le film est beaucoup plus décomplexé dans cette approche que d’autres blockbusters modernes jouant la carte de la diversité sexuelle. On pourra citer comme exemples Jurassic World: Fallen Kingdom, Thor Ragnarök ou Birds of Prey, ayant tous filmé et supprimé de leurs montages des séquences supposant l’homosexualité/bisexualité de divers personnages.
Des coupes ultérieures
Un autre moment écarté de Hantise prenait la forme d’un épilogue plus poétique que celui de la version finale. Celui-ci montrait Théo revenir à Hill House, plusieurs mois après les événements du film, tentant de communiquer avec l’esprit de Nell. Dans leur ensemble, toutes les scènes coupées de Hantise n’ont, à ce jour, jamais été rendues publiques. L’échec du film a sans doute contribué à cela.
De telles coupes sur la sexualité de Théo furent déjà imposées au film original (La Maison du diable). Finalement, il faudra attendre l’adaptation Netflix de 2018 pour que soit intégré explicitement cet aspect intimiste écarté des versions antérieures.
Aujourd’hui, plus de 20 ans après son apparition en salles, Hantise a de quoi laisser circonspects. Produit bancal d’un réalisateur en roue libre ou œuvre plus novatrice qu’elle n’y paraît, la question reste toujours en suspens.
Hantise – Bande-annonce
Sources :
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