Aujourd’hui, nous vous proposons de replonger dans un des fiascos les plus décriés du cinéma d’horreur, à savoir Cursed !
À la suite de l’annonce du « Snyder Cut » de Justice League, beaucoup de fans se sont enthousiasmés. En effet, ce blockbuster dont la production à connu les pires déboire aura droit l’année prochaine à un Director’s Cut, dégagé parmi des heures de bobines reshootées.
Cela dit, si le cas de Justice League peut donner l’espoir que certains autres métrages connaissent un sort similaire, d’autres en revanche demeurent toujours handicapés par un processus créatif calamiteux. C’est de ce curieux mal que souffre le film de loup-garou Cursed. Sorti en 2005, il pourrait sans conteste être qualifié de véritable cas Justice League horrifique.
Une production ambitieuse
L’histoire de ce naufrage sur bobine débute en 2000, lorsque Kevin Williamson livre aux studios Miramax le premier jet d’un scénario intitulé Cursed. L’auteur, sortant alors des succès de la saga Scream, de Souviens-toi l’été dernier ou encore de The Faculty, est un des grands noms de l’horreur de cette décennie.
Son script quant à lui détaille les mésaventures de trois jeunes, Ellie, Jimmy et Vince, attaqués un soir de pleine lune par un loup-garou. Se transformant peu à peu en bêtes à leur tour, les protagonistes devront découvrir l’identité de leur agresseur pour pouvoir déjouer son maléfice, tandis que des meurtres sauvages s’accumulent autour d’eux.
Ayant à première vue des airs de Scream version loup-garou, les tristement célèbres frères Weinstein valident rapidement le scénario. Confiants de la réussite de l’œuvre, ils en profitent pour y mettre à la barre le fameux Wes Craven (Les Griffes de la Nuit, Les Sous-Sols de la peur, la saga Scream). Visiblement certains de pouvoir répéter le succès obtenu par la trilogie Scream, les producteurs déboursent un budget de presque 40 millions de dollars.
Le casting principal sera composé de têtes connues du genre, comme Christina Ricci (La Famille Adams, Sleepy Hollow) ou Skeet Ulrich (Scream, Dangereuse Alliance), mais aussi de nouveaux acteurs, à l’image de Jesse Eizenberg. La production fera également appel aux talents de l’oscarisé Rick Baker (Le Loup Garou de Londres), afin de mettre au point les créatures du film. Celui-ci se targue alors de ressusciter le genre du métrage de lycanthrope.
On annule tout et on recommence
Malheureusement, bien vite les Weinstein prennent le dessus et commencent à saboter la production durant son tournage. Une telle pratique leur avait déjà été imputée sur d’autres films, tels que Hellraiser 4 ou Halloween 6. Ils imposent la réécriture quasi-complète du script déjà filmé à 90 %. Des heures entières de rushes seront alors jetées à la poubelle pour exaucer les souhaits des producteurs.
Cette décision causera un retard considérable dans la production du film. Elle coupera également au montage la participation de la quasi-intégralité du casting secondaire. D’autres membres se verront attribuer des rôles complétement différents. De plus, cette deuxième version comportera des nouvelles scènes d’action et de frisson, à l’image d’un final complètement différent de celui envisagé à l’origine. Dans cette même logique, la révélation de l’identité du loup-garou ne sera filmée et réécrite ni une, ni deux, mais bien trois fois.
Le loup-garou sera d’ailleurs l’une des principales victimes des Weinstein. Ceux-ci décidèrent en effet, de remercier le maquilleur Rick Baker. Ils remplacèrent alors son travail par des monstres en synthèse peu convaincants, même pour l’époque.
Craven et Williamson, dépités, se démèneront pour finir ce projet qui ne cesse de prendre l’eau sous les assauts illogiques des frères Weinstein. Finalement complété après deux ans de développement infernal, le montage final (un gloubi-boulga de plusieurs versions) sera rendu dans l’amertume. Cela dit, les studios ordonnent comme dernière mesure l’amputation de toute trace de gore, afin de délivrer un produit PG-13. Dans l’optique de toucher un plus large public.
Déboulant alors avec un retard monstrueux et un budget supérieur à 80 millions de dollars, le film sera un échec aussi bien public que critique. Il enterrera aussi momentanément les carrières de Craven et Williamson.
Un film mutilé de bout en bout
Bien évidemment, les fans d’horreur réclamèrent à l’époque une version plus en accord avec la vision de base du projet. Cependant, Miramax ne répondra qu’en diffusant en DVD une version restaurant quelques minutes de scènes sanguinolentes présentes dans la version finale leur ayant été délivrée.
Parmi les changements notables apportés dans cette production cauchemardesque, on peut citer les suivants :
- La disparition totale du protagoniste Vince, campé par Skeet Ulrich.
- Le fait que les protagonistes rescapés de la version originale, Ellie et Jimmy, soient devenus frère et sœur.
- L’absence de scène de transformation chez les personnages principaux. Une passage pourtant essentiel aux films de loups-garous.
- La présence des acteurs suivants fut coupée : Omar Epps, Scott Foley, Robert Foster, Mandy Moore, Heather Langenkamp et James Browlin.
- Le changement du climax qui passe d’un affrontement dans un musée de cires à un duel dans une maison de banlieue.
- L’amputation de nombreuses séquences d’horreur et de meurtre, même dans la version dite « non censurée ».
- Une révélation sur l’identité du fameux loup-garou qui n’a absolument aucun sens.
Toutes ces altérations participent finalement à un métrage qui peine à rester cohérent sur un peu moins de deux heures.
Un avenir pour un Director’s Cut?
Malheureusement pour les rares personnes intéressées par ce désastre, il est fort probable qu’une « réparation de l’œuvre » ne voit jamais le jour. En effet depuis le décès de Wes Craven en 2015 un Director’s Cut est définitivement impossible. Dans une interview, le regretté réalisateur avait clamé avoir perdu deux ans de sa vie aux commandes d’un projet maudit.
De plus, il est à noter que le casting a vieilli de presque vingt ans. On comprend qu’il ne semble plus intéressé par l’éventualité d’une restauration de Cursed. Enfin, les Weinstein détiennent encore les bobines des diverses versions filmées du métrage. Mais leur réputation actuelle ne joue pas en leur faveur.
Il est donc aujourd’hui quasi certain que le film restera tel quel pour toujours. Cela dit, il demeure encore aujourd’hui un exemple. Un témoignage de ce qui peut arriver de pire dans la production d’un film, et dans la tête de ses producteurs.
Bande-annonce Cursed (2005)
Sources :