« Emio – L’Homme au sourire » est le choc de la fin d’été sur Nintendo Switch [TEST]

"Emio - L'Homme au sourire" est le choc de la fin d'été sur Nintendo Switch [TEST]

Voici une exclusivité de la Nintendo Switch bien singulière, qui pourrait fasciner la communauté des joueurs tant elle était inattendue. Emio L’Homme au sourire ressuscite une vieille franchise disparue, tout en proposant une maestria du visual novel implacable. 

Avant que Yoshio Sakamoto n’emmène l’héroïne culte Samus Aran chasser des extraterrestres dans la saga Metroid, l’artiste du jeu vidéo participait activement à la création de récits criminels. C’est donc un véritable plaisir de le revoir à la charge de l’écriture de cette affaire macabre affublée d’une classification PEGI 18, fait assez rare pour une exclusivité Nintendo.

Le corps d’un collégien est retrouvé mort étranglé près d’une station de pompage isolée. La scène de crime est inquiétante puisque le visage du mort est dissimulé dans un sac en papier kraft sur lequel un sourire est griffonné au feutre noir.

L’imposante figure du Mal

Le responsable ne serait autre que la « légende urbaine » Emio, un tueur en série sadique qui apparaît devant des jeunes filles éplorées pour leur offrir un « sourire pour l’éternité ». C’est donc au joueur membre de l’agence Utsugi et sa partenaire Ayumi que revient le devoir de déchiffrer la clé du mystère avant qu’un autre drame ne se produise.

De son nom complet, Famicom Detective Club : Emio L’Homme au sourire est un thriller très sombre qui s’éloigne considérablement du catalogue très familial et jovial de la Nintendo Switch. Ce n’est pas aussi sordide qu’un Se7en de David Fincher, mais suffisamment poisseux pour laisser une trace auprès des joueurs.

Le retour diabolique d’une franchise passionnante

Puisant son inspiration des légendes urbaines les plus anxiogènes du Japon, la narration est riche en rebondissements et d’une maîtrise indéniable dans son écriture. Le titre diabolique est aussi un retour virevoltant de la franchise Famicom Detective Club que l’on croyait disparue depuis 35 ans. Après tout, il s’agit du premier épisode intégralement traduit en français, offrant aux fans de polars angoissants la possibilité de se l’arracher.

Initialement sortie en 1988, la série s’est installée sur la console Famicom avec l’épisode The Missing Heir et sa suite The Girl Who Stands Behind, lancée un an plus tard. Les deux premières enquêtes sinistres eurent droit à un élogieux remake en 2021, uniquement téléchargeable sur l’e-shop de la Switch. Hélas, sa traduction seulement anglaise pouvait écarter le public de la découverte d’un ensemble extrêmement bavard ! Bibliophobes s’abstenir !

Un gameplay très classique pour un visual novel

Les longues scènes de dialogues sont pourtant l’aspect primordial de l’œuvre étiquetée dans le genre du visual novel (donc un roman vidéoludique), Ainsi, Emio : L’Homme au sourire ne peut pas vraiment être apprécié pour son gameplay, puisqu’il n’en dispose pas réellement. Le définir de simple et accessible ne serait pas suffisant pour expliquer sa pauvreté globale : on se contente de se déplacer, d’appeler quelqu’un, d’interroger un suspect et d’examiner ce qui pourrait être un précieux indice. Nous pouvons aussi téléphoner, réfléchir, ouvrir notre bloc-notes pour revoir les informations ou juste sauvegarder. C’est tout ! Le plus important est de faire avancer le scénario. Oui, Emio l’Homme au sourire se contente vraiment du minimum.

Après tout, nous sommes dans un visual novel traditionnel, mais attractif. Seulement voilà, on aurait apprécié plus de prises de risque, quitte à ce que ce minuscule gameplay soit parfaitement complice de la noirceur de cette affaire. Que l’on se souvienne, des titres comme Doki Doki Literature Club ou The Song of Saya expérimentaient des excès de folie alors que l’on se retrouvait piégé dans une narration psychologique impitoyable. Si on reste dans un registre déjà édité par Nintendo, Emio l’Homme au sourire ne joue pas dans la même cour qu’un Ace Attorney, Another Code ou Professeur Layton.

Les néophytes voulant s’acclimater à ce genre populaire mais trop peu mis en avant risquent d’être un peu échaudés. Ce n’est pas comme si la Nintendo Switch ne nous avait jamais proposé par sa ludothèque diverses productions à énigmes. Emio n’en fait malheureusement pas partie… Vous l’aurez compris, les discussions, les cinématiques et les choix des dialogues seront les ingrédients principaux de ce titre glaçant. De quoi relancer ardemment le débat du film interactif.

Une ambiance à faire sourire Emio !

Cependant, nous n’attendions pas spécifiquement Emio l’homme au sourire pour ses mécaniques de jeu, mais pour tout ce qui compose l’histoire. Et pour cela, le visual novel redouble d’efficacité dans tous ses autres aspects, avec un vrai savoir-faire.

Les doublages intégralement en japonais sont d’une grande réussite, tandis que la direction artistique est soignée, plongeant ses joueurs dans différents recoins d’une bourgade japonaise, véritable invitation au Mal qui sévit. L’animation manga apporte beaucoup de vie aux personnages et aux différents paysages que l’on croisera. De plus, les expressions des différents héros varient en fonction de leurs émotions, ce qui ajoute un plus à l’immersion.

Emio – L’Homme au sourire délivre une immersion sans-faute. Tout nous pousse réellement vers le dénouement palpitant de cette œuvre qui reste le moment le plus épatant du jeu. 

Si nous ne révélerons rien de l’audacieuse et cruelle fin de l’histoire ou de tout autre élément imprévisible, nous ne pouvons qu’être ébahis par la virtuosité d’un scénario captivant. Découpée en chapitres, la narration prend son temps pour nous conter les faits et présenter ses enjeux qui nous accompagneront pendant une dizaine d’heures. Cela permet aussi de renforcer l’attachement aux héros et de rendre son antagoniste effrayant, quitte à ralentir grandement son rythme, plus particulièrement lors des premiers chapitres. Toutefois, ce n’est que pour nous surprendre immédiatement. Emio – L’Homme au sourire est viscéral et propose sûrement l’un des meilleurs récits torturés contés sur Switch.

Si vous n’êtes pas allergiques à la longue lecture, au visual novel et l’absence rudimentaire de gameplay, Emio l’Homme au sourire pourrait très vite devenir un incontournable du genre tant sa méchanceté le démarque très facilement des autres productions disponibles sur Nintendo Switch. On se demande ce que le résultat donnerait s’il avait pris la forme d’un véritable film d’animation. Une petite bombe qui prouve que Nintendo peut aussi jouer plus souvent la carte de la maturité et de l’horreur (sans être un survival-horror pour autant) ! A croire que l’éditeur ne se souvient pas du culte Eternal Darkness

Bande-annonce Emio – L’Homme au sourire

Photographe et réalisateur indépendant. Certains de ses films ont obtenus une soixantaine de sélections en Festival à travers le monde. Rédacteur chez Cultea, ses écrits sur le Traumatisme abordé dans le jeu vidéo sont publiés sur le site !

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