Les studios Disney connurent au cours de leurs 100 ans d’existence de nombreuses périodes de doutes. L’une d’entre elles fut celle que les fans nomment : L’Age de la Guerre. Un temps où Disney, en pleine tourmente de la Seconde Guerre mondiale, se chercha en créant des films à petit budget composites, dits « package movies ».
Disney et la Seconde Guerre mondiale : une période de trouble
L’âge de ces étranges classiques d’animation du studio débute à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. À cette époque, la firme aux grandes oreilles surfe encore sur les succès retentissants de Blanche-Neige et les sept nains ou Pinocchio. Une ère dorée qui pose à elle seule les bases de l’hégémonie estampillée Disney : des animaux féeriques, une morale chrétienne, des princesses de contes et de fantastiques numéros musicaux toujours soldés par une fin heureuse. Une formule qui marche jusqu’à ce que le monde s’embrase dans un nouveau conflit mondial.
La guerre ébranle en effet le cosmos du septième art. Les gens ne vont plus au cinéma, faute de moyens et d’envie. L’heure de chanter en compagnie de ravissantes princesses dans les bois s’est envolée. Pour palier aux coûts pharaoniques d’un studio qui peine de plus en plus à être rentable, la direction décide de restreindre les dépenses en licenciant les employés et / ou en réduisant leurs salaires. Un comportement scandaleux qui entraine ainsi une grève sans précédent au sein de l’entreprise qui se disait le paradis des travailleurs.
Alors, pour continuer à faire des films, Walt Disney et ses équipes doivent se résoudre à adapter de nouvelles recettes animées. Exit les grandes fresques dramatiques et bonjour le nouveau concept des package movies ! Des longs-métrages qui, en mélangeant interludes en prises de vue réelles et moyens-métrages imbriqués, donnent des œuvres composites, faites de plusieurs petits films sans trop d’interliens. Des films bien en dessous des chefs-d’œuvre de l’âge d’or de Disney, mais qui néanmoins se distinguent par une force créatrice folle.
Coquin de Printemps : l’allégorie de la guerre
En 1947 sortait le neuvième classique d’animation des Walt Disney Studios. Son nom : Coquin de Printemps (en VO Fun and Fancy Free). Un film hétéroclite composé de deux moyens-métrages : Bongo, Roi du Cirque et Mickey et le Haricot Magique. Le premier raconte l’histoire d’un jeune ours nommé Bongo qui, après des années de captivité dans un cirque, parvient à s’enfuir dans la forêt où il rencontrera la belle oursonne Lulubelle. Le second se concentre de son côté sur l’histoire de Mickey, Donald et Dingo qui, dans la vallée enchantée, doivent se précipiter au secours de la Harpe Magique. Une entité merveilleuse dont la voix fait prospérer le royaume, désormais en friches.
Deux moyens-métrages entrecoupés de séquences mélangeant animation et prises de vue réelles montrant Jiminy Cricket qui relate la première histoire et écoute la seconde. Un film composite et merveilleux qui, à travers sa narration, métaphorise toutes les angoisses d’une société face à une guerre meurtrière. Mickey et le Haricot Magique extrapole en effet cette idée en nous montrant les trois plus célèbres mascottes du studio affamées par la privation et prêtes à passer à une forme de cannibalisme à travers la scène où Donald, rendu fou par la faim, cherche à abattre la vache des trois compères. Celui-ci d’ailleurs mimera même un tirailleur d’élite devant une armée de libellules géantes représentée comme un escadron de chasse.
Un film perdu dans les méandres du studio, mais portrait à une époque d’un monde qui peinait sûrement à se dessiner un avenir.
Le Crapaud et le Maître d’École : plus terrifiant que Taram et le Chaudron magique !
L’année 1949 marque la sortie de son côté du dernier des films de cette étrange série des package movies : Le Crapaud et le Maître d’École. Un film composé de deux moyens-métrages qui reprennent un conte folklorique britannique, La Mare aux Grenouilles, et américain, La Légende de la Vallée Endormie. Deux classiques de la littérature qui reviennent respectivement sur les histoires du lord Crapaud, un extravagant aristocrate passionné de voitures, et du vénal Ichabod Crane, un distingué instituteur de la bourgade de Sleepy Hollow.
Après la sortie de l’hétéroclite Mélodie Cocktail en 1948, Disney cherche à se réconcilier avec le grand public en proposant des œuvres d’un haut niveau technique et narratif. Une volonté exprimée dans Le Crapaud et le Maître d’École ! Plus ambitieux que ses homologues, le film présente ainsi, surtout à travers son second moyen-métrage, un univers coloré et finement travaillé à la fin profondément horrifique. Le film sera en effet la seule œuvre du studio à ouvrir sa fin sur la probable mort du héros. Du jamais-vu !
Un film acclamé par la critique, qui voit en lui le retour des galons d’or de Disney ! Une prédiction judicieuse, car le génie du Crapaud et le Maître d’École convaincra Walt Disney de se lancer corps et âme dans la production de son prochain grand chef-d’œuvre et sauveur de sa carrière : Cendrillon !
Anecdote amusante ! Malgré leur caractère d’œuvres oubliées de Disney, Coquin de Printemps ainsi que Le Crapaud et le Maître d’École laisseront une trace indélébile dans la mémoire de l’entreprise ! Le Toad Hall Restaurant de Disneyland Paris tire son nom de La Mare aux Grenouilles ! De même que le personnage de la belle Katrina Van Tassel dans La Légende de la Vallée Endormie fut probablement l’esquisse des premiers traits de la princesse Cendrillon ! Oubliés, mais jamais effacés !
Très bel article
Bravo
🙂