Le début des années 2000 n’est pas synonyme de succès chez Disney… En 2005 sortait le 46ᵉ classique d’animation du studio aux grandes oreilles : Chicken Little. Un étrange film, qui sur fond d’invasion extraterrestre, explore avec de très (trop) gros sabots les affres et peines d’une relation père/fils conflictuelle.
Chicken Little : les films mettant en avant des filles ? Non merci !
C’est en 2001 que Mark Dindal, réalisateur de l’hilarant Kuzco : L’Empereur Mégalo, développe les premières lignes du futur Chicken Little. Idée de départ : une poule légèrement paranoïaque doublée par la voix d’Holly Hunter, part en camp d’été afin de réduire son anxiété et ainsi rendre les relations avec son père moins conflictuelles. Là-bas, il y découvre que l’un de ses moniteurs, doublé par Penn Jillette, prépare un terrible complot contre sa ville natale. Mais qui voudra croire la poule qui criait trop au loup ?
Une idée intéressante pour le PDG de l’époque Michael Eisner, mais pas en l’état. Chicken Little sur le papier ne marchera pas ! Pour lancer un processus de réalisation, Dindal devra changer la poule en humaine et surtout la transformer en un protagoniste masculin. C’est bien connu, les films mettant en avant des femmes autres que des princesses, ça n’intéresse personne…
« Je me souviens qu’on m’a dit : « Les filles iront voir un film avec un protagoniste masculin, mais les garçons n’iront pas voir un film avec une protagoniste féminine. » (…) C’était la sagesse de l’époque, jusqu’à ce que La Reine des Neiges sorte et fasse 1 milliard de dollars. »
Mark Dindal
Une mouvance qui change en 2003 avec l’arrivée David Stainton en tant que nouveau président de la Walt Disney Feature Animation. Chicken Little deviendra bel et bien un film sur un jeune garçon (il ne faut pas trop rêver non plus), mais l’idée de jouer sur l’anthropomorphisme est de son côté validée à nouveau.
Le film racontera ainsi l’histoire, non plus d’une poule, mais d’un jeune poulet : Chicken Little qui dans la ville d’Oakey Oaks provoque un véritable mouvement de panique après avoir clamé que le ciel s’écroulait. Un évènement qui brise les relations fragiles entre le jeune garçon et son père qui refuse de le croire. Pour se faire pardonner celui-ci décide alors de marcher dans les pas de son paternel en devenant une star du baseball. Un plan parfait, si cette histoire de ciel qui s’écroule ne se révélait pas être en réalité le seul indice d’une attaque d’extraterrestres imminente sur la ville…
Disney et les balbutiements d’un premier film entièrement en 3D
Les années 2000, furent appelées par les fans de Disney : l’ère de l’expérimentation. L’une des périodes les plus sombres de la compagnie d’un point de vue rentabilité, mais d’une innovation monstre.
Encouragé par l’essor de studios comme DreamWorks, Pixar ou Blue Sky, Disney se lance à son tour dans la création d’œuvres mêlant 3D et animation classique. Un art dans lequel le studio est tout sauf néophyte à l’époque. Disney, en effet, a toujours brillé par sa capacité à se positionner comme figure de proue des innovations techniques animées.
En 1982, le singulier Tron brise à jamais les codes de ce que l’on appellera plus tard « La Révolution Numérique » de l’animation. Dans les années 90, le studio magnifie son art classique par l’incorporation de la 3D dans des films comme La Belle et la Bête ou Le Bossu de Notre-Dame. En 2000, la firme brise une dernière fois les codes avec Dinosaures. Une œuvre oubliée qui mélange audacieusement images 3D et prises de vues réelles. Avec Chicken Little, le studio compte frapper fort en effaçant ses échecs récents comme celui de La Planète au trésor : Un nouvel univers.
Chicken Little sera ainsi le premier classique d’animation Disney à être entièrement réalisé en imagerie numérique ! Une nouvelle fanfaronnée par le studio comme une grande révolution ! Si le film en 2D sorti peu avant, La Ferme se Rebelle n’avait eu le droit qu’à une promotion minime, Chicken Little, lui, se voit accordé tous les honneurs. Disneyland Paris lui rend même hommage en repeignant la façade de ses Studios aux couleurs du film ! Objectif de l’affaire : écraser Pixar, la nouvelle filiale estampillée Disney avec qui le studio rencontre en interne de nombreux conflits.
Au moment de la sortie de Chicken Little, l’accord de coproduction entre Disney et Pixar était aux portes de l’expiration. Le résultat des négociations conflictuelles entre les deux entités dépendait alors entièrement du résultat des aventures du petit poulet. En cas de succès, le film devient un moyen de pression pour Disney de faire valoir ses droits pour un nouveau contrat de distribution avec le studio à la lampe bleue. En cas d’échec, une justification pour Pixar de se tourner vers un autre distributeur.
Le film est à sa sortie, malgré les critiques mitigées, un franc succès ! Il rentre dans ses frais en récoltant au box office 314,4 millions de dollars ! La collaboration entre Pixar et Disney devient donc officiellement pérenne.
Chicken Little : Un film si mauvais ?
Malgré son succès à l’époque, Chicken Little reste dans la mémoire collective comme un, voire le pire classique d’animation des studios Disney. Pourquoi ? Et surtout qu’en avons-nous pensé en 2024 ? Un film loin d’être mauvais, mais parfaitement oubliable.
Chicken Little s’enfonce de la grande mode de l’exploration des relations intrafamiliales, cachée derrière le MacGuffin de l’invasion extraterrestre. Une bonne idée sur le papier, mais exécutée avec la finesse d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Le film s’embourbe dans sa propre volonté. Pour ne pas nous faire oublier que sa morale principale est : « parents, apprenez à connaître et à croire vos enfants », celui-ci exprime littéralement au sens propre le manque de communication cruel entre Chicken Little et son père. En effet l’amie de Chicken Aby, ne fait que répéter explicitement à son ami poulet qu’il doit absolument parler avec son géniteur. Comme si l’invasion d’extraterrestres allait miraculeusement se résoudre grâce à un dialogue entre le père et le fils. Peu subtil et peu crédible. On est loin de Jim Hawkins et Long John Silver…
L’animation de son côté reste simple, mais correcte pour l’époque. Une réalisation et une narration d’une banalité rare dont l’humour repose essentiellement sur des références à la pop culture des années 90 et 2000. C’est amusant, mais ça ne suffit pas à faire un film. Une œuvre sommaire soulignée par une bande-son oubliable, qui par conséquent ne peut que mal vieillir.
On est bien loin de la catastrophe certes, mais tout de même proche de l’abysse de l’oubli. Si Chicken Little n’est pas resté dans les mémoires, c’est tout simplement parce que cette œuvre clamée par le studio comme révolutionnaire à l’époque, n’invente absolument rien.
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