Anita Conti : océanographe pionnière et visionnaire

Anita Conti : océanographe pionnière et visionnaire

Aujourd’hui, près de 30 % des poissons issus de la pêche commerciale sont surexploités. Alors que les hommes tentent de répondre à une trop forte croissance démographique, la surpêche se place parmi les principales menaces qui détruisent l’équilibre fragile de l’écosystème marin. Les ONG internationales s’emparent tour à tour du sujet, alertant sur les dégâts causés par une activité intensive en mer. Pourtant, près d’un siècle auparavant, une jeune femme brillante et visionnaire avait déjà tiré la sonnette d’alarme… Il s’agit d’Anita Conti. 

La jeune fille et la mer : vivre pour sa passion

Cet amour dévorant pour la mer, Anita Conti l’a toujours eu en elle. Et ce, depuis ses premiers jours en l’année 1899, jusqu’à sa mort sur le littoral breton en 1997. En effet, alors qu’elle n’est encore qu’un bébé, son père la plonge déjà dans l’océan, au large de Lorient. Eux-mêmes voyageurs aguerris, Léon Caracotchian et Alice Lebon, encouragent leur fille dans sa passion pour les vastes étendues océaniques.

C’est d’ailleurs avec eux qu’Anita fait ses premières expériences en mer. Aisée, la famille voyage à travers l’Europe. Les occasions ne manquent pas pour la petite Anita d’accompagner les pêcheurs dans leurs sorties matinales. Mais c’est sur l’île d’Oléron, où la famille se réfugie en 1914, que la future océanographe se révèle. Là-bas, elle acquiert ses connaissances de la mer et des innombrables richesses qu’elle renferme. Elle s’initie aussi à la photographie, activité qui occupera une fonction essentielle dans ses expéditions scientifiques à venir.

Pêche, voile et sorties en mer, la jeune fille se découvre et développe un amour inconditionnel pour le milieu marin. Une dévotion sans limite qui ne la quittera jamais.

Anita Conti : une pionnière autodidacte 

Volontaire et travailleuse acharnée, c’est en autodidacte qu’Anita se fraye un chemin vers la recherche scientifique océanique. Première femme océanographe, pionnière dans le milieu de la recherche en biologie marine, la « Dame de la mer » fait preuve d’une détermination sans failles.

Si elle fait son entrée dans le monde du travail en tant que relieuse d’art, Anita n’abandonne pas son rêve pour autant et continue de se passionner pour l’étude des milieux marins. Lectures, observations pointues en mer et photographies, tous les moyens sont bons pour apprendre. Sur le terrain, elle observe et écoute, attentive aux moindres gestes des pêcheurs. Les ponts des chalutiers sont ses salles de cours, les marins ses professeurs et les filets remplis de poissons son matériel d’étude.

Les expéditions de l’aventurière se font nombreuses et variées, d’abord aux côtés des pêcheurs. Surmontant les conditions inadaptées à la réalisation d’expériences scientifiques, elle collecte cependant des données précieuses grâce à eux. Par ailleurs, ses articles scientifiques attirent l’attention de l’Office Scientifique et Technique des Pêches Maritimes, aujourd’hui Ifremer. Ainsi, elle est engagée comme océanographe en 1935 et intègre l’équipe du Président Théodore Tissier, premier navire d’expédition océanographique. 4 ans durant, elle sillonne les mers du globe, de Dunkerque au Canada, cartographiant les zones de pêche, réalisant des prélèvements, tout en prenant des notes minutieuses… Ses découvertes lui permettent des publications dans des journaux tels que La République ou Le Figaro. Plus incroyable encore, elle est la première femme à entrer dans la Marine nationale aux côtés des plongeurs-démineurs, lors de la Seconde Guerre mondiale en 1939.

Mais très vite, l’océanographe prend conscience des dégâts causés par l’homme sur les océans et de la nécessité de renouveler les systèmes de pêche. Elle retourne donc à la source.

Océanographe lanceuse d’alerte et visionnaire

Dès ses premières expéditions sur les chalutiers, l’amoureuse de la mer s’alarme du gaspillage et de la surpêche qui existent à bord des navires industriels. Des harenguiers aux voiliers-morutiers, du Golfe de Gascogne à Terre-Neuve, elle parcourt les mers et les océans et observe scrupuleusement l’état de l’écosystème marin.

Mais c’est en 1939, à bord du chalutier Vikings dans les régions arctiques, qu’Anita Conti fait un constat alarmant. Sans accuser aucunement les pêcheurs, elle souhaite surtout alerter l’opinion publique sur les ressources limitées des océans et le danger d’exercer une pression trop forte sur la biodiversité marine.

Loin d’être fataliste, elle cherche dès lors à trouver les solutions qui permettront de répondre aux besoins croissants des hommes, tout en respectant l’environnement. Ainsi, après son service dans la Marine nationale, elle retourne auprès des pêcheurs le long des côtes africaines. Elle puise alors dans les techniques de pêche locales afin de mettre en place une pêche durable, mais suffisamment efficace pour combattre la malnutrition. Par ailleurs, elle met en avant la qualité nutritive que peuvent avoir les « faux-poissons », attrapés par les filets mais rejetés à la mer car jugés non rentables sur le marché. Enfin, elle passera une grande partie de sa vie à développer l’aquaculture sur les côtes adriatiques et en mer du Nord.

Véritable lanceuse d’alerte, Anita Conti écrit de nombreux ouvrages, publie de multiples articles et va de conférences en conférences. Elle prône une nouvelle façon de penser la pêche, plus respectueuse, plus consciente. Et ce n’est malheureusement que des années plus tard que nous prenons véritablement la mesure de ses propos. En 1971, elle écrivait dans son dernier livre, L’océan, les bêtes et les hommes :

L’océan ? Un récipient voilé de brume ou chauffé de soleil, fouetté de pluie ou de vent, dans lequel le plus adroit ou le mieux équipé va enfoncer toutes les formes d’appareils de capture par raclage et filtrage, ou encerclement, et ramassera en aveugle les tonnes de bêtes, matures ou immatures, parmi lequel il fera triage, conservera celles de son choix et rejettera les autres, sans motif que puisse justifier la raison, simplement parce que c’est la mode et que le pays est comblé.

 

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