Alain Delon, icône du cinéma français, s’est éteint le 18 août 2024 à l’âge de 88 ans, marquant le clap de fin d’une carrière exceptionnelle et d’une vie romanesque. Révélé dans les années 1960, ce comédien a gravé a jamais son nom dans l’histoire du septième art. Mais derrière son aura mystique et son regard d’acier, se cachait également un personnage aussi complexe que controversé. Aujourd’hui, retour sur cette étoile du cinéma, aussi fascinante que clivante.
Une carrière inattendue, devenue légendaire
Né le 8 novembre 1935 à Sceaux, Delon a essuyé une enfance mouvementée, marquée par un passage en famille d’accueil et des expulsions scolaires à répétition. Dès l’âge de 14 ans, il tourne dans un court-métrage muet, avant de faire une fugue pour partir vivre à Chicago. Il sera finalement arrêté à Bordeaux. Après un passage dans les forces armées françaises, où il a servi en Indochine, il fait son retour en France, où il s’est tourné vers le monde du cinéma presque par hasard. En effet, après avoir rencontré l’actrice Brigitte Auber, il se rend avec elle au Festival de Cannes en 1957. Il y est alors repéré par un producteur et les choses s’enchaînent très vite.
En 1958, il est choisi sur photo par Romy Schneider, déjà star internationale après le succès de la trilogie Sissi, pour lui donner la réplique dans Christine. Peu de temps après, Delon enchaîne les films qui feront sa renommée, marquant les années 60 comme celles de sa consécration. Plein Soleil (1960), Rocco et ses frères (1960), Le Guépard (1963), Le Samouraï (1967) ou encore La Piscine (1968)… Que de classiques, encore cités comme les plus importants de sa filmographie. Cette succession de classiques en aussi peu de temps installent Delon comme l’un des acteurs les plus importants de l’époque, mais aussi de l’histoire du cinéma français.
Le succès ne faiblit pas dans les années 70, où il produit de plus en plus de films lui-même et où il s’essaye progressivement à la réalisation. Sa carrière connaît cependant un certain ralentissement dans les années 80, où le succès auprès du grand public faiblit, malgré quelques films parvenant à toucher la critique (notamment Nouvelle Vague de Jean-Luc Godard). Une tendance qui se confirme dans les années 90, le poussant à annoncer la fin de sa carrière en 1999. Malgré tout, il fera quelques apparitions « hommage » dans certaines œuvres comme Les Acteurs de Bertrand Blier ou encore Astérix aux Jeux olympiques. Il n’hésita pas non plus à fouler les planches encore quelque temps et à apparaître à la télévision.
Une vie privée tumultueuse
À l’instar de beaucoup de légendes du cinéma, Alain Delon ne put échapper à la peoplelisation de sa vie. Et l’acteur eut de quoi alimenter les tabloïds, au vu du nombre de relations amoureuses médiatiques qu’il engagea. Dalida, Mireille Darc, Anne Parillaud et bien évidemment la légendaire idylle avec Romy Schneider…
La relation avec cette dernière restera à jamais la plus emblématique de la vie médiatique des deux comédiens, formant l’image du couple people par excellence : glamour, passionné et maudit. Une histoire qui durera cinq années et qui marquera au fer rouge l’époque, aussi bien d’un point de vue people que cinématographique. En bref, des relations toujours médiatiques pour le meilleur comme pour le pire…
Le pire venant au fil des ans, jusqu’aux dernières années de sa vie. En effet, quand le verni s’effrita autour de la superstar, diverses accusations commencèrent à pointer le bout de leur nez, notamment de violences conjugales. Ainsi, En 2013, Alain-Fabien Delon évoquait, dans les pages de Vanity Fair Italia, les violences de son père à l’encontre de sa mère Rosalie van Breemen, qui fut sa compagne pendant 14 ans.
« Huit côtes cassées et un nez fracturé par deux fois. Méritait-elle tout cela ? »
Alain-Fabien Delon pour Vanity Fair Italia en 2013
Des accusations fermement contestées par le principal intéressé et qui ne furent jamais confirmées (ni infirmées) par Rosalie van Breemen, laissant planer le doute auprès du public…
Mais les violences conjugales furent loin d’être les seules accusations à l’encontre de la superstar. L’une des affaires les plus tristement célèbre concernant Delon éclate en 1968, quand son garde du corps Stefan Marković, est retrouvé mort dans une décharge publique à Élancourt. Delon ainsi que François Marcantoni, un gangster corse, firent alors l’objet d’une enquête, après qu’ait été retrouvées une lettre de Marković à son frère Aleksandar, dans laquelle il écrit :
« Si je me fais tuer, c’est à 100 % la faute d’Alain Delon et de son parrain François Marcantoni. »
Bien qu’il n’ait jamais été inculpé, cette affaire jeta un voile noir sur la réputation de Delon durant pendant un certain temps, ayant mis en lumière ses liens avec des individus de la pègre parisienne. L’affaire reste encore non résolue à ce jour.
Delon fut également condamné In Absentia par un tribunal de Rome, en 1969, à quatre mois de prison, pour des faits de violences envers un photographe. Enfin, très récemment en 2024, les autorités saisirent pas moins de 72 armes lors d’une perquisition chez l’acteur, ainsi que 3000 munitions. Cette saisie entraîna l’ouverture d’une enquête pour « dépôt d’armes illicite » et « acquisition illicite d’armes de catégories A ».
Alain Delon : un homme d’un autre temps, aux positions controversées
Outre ses affaires judiciaires ou des accusations n’ayant pas abouti à grand-chose, Alain Delon s’est fait remarquer pour quelques sorties médiatiques peu avisées, alternant entre le sexisme, le racisme et l’homophobie… Dans la catégorie « violences conjugales », il fut interrogé par Catherine Ceylac sur ses potentiels comportements machistes. Un interrogatoire auquel il répondit par la phrase suivante :
« Machiste ? Ça dépend de ce que vous appelez machiste. Si une gifle, c’est machiste, oui, j’ai dû être machiste… »
Alain Delon dans l’émission « Thé ou Café » présentée par Catherine Ceylac sur France 2
Des propos qui, dans un contexte d’accusations de violences conjugales, ne purent que jeter de l’huile sur le feu concernant le comportement de l’acteur dans sa vie amoureuse.
Des propos auxquels s’ajoutent des dérapages profondément homophobes, le plus connu étant celui de septembre 2013, en plein débat concernant le « Mariage pour tous », où il tint les propos suivants :
« Je vis très mal cette époque qui banalise ce qui est contre-nature. Quitte à passer pour un vieux con, ça me choque ! »
Alain Delon sur France 5, pour l’émission C à vous
Des propos choquants, réitéré auprès d’Anne-Sophie Lapix peu de temps après :
« Je n’ai rien contre les gays qui se mettent ensemble, mais, pour moi, c’est contre-nature. On est là pour aimer une femme, pour courtiser une femme, pas pour draguer un mec ou se faire draguer par un mec. »
Loin de se limiter à donner son avis sur les droits des homosexuels, Alain Delon avait également, en novembre 2015, défendu les propos racistes de Nadine Morano, qui avait affirmé que « la France est un pays de race blanche ». Une déclaration qui lui avait valu les foudres de son propre parti, Nicolas Sarkozy la privant même d’une investiture aux élections régionales. Delon décida cependant de défendre ces allégations en déclarant ceci :
« Je n’ai pas envie de juger ou d’en discuter. Juste une question : le Kenya est un pays de quelle race ? Les gens sont noirs. C’est une polémique ridicule, grotesque, qui n’a aucun sens. Elle a des c*** de tenir comme elle tient et de dire : ‘Je vous emmerde tous, je dis ce que je pense et je continuerai à le dire.’ Chapeau ! »
Extrait du documentaire Alain Delon, cet inconnu, diffusé sur France 3
Des propos là encore choquants, mais qui restent dans la lignée des prétentions politiques du comédien, qui s’est toujours déclaré de droite, mais a également été affilié à l’extrême droite durant une bonne partie de sa vie, du fait de sa grande amitié avec Jean-Marie Le Pen. Une affiliation à l’extrême droite qui n’a cessé de s’affirmer sur la fin de sa vie, après plusieurs déclarations de soutien à Front National (devenu depuis Rassemblement National).
« Le Front national, comme le MCG à Genève, prend une place très importante et ça, je l’approuve, je le pousse et le comprends parfaitement bien. »
Alain Delon en octobre 2013, dans le quotidien suisse Le Matin
Quel héritage pour Alain Delon ?
Alain Delon est sans conteste une des personnalités les plus importantes de l’histoire du cinéma français, aux côtés d’icônes telles que Jean-Paul Belmondo ou Lino Ventura. Il est le symbole d’une époque et d’un cinéma en pleine mutation, s’imposant comme un point d’ancrage dans une époque révolue. De sa carrière, on retient des films cultes comme :
- Plein Soleil (1960)
- Rocco et ses frères (1960)
- Le Guépard (1963)
- Le Samouraï (1967)
- La Piscine (1969)
- Borsalino (1970)
- Monsieur Klein (1976)
Il laisse également derrière lui l’image d’un personnage complexe, clivant, tantôt charmeur, tantôt détestable, jamais à l’abri des caméras ni de la peoplelisation de sa vie, jusque dans les derniers mois de son existence. Une personnalité forte, qui aura toutefois vu son aura s’effriter au fil des ans du fait de ses prises de positions, malgré une carrière indéniablement spectaculaire.
Alain Delon fut inhumé, comme il le souhaitait, dans une chapelle privée du domaine de la Brûlerie à Douchy, le 24 août 2024. Celui-ci souhaitait reposer en ces lieux, auprès de ses trente-cinq chiens.
Ne manquez aucun article : abonnez-vous gratuitement à Cultea sur Google News