Durant l’entre-deux-guerres, le développement des radios s’amorce. Le nombre de récepteurs en France augmente entre 1925 et 1928, un peu en retard par rapport aux États-Unis. Le pays est sous-équipé par rapport à l’Europe également. On assiste pourtant progressivement à la naissance de la radio…
La naissance d’un nouveau mode de diffusion médiatique
Des avancées techniques
La naissance de la radio est rendue possible grâce aux avancées techniques. Julius Hertz met en évidence l’existence des ondes radioélectriques en 1887. Puis, c’est le physicien Édouard Branly qui découvre en 1891 un moyen de les détecter, avec son cohéreur. Cela permet à Alexandre Popov quelques années plus tard de créer une antenne qui reçoit et émet des ondes sur de longues distances… Ces découvertes éparses réunies, Marconi effectue la première liaison radio transatlantique entre Terre-Neuve et la Cornouaille en 1901 (d’abord en morse).
Puis, l’Américain Lee De Forest invente la première lampe amplificatrice à cathode chaude (triode), qui sera le départ de toute l’industrie radioélectronique.
La radio à la guerre
L’expérimentation de la radio en France commence avec la Grande Guerre. Les militaires participent alors à travailler et faire des recherches sur ce nouveau domaine. En décembre 1903, Gustave Eiffel fait l’offre d’utiliser la tour Eiffel comme support d’antenne. Le capitaine Gustave Ferrié reçoit rapidement l’autorisation de construire une première installation expérimentale militaire basée sur le Champ-de-Mars. Puis, en 1908, une antenne plus imposante est installée. Elle permet aux armées alliées de communiquer durant toute la Grande Guerre. Gustave Ferrié contribuera ainsi à équiper la France en matériel TSF (télégraphie sans fil).
L’État et la radio
L’État s’implique alors dans une réflexion juridique. Soit on laisse faire librement, soit l’État prend le monopole. Mais il faut tout de même contrôler pour éviter que tout le monde n’émette sur la même fréquence (sinon on ne s’entend plus). Il faut aussi réguler la puissance des émetteurs (pour que des radios locales n’émettent pas trop loin, empiétant sur d’autres).
La naissance d’un réseau en France
Les radios s’organisent en réseaux pour faire face à la grande étendue du territoire : économie d’échelle, transmission et unification de l’information. Tandis que le monopole de l’État s’affirme dans les pays européens, la France n’adopte d’abord aucun des deux modèles (libéralisme complet ou monopole de l’État) : elle fait les deux en même temps.
Les principaux postes de radio publics nationaux commencent en 1921 et sont réguliers en 1923. Ils utilisent la tour Eiffel. Puis, on observe un déclin rapide dans les années 30 avant que les PTT (postes, télégraphes et téléphones) ne couvrent ensuite l’essentiel du pays. Un certain nombre d’émetteurs sont également positionnés en Province, pour une information adaptée localement avec la possibilité d’avoir des programmes communs.
Après 1926, l’État applique un monopole et n’accepte plus la création de radios privées.
- Etats-Unis : Radio Act, 1927.
France :
1793 : Le télégraphe, monopole d’État.
1833 : Monopole étendu au télégraphe électromagnétique.
1881 : Loi sur la presse, ne concerne pas le télégraphe.
1917 : Monopole étendu à la radiotélégraphie.
1923 : Monopole étendu à la radio.
Le contenu des programmes radio
Aux États-Unis, la publicité détermine le contenu. Mais il est difficile de savoir si la publicité a un impact ou non. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, des outils de mesure de l’audience permettent de savoir qui écoute quoi, et d’aiguiller ainsi les annonceurs.
En France, les programmes sont déterminés en premier, et la publicité vient s’y ajouter. En 1929, Marcel Bleustein-Blanchet investit dans la radio (privée et publique jusqu’en 1934). Il prend en régie les publicités de ces diverses radios. Elles peuvent ainsi se concentrer sur la création des programmes en disposant d’un revenu. En 1934, les publicités sont interdites sur les radios publiques.
Un média sous contrôle
Entre-deux-guerres : une surveillance étroite, mais inconstante
La politique contrôle les médias, y compris les médias privés. Radiola (premier émetteur de radio privé français) a voulu lancer son propre journal en 1923. Mais le secrétariat d’État aux PTT l’interdit. Effectivement, la loi de 1881 sur la liberté de la presse porte uniquement sur la presse écrite… C’est par ce biais que le monopole s’installe. L’État contrôle ainsi légalement l’information dans le monde de la radio.
Le contrôle des textes du radiojournal va être une pratique constante. En 1924, Radio Paris (privée) finit par avoir l’autorisation, mais il faut faire relire auparavant par les services du ministère le texte utilisé. Quand la situation se tend, on installe un censeur à Radio Paris, qui contrôle en permanence le contenu…
1933 : Loi qui rend les radios publiques dépendantes des subventions de l’État ; rachat de Radio Paris par l’État.
1936 : Diminution du nombre de représentants des auditeurs dans les conseils de gérance : ce sont les représentants de l’État qui surveillent.
1938 : Nouveau décret qui impose le contrôle des informations sur les postes de radios privées (qui existait déjà sur le public depuis 1934) – contexte de montée des tensions internationales : informations sensibles.
Édouard Daladier procède à une refonte des structures. Il réunit les radios dans une structure commune en 1939 sous l’administration unique de la radio diffusion nationale. C’est l’ancêtre de l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française).
Ce contrôle reste cependant modéré par rapport au contrôle étroit des régimes totalitaires voisins (Allemagne, Italie)…
La radio pendant la Seconde Guerre mondiale
Radio propagande
Au lendemain de la chute de Paul Reynaud (président du Conseil des ministres français en 1940), Pétain annonce à la radio qu’il faut cesser le combat. Il y a deux diffusions. Une à 11h30, puis à 13h30, alors que l’armistice n’est pas encore signé… Radio Paris, quant à elle, ne diffuse plus à partir du 17 juin. L’armistice prévoit qu’à partir du 27, plus aucune antenne ne doit émettre sur le territoire. Quand les émissions reprennent en juillet, le paysage radio et politique a totalement changé…
La France est coupée en deux. Dans la zone occupée, les Allemands prennent le contrôle de la radio, notamment de Radio Paris, qui a un émetteur très puissant et couvre donc toute la France. La Propaganda Abteilung se charge de prendre le contrôle d’émissions de propagande, comme les Causeries de Friedrich. La structuration de la propagande par Vichy n’est pas aussi massive que ce que l’on voit au nord. Mais on retrouve tout de même quelques émissions, comme les discours de Pétain, ainsi que du divertissement, avec des directs depuis le grand casino de Vichy.
Une voix de la résistance
Si nous avons souvent en tête l’image de Charles de Gaulle, résistant à Radio Londres à la BBC, des radios en Suisse soutiennent aussi la démocratie. Radio Brazzaville, Radio Alger permettent également à la France libre d’émettre vers la métropole. Ces radios extérieures contribuent à donner une visibilité à la résistance, à de Gaulle, favorisant une unité. On peut dès lors lancer des campagnes de lutte, comme faire des V de la victoire dans la rue, mettre aux fenêtres un drapeau tricolore, passer des consignes via des messages cryptés… C’est un moyen de développer une contre-propagande et d’organiser la résistance.
Mais le simple fait d’écouter la BBC peut entraîner des sanctions. On suspecte les Juifs d’en être les principaux auditeurs. Des brouilleurs sont mis en place. À la libération, dès le 20 août, on entend la Marseillaise sur Radio Paris, prise par les FFI (Forces françaises de l’intérieur) le jour de l’arrivée du général de Gaulle à Paris.
La radio en situation de monopole d’Etat (1945-années 1980)
Beaucoup d’émetteurs ont été détruits, et pour ceux qui restent, ils sont réquisitionnés en novembre 44. La résistance aurait pu vouloir une liberté totale de la radio, mais ce n’est pas le cas… Au contraire, on réaffirme le monopole, plus durement encore, et les radios privées n’existent plus. Il ne reste plus que les radios d’État. La radio doit être au service de la nation, et non des intérêts privés.
Dans l’après-guerre, on garde l’idée d’une structure commune d’État qui rassemble l’ensemble de l’offre publique. C’est la RDF : radiodiffusion française. Elle est remplacée par la RTF en février 1949 (on intègre la télévision). La loi de finance de juillet 1963 crée le service de liaison interministérielle de l’information, qui a douze membres délégués par des ministères chargés de contrôler tous les jours le texte du journal, à la radio et à la télévision. C’est la naissance de l’ORTF.
La naissance des radios libres
Dès les années 60-70, face aux monopoles d’États, on voit l’apparition de radios libres en Europe. Il y a par exemple Radio Veronica ou encore Radio Caroline, qui émettent clandestinement à l’échelle locale depuis des bateaux. En France, on est beaucoup plus prudents, mais quelques radios se créent. Ce sont souvent des initiatives de partis politiques ou de syndicats… Le premier coup d’envoi vient des écologistes, Radio Verte. D’autres syndicats, notamment en Lorraine touchée par la crise de la sidérurgie, lancent Radio Lorraine, Cœur d’Acier.
Il faut attendre l’ancien ministre de la Communication de François Mitterrand, Georges Fillioud, pour que le monopole d’Etat cesse. La loi du 9 novembre 1981 déclare que « la communication audiovisuelle est libre ». Puis, la loi du 29 juillet 1982, 101 ans jour pour jour après la promulgation de la loi de 1881 sur la liberté de la presse écrite, organise ces nouvelles libertés…
Sources :
- Francis Balle, Les médias, Presses Universitaires de France, 2014.
- Vincent Flauraud, Séminaire Histoire des médias, Université Clermont-Auvergne, 2020-2021.
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