« Horses » : je jeu d’horreur banni de Steam n’est qu’un pétard mouillé…

"Horses" : je jeu d'horreur banni de Steam n'est qu'un pétard mouillé...

Après avoir croisé les jeux les plus malsains de l’histoire vidéoludique, nous devions tester ce Horses tant décrié dans le genre de l’horreur. Ici, pas de frayeur ou de sursaut, seulement de l’esclavage, de l’humiliation et la déshumanisation dans une ferme abominable. Un jeu qui fera parler de lui pour son bannissement de Steam et d’Epic Games Store, mais qui n’est en réalité que peu mémorable à nos yeux. On croyait avoir affaire à une critique au vitriol de la société, on se retrouve avec une banale histoire déjà racontée dans les films d’horreur. 

Nota Bene : Nous avons pu tester Horses en le téléchargeant sur GOG. Il est très difficile de parler du jeu en lui-même sans en raconter tous les détails. Cette analyse critique du jeu est donc un spoiler énorme sur une grande partie des évènements racontés par le titre. Enfin, nous rappellerons que ce jeu n’est pas du tout à mettre entre toutes les mains !

Nourrir le chien, laver les chevaux, organiser des balades avec des visiteurs, récolter les carottes, castrer les bêtes rebelles, enterrer les animaux morts… Bienvenue dans Horses, où nous incarnons Anselmo, un étudiant venu passer deux semaines dans une ferme isolée au fin fond de la campagne italienne. Le fermier qui nous sert d’employeur est un homme passionné, tellement dévoué à ses chevaux qu’il aime parfois se déguiser pour les rejoindre dans la nuit.

A en croire ces lignes, vous pourriez penser que nous évoquons une version étrange de Farming Simulator ou Harvest Moon. Que nenni, puisque nous parlons bien de Horses, un jeu d’horreur indépendant banni de Steam et d’Epic Games Store qui ne s’avère finalement qu’un mélange douteux entre fétichisme sadomasochiste (ici, du pony play non consenti) et un épisode d’Esprits Criminels. On pourrait aussi suggérer Tusk, de Kevin Smith, dans un certain sens…

Reprenez le paragraphe précédent et comprenez bien que les chevaux en question sont en réalité des hommes et des femmes enlevés et séquestrés par le fermier. Ce dernier invite au puritanisme et les convainc qu’ils ne sont que des animaux. Ainsi, ils sont forcés de porter des masques équins, de se taire et de consentir à des actes inhumains et humiliants. Le chien de garde en est un aussi… Vous comprenez mieux pourquoi Horses fait parler de lui ? Il suffit de peu pour penser que notre jeune Anselmo sera le prochain sur la liste. En vérité, les révélations qui se dévoilent au fur et à mesure se devinent trop rapidement et font énormément de mal au jeu.

Horses dérange fortement par son aspect cinématographique, mais…

Sur le plan visuel, reconnaissons que l’ambiance fonctionne et que Horses n’a pas besoin de jump-scares gratuits pour fonctionner. Développé sous Unity, le titre des développeurs des excellents Wheels of Aurelia et Saturnalia nous présente une ferme macabre filmée dans un noir et blanc granuleux qui évoque aisément le cinéma muet expressionniste.

Intégralement au format 4:3 avec un bruit de projecteur en fond, on est très proche de l’atmosphère poisseuse d’un snuff movie. Les gros plans sur les visages masqués (et le fermier, mon dieu !) sont cauchemardesques et les nombreuses séquences en FMV renforcent le malaise permanent. Le réalisateur Andrea Lucco Borlera cite Bunuel, Svankmajer et Lanthimos comme influence, et cela se sent. C’est indéniablement mortifère. Du moins, durant la phase de découverte.

Seulement voilà, Horses est une expérience vidéoludique désagréable, et pas seulement pour son récit. C’est lent, c’est mal rythmé et c’est terriblement ennuyeux. Le gameplay n’est qu’un simulateur de marche, comme on en voit énormément dans le catalogue des jeux indépendants. On interagit avec des objets et cela déclenche parfois des mini-jeux absurdes. Au bout du troisième chapitre, on comprend que le jeu n’existe que pour une seule raison : choquer son public. Certes, il y parvient… Mais une fois le malaise passé et le scénario qui se dévoile, il ne reste rien.

Terriblement dommage quand le jeu se veut être une lecture horrifique de l’expérience de Milgram, testant notre volonté à obéir. De nombreux titres comme Spec Ops The Line l’avaient déjà fait. L’objectif est de se soumettre, quelle que soit la situation. La récompense viendra de la confirmation de nos doutes sur cette ferme étrange. Inutile de lutter, l’obéissance est la seule clé de Horses. Néanmoins, cette soumission justifie la pénibilité de notre partie, mais son traitement ne fonctionne pas vraiment : on garde le sentiment que le jeu veut juste choquer, et que cette inspiration très Salo ou les 120 journées de Sodome n’est qu’un prétexte.

Un jeu horrifique qui s’essouffle malgré des moments intenses !

Il y a pourtant deux séquences tout bonnement brillantes dans le jeu. Parmi elles, nous devons nourrir un cheval (ou humain, vous aviez compris) qui s’isole dans un champ. Face à lui, derrière le mur, la liberté. La mise en scène fait un plan sur son visage scrutant le ciel, brisé par la captivité. L’émotion est tellement intense qu’il est regrettable que Horses cesse net cette tristesse pour se tourner immédiatement vers un nouveau moment choquant ou une énième découverte de fornication entre chevaux (vous avez bien lu !).

La seconde implique une jeune femme richarde (ou une adolescente) qui veut monter les chevaux et se balader avec nous. Ce chapitre possède tout le message profond de Horses, mais se voit finalement annihilé par le déroulement du twist final. Voici sa citation exacte, traduite par nos soins :

« Je sais ce que tu penses. Je sais que ce ne sont pas de vrais chevaux. Mais… vous savez, la façon dont ils vivaient… Beaucoup de gens trouvent cela inacceptable. Je m’en fiche, personnellement. Mais habituellement, les personnes présentant un comportement immoral ont aussi des idées dangereuses.

Comme mon père le dit toujours, chacun de nous est un rouage dans la machine ; nous devons tous faire notre devoir pour que la société puisse fonctionner correctement. Les idées dangereuses sont donc une préoccupation pour tout le monde. Parce que si la machine se bloque, tout s’effondre. Et nous ne pouvons pas permettre que cela se produise ! Le fermier… Il fait ce qu’il fait. Et mon père… Eh bien, mon père veille à ce que ses opportunités commerciales continuent de croître. C’est simple : dans ce monde, dans cette ferme… toute personne qui vit sa vie de manière imprudente et indulgente finit exactement là où elle mérite. Tu vois ce que je veux dire ? »

Il faut savoir que ce chapitre a connu une modification de dernière minute : il s’agissait à l’origine d’une vraie adolescente qui chevauche une jument. Si cela est véridique, inutile de chercher plus loin sur les raisons du bannissement de Horses.

La fameuse séquence polémique du titre dans laquelle cette femme est censée être une adolescente qui s’apprête à chevaucher une jument, nue.

Le bannissement de Horses : véridique ou énorme stratégie marketing ?

Ce qui est vraiment intéressant dans un titre comme Horses provient certainement de son bannissement de Steam et de l’Epic Games Store. Ce n’était pas arrivé depuis des jeux ignobles comme No Mercy… Santa Ragione, le studio italien derrière le jeu, crie à la censure.

Mais soyons lucides avec le fonctionnement un peu hypocrite de l’industrie du jeu vidéo : Horses présente pendant trois heures des corps nus et battus en permanence, et on sait que la nudité est bien plus sujette au bannissement que le gore sur ces plateformes. Si la violence et le sexe sont divertissants, cela ne posera jamais problème. Or, Horses n’est volontairement pas un jeu amusant. Il devient même complètement inintéressant lorsque son mystère fétichiste se révèle.

Certains critiques comme Kotaku affirment ne pas avoir identifié les contenus incriminés :

« Si Horses n’a rien révélé de nouveau sur les dangers d’un mode de vie protégé et puritain, il a au moins démasqué Steam et Epic comme des entreprises lâches qui ne prennent même pas la peine de vérifier les œuvres dont elles interdisent l’accès. » (Kenneth Shepard)

Il faut reconnaître que Horses transpire le fantasme d’un détraqué jusqu’à la fin et joue sur la banalité du mal et la souffrance au quotidien, porté par plusieurs messages sur la sexualité. Cela semble justifier pourquoi Valve et Epic ont réagi, mais certains pourraient penser que le bannissement paraît un tantinet exagéré. Après tout, des jeux autrement plus dérangeants et sadiques comme The Town of Light, House of Velez ou Outlast n’ont jamais été inquiétés. 

Malgré le buzz généré par la controverse, Horses s’est écoulé à environ 18 000 exemplaires. Suffisamment pour rembourser les dettes du studio, mais pas pour financer un nouveau projet. Santa Ragione a d’ailleurs annoncé que l’équipe avait dû se disperser vers d’autres emplois. La stratégie du scandale n’aura donc pas payé.

Au final, Horses n’est qu’un film d’horreur (très A24) qui aurait gagné à rester sur un écran de cinéma plutôt qu’à devenir un jeu vidéo. La pauvreté de son gameplay et le message trop simple de ses développeurs sur le puritanisme et la déshumanisation ne sont pas masqués par son esthétique soignée. Si vous cherchez une œuvre italienne véritablement maîtrisée dans son aspect malsain et sa dénonciation de la société, tournez-vous plutôt vers Martha is Dead, aussi contraint par la censure.

Horses ne sera traumatisant que selon votre rapport avec la violence dans l’art. On pourrait croire que le jeu nous plonge dans un enfer pasolinien avant qu’il ne dévoile toutes ses faiblesses, le rendant de moins en moins intéressant. Toute l’affaire autour de son exil de Steam reste finalement plus passionnante que ce produit provocateur que l’on ne peut réellement aimer…

Bande-annonce Horses (âmes sensibles s’abstenir !)

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