Le dimanche 30 janvier 1972, une tuerie survient dans les rues de Londonderry (ou Derry), en Irlande du Nord. Le massacre sera surnommé le « Bloody Sunday », « dimanche sanglant ». L’armée britannique tire sur des manifestants pacifiques, et 14 d’entre eux trouvent la mort. Retour aujourd’hui sur cet événement, considéré comme une journée noire de l’Histoire.
Contexte historique
Depuis la fin des années 1960, on assiste à une lourde discrimination contre la minorité catholique en Irlande du Nord. Par conséquent, des organisations telles que l’Association nord-irlandaise pour les droits civiques (NICRA) commencent à mettre en place une campagne non-violente pour promouvoir l’égalité des droits entre catholiques et protestants. En 1969, une bataille éclate à Bogside, dans la banlieue de Derry. La police royale de l’Ulster (RUC) ne parvient pas à rétablir l’ordre. De fait, le déploiement de l’armée britannique est demandé par le gouvernement de l’Irlande du Nord.
Le climat continue à être tendu dans les mois qui suivent. Le 9 août 1971, l’internement sans procès est introduit. Cela signifie que les autorités peuvent emprisonner des personnes sans procès préalable. En réponse, on met en place 29 barricades autour du Free Derry à la fin de l’année 1971 pour empêcher l’armée britannique et la Police royale d’y entrer. Pour être plus précis, Free Derry était une enclave nationaliste, autoproclamée et autonome de Derry entre 1969 et 1972.
Bien qu’il soit interdit de manifester, l’Association nord-irlandaise pour les droits civiques planifie tout de même une manifestation pacifique à Derry le dimanche 30 janvier 1972.
Les événements du Bloody Sunday
Ivan Cooper, qui prône l’égalité des droits entre catholiques et protestants, est à la tête de la marche. Il tente d’abord de négocier avec les forces de l’ordre britanniques, mais n’y parvient pas. Alors, on met la manifestation sous haute surveillance. La marche part du Central Drive de Creggann en direction du centre-ville de Derry. Néanmoins, les marcheurs se retrouvent bloqués à l’embouchure de la William Street.
En effet, la route est barrée par une centaine d’hommes de la RUC, mais aussi par des parachutistes de l’armée britannique. On change alors l’itinéraire : il faut maintenant se rendre au Free Derry Corner. La foule, ne comptant pas moins de 10 000 personnes, est de plus en plus confuse.
Un peu avant 16h, des émeutes débutent et des manifestants jettent des pierres sur les soldats. Ceux-ci répondent par des tirs de balles en caoutchouc, de gaz lacrymogènes, ainsi que des canons à eau. À 15h40, des tirs de fusil d’assaut des parachutistes touchent John Johnston et Damien Donaghey. Les 2 hommes s’écroulent, et on comprend que les soldats tirent à balles réelles. Le massacre commence. En tout, 21 soldats utiliseront leurs armes, et ils tireront 108 balles. La tuerie fera 14 victimes et 28 blessés, tous du côté des manifestants.
Deux versions différentes pour le Bloody Sunday
Il existait à l’origine 2 versions du Bloody Sunday. La première, défendue par les Britanniques, avance que l’armée britannique aurait répondu aux tirs de l’Armée Républicaine Irlandaise (IRA). La deuxième, défendue elle par les manifestants, suggère que l’armée britannique aurait tout simplement tiré sur une foule désarmée. L’enquête suivant le massacre blanchit l’armée britannique. Pourtant, on ne retrouve aucune trace d’explosifs sur les victimes. De plus, seuls des manifestants ont été blessés ou tués ce jour-là. Ainsi, un doute conséquent pèse…
Un documentaire diffusé sur Channel 4 le 16 mai 1997 rétablit quelque peu la vérité. Dedans, 4 soldats anonymes avouent que les parachutistes ont tiré dans la foule, et non pas sur des cibles précises et hostiles. Cela contredit grandement la version officielle des faits.
L’enquête Saville
L’année suivante, le Premier ministre Tony Blair annonce l’ouverture d’une nouvelle enquête. Le juge Lord Saville dirigera cette dernière, qui coûtera environ 200 millions de livres. Elle sera également la plus longue de l’histoire judiciaire britannique, le juge n’ayant rendu son rapport que le 15 juin 2010.
L’enquête révèle alors que les victimes ne représentaient aucune menace ou ne faisaient rien qui justifia qu’on les abatte. De plus, les soldats n’ont pas averti les manifestants avant d’ouvrir le feu. Par la suite, ils n’ont pas non plus tiré en réponse à des attaques de projectiles lancés par les manifestants. Enfin, ils ont menti sur les circonstances exactes de l’incident.
À la publication du rapport, le Premier ministre David Cameron intervient à la Chambre des Communes pour reconnaître la responsabilité des parachutistes et présenter ses excuses. Il dira que les tueries étaient « injustifiées et injustifiables ».
Le Bloody Sunday est aujourd’hui toujours considéré comme une journée noire. Après la publication du rapport de Saville, les familles des victimes organisèrent une marche silencieuse en hommage aux défunts. John Lennon avait déjà rendu hommage aux victimes en 1972, avec son album, Some Time in New York City, tout comme le groupe de rock U2 dans sa chanson Sunday Bloody Sunday.
Sources :
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