Chaque année, les étudiants des Gobelins, école d’animation, livrent des pépites d’animation en se pliant aux règles du court-métrage. Leurs films de fin d’études, disponibles gratuitement sur YouTube, sont souvent plus inspirés, plus sensibles et plus inventifs que bien des productions professionnelles. Voici cinq courts-métrages récents, à découvrir absolument, parce qu’ils sont brillants, qu’ils viennent du cœur et que, les partager, c’est donner de la force à ceux qui font l’animation de demain.
Last Summer : l’été avant les séparations
Dans Last Summer (2022), quatre amis, Ren, Polo, Buck et Sun, vivent leur dernier été ensemble avant de quitter leur village pour l’université. Réalisé avec une douceur rare, ce court-métrage explore le crépuscule d’une amitié adolescente, ce moment suspendu où l’on sait que les choses vont changer, sans vraiment y croire. L’animation, vibrante et baignée de lumière estivale, donne corps à une nostalgie universelle, celle des étés d’adieu, des premières séparations, des silences qu’on ne sait pas combler.
Le court-métrage évite tout pathos. À la place, il offre des gestes simples, des regards, des non-dits, magnifiés par une mise en scène délicate. Une œuvre douce-amère, profondément humaine, qui montre la maturité de ces jeunes réalisateurs dans leur rapport au temps et à l’émotion. C’est un court-métrage qui touche au cœur et qui mérite d’être vu, partagé et soutenu.

Louise : la scène et l’envers du décor
Louise (2021) nous plonge dans les coulisses de l’Opéra de Paris à la fin du XIXe siècle. Mais loin des paillettes, le film explore la réalité tragique de ces jeunes danseuses souvent contraintes à la prostitution pour survivre. Inspiré de faits historiques et de peintures de Degas, ce court-métrage met en lumière la violence sociale derrière la beauté scénique, dans une reconstitution visuelle à couper le souffle.
Louise, ballerine gracile, quitte la scène pour se heurter aux dettes, à la peur, à un monde masculin qui l’utilise. Le film, en moins de quatre minutes, dit énormément de choses sur le corps féminin dans l’espace public, la pression sociale, la solitude. La mise en scène est sobre, précise, la musique tragique sans excès et le message résonne fort. Un bijou de sensibilité, d’intelligence et de justesse, le genre d’œuvre qui mérite d’être étudiée.

Au revoir Jérôme : l’étrangeté lumineuse de l’au-delà
Dans Au revoir Jérôme (2021), le paradis n’est pas ce qu’on imagine. Quand Jérôme meurt, il se lance à la recherche de sa femme, Maryline, dans un monde sucré, étrange, psychédélique… et inquiétant. Ce court-métrage est une fresque onirique, un labyrinthe surréaliste où le spectateur se perd avec le personnage principal. Chaque plan est une explosion de couleurs, chaque décor un clin d’œil aux univers de Magritte ou Dalí.
Mais sous ses airs ludiques, Au revoir Jérôme interroge la perte, l’obsession, la difficulté à lâcher prise. Jérôme ne veut pas faire son deuil, il veut retrouver, contrôler, comprendre, mais le monde qui l’entoure semble glisser, insaisissable. C’est cette tension entre fantaisie visuelle et douleur intime qui donne au film sa force. Une œuvre éblouissante et troublante à la fois, qui prouve combien l’animation peut être un terrain de poésie moderne.

Sundown : danser malgré l’absence
Dans Sundown (2020), une troupe de danse traditionnelle prépare une grande représentation au coucher du soleil. Mais un membre manque, et avec lui, l’équilibre du groupe est en jeu. Ce court-métrage, visuellement élégant, adopte une narration silencieuse, mais vibrante, centrée sur les corps, les regards, les gestes. Ici, tout passe par le mouvement, celui de la danse, mais aussi celui de l’émotion qui circule entre les personnages.
Le film capte avec pudeur le poids du manque, de l’inquiétude, mais aussi la puissance du collectif : comment continuer quand un maillon de la chaîne est absent ? Comment faire corps malgré le vide ? Sundown est un film sensible, épuré, qui célèbre la transmission, l’art, la mémoire. Une œuvre contemplative, magnifique dans sa simplicité, à découvrir pour son intensité et sa palette de couleurs.

Niccolo : la virtuosité au sein du court-métrage
Tout récent, Niccolo (2025) raconte l’histoire d’un jeune violoniste prodige dont l’instrument est brisé. Ce choc extérieur provoque en lui une remise en question profonde : joue-t-il pour le public ou pour lui-même ? Veut-il être aimé… ou libre ? En quelques minutes, le film évoque le piège de la célébrité, la solitude de l’artiste, l’identité dissoute dans le regard des autres.
Techniquement remarquable, Niccolo joue sur les contrastes visuels : lumière de scène aveuglante contre pénombre intime, foules en liesse contre silences pesants. L’animation traduit à merveille l’état psychologique du personnage. C’est une œuvre ambitieuse, presque philosophique, portée par un propos fort : l’art n’a de sens que s’il reste sincère. Un film à montrer à tous les jeunes artistes et à soutenir pour ce qu’il défend.

Ces cinq pièces du court-métrage témoignent de la vitalité de l’animation étudiante en France. Chacun, à sa manière, explore un sujet fort, un univers original, une émotion vraie. Ce sont des récits d’apprentissage, de fin, de doute, de beauté, mais aussi de talent brut. Visionner, commenter, partager ces films, c’est aider de jeunes auteurs à grandir, à se faire repérer, à faire compter leur voix. Alors, allez sur YouTube, cherchez ces titres des étudiants des Gobelins, regardez-les, partagez-les. Parce qu’au-delà de la performance technique, ce sont des films qui méritent qu’on leur tende la main.
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