Le cinéma expérimental est un genre de niche. Patience est un court-métrage du genre, liant sujet engagé et sensorialité.
Une expérience sensorielle
Durant toute sa durée (11 minutes), Patience nous transporte grâce à sa musique (qu’on doit au célèbre DJ Snake ainsi qu’au duo Amadou et Mariam) et à sa magnifique photographie. Une musique omniprésente qui évolue au fil du récit, plus ou moins intense. On a presque l’impression d’être en transe quand on l’écoute. L’immersion est totale et l’aspect sensoriel de l’expérimental est réussi avec brio.
La photographie, quant à elle, est sublime. Le film ne perd pas son temps, chaque image est forte et significative. Des images coup de poing remplies d’émotions diverses. Les acteurs sont tout aussi bons, on pense à Alassane Diong dans le rôle de Moudou ou encore au caméo d’Omar Sy dans le rôle de Sekou.
Coup de projecteur sur la migration
Patience est à la fois un film expérimental et un film engagé. Il nous raconte le voyage migratoire de Moudou, ses aspirations, ses souvenirs du passé. Comme un voyage plein d’humanité au cœur du personnage, on nous montre la réalité d’un migrant sans le déshumaniser, sans le réduire à un chiffre parmi tant d’autres.
Entretien avec Valentin Guiod, le réalisateur
Nous avons eu la chance de nous entretenir avec Valentin Guiod, le réalisateur de Patience.
Je m’appelle Valentin Guiod, je suis un réalisateur et scénariste français. Je fais du court-métrage, du clip et je suis en train de développer un long-métrage et une série. Les projets cinéma engagés me tiennent à cœur.
Comment vous est venue l’idée de Patience ?
Evidemment, l’inspiration du titre d’Amadou et Mariam et du travail par-dessus de DJ Snake. Je pense que ce qui inspire pour écrire sur de la musique, ce sont les émotions que la musique transmet. On avait une envie dès le début assez commune de s’engager sur le sujet de la migration, de raconter un exode et de le faire à hauteur d’homme. Le terrain commun à la base, c’était cette envie-là. Moi, j’ai écrit une histoire avec une manière de raconter assez poétique et pure dans l’absence de dialogue, du mystère autour des personnages et l’universalité que j’ai voulu en tirer.
Vous vous épanouissez dans l’expérimental ?
Je pense que c’est un terrain qui est assez galvanisant parce qu’on a la possibilité de réinventer un nouveau langage. C’est un objet à la frontière du film et du clip. Ca me rend assez fier d’avoir réussi à garder ce caractère hybride et de l’avoir défendu. On est allé chercher un récit cinématographique. Cette expérimentation, elle est très riche.
Pouvez-vous nous parler des thèmes du film ?
Le thème qui en ressort de manière évidente, c’est la patience. C’est un terme qui regroupe énormément de valeurs : la résilience, le temps qui passe, la peur, la tristesse, la joie, l’espoir. C’est traverser son parcours avec toutes ces émotions sans jamais lâcher, en visualisant son avenir. Ce terme est assez complet et fort.
Il y a aussi la famille, celle qu’on a laissée, celle qu’on retrouve, celle qui nous accompagne. L’amour avec la figure d’Aïda, mais pas seulement, aussi l’amour d’un pays.
Comment avez-vous dirigé vos acteurs ?
Déjà, j’ai été vraiment très content de pouvoir réunir un casting de cinéma qui a un ancrage avec le Sénégal. Ils avaient la volonté de défendre leur culture, leur héritage, leur origine. Je pense que ce sont aussi eux qui m’ont dirigé sur cette réalité culturelle et c’était vraiment agréable, parce qu’on a eu un dialogue vraiment très beau. La direction d’acteur, c’est toujours un travail d’écoute et de documentation. J’ai lu énormément de récits d’exilés. J’essayais aussi de communiquer cette recherche.
C’est sûr qu’il y avait des scènes très dures dans lesquelles on peut avoir l’impression que la réalité dépasse la fiction et ils ont été extraordinaires. Ce travail de direction, ça a été un travail de bienveillance. On s’est dit : « On est tous là pour le même sujet. »
Quels sont vos prochains projets ?
Je co-écris un long-métrage qui aborde une sorte de déshumanisation, mais plutôt dans le secteur de l’armée, sur des jeunes soldats qui vont être entrainés à obéir et qui vont se rendre compte que ce conditionnement est questionnable.
Il y a aussi un projet de série sur les nouvelles formes et la diversité de la sexualité.
Aussi, un autre court-métrage actuellement en financement sur un récit d’émancipation d’un jeune garçon queer sur l’Île de la Réunion qui va rencontrer un garçon plus âgé lors d’un stage de natation et ils vont s’échapper dans les paysages fauves de la Réunion et se rencontrer. C’est un film qui aborde la difficulté que l’on a à s’aimer adolescent.
Patience est un court-métrage coup de poing, de par son sujet et sa réalisation. Vous pouvez le voir en intégralité sur la chaine YouTube de DJ Snake.
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