« Soeurcières » : une ode à la liberté dans un conte époustouflant [Festival d’Avignon 2021]

Emeric Gallego
Emeric Gallego
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Elles sont libres, elles sont indépendantes… Ces deux sorcières voudraient changer ce monde à la dérive, par des chants, par des danses et de la magie. Soeurcières est le conte féministe à découvrir de la compagnie Plumea. Une véritable ode à la liberté et au courage des femmes dans une société où à l’heure actuelle, les « sorcières » sont encore condamnées… 

Affiche par Lily Lavial et photo par Garance Li.

La représentation s’est déroulée le 19 juillet 2021 au Théâtre des Lila’s à 14h30. Le spectacle est joué jusqu’au 24 juillet 2021 au Festival d’Avignon Off.

Emanciper l’image de la sorcière

Une sorcière, dans la croyance populaire, est une femme qui se refuse aux règles de la société et qui jetait des sorts de mauvais augures. Elles étaient ainsi condamnées à mort, parfois sans aucune preuve, parfois dans la pure paranoïa. Brûlée pour ne pas s’être comportée comme une femme de la société…

Dans plusieurs œuvres, on se débarrassait aussi des sorcières en cessant de penser à elles, afin qu’elles tombent dans l’oubli. Soeurcières se décrit alors comme un hommage (disons ouvertement « femmage ») à toutes ses femmes victimes de persécutions et chassées dans la plus grande des violences.

Bien que conseillé pour un public très jeune, ce spectacle, poétique et toujours en douceur, se remplit de symbolisme très adulte sur la condition féminine et cette volonté d’émancipation. Charlotte Arnould, extraordinaire comédienne dont le simple regard transcende, mentionne les ingrédients de ses potions comme un vrai désir de liberté. Ingrédients essentiels à la scène qui se présentent comme une probable cérémonie funéraire. Durant cette cérémonie, on chante et on danse sur la terre humide.

Charlotte Arnould chante ainsi l’hymne des femmes et Adèle Duportal, que l’on à déjà vu dans Balayer, Fermer, Partir, danse jusqu’à l’épuisement. Les deux artistes sont seules sur scène et elles sont terriblement bouleversantes. Elles n’ont pas besoin de répliques pour nous faire interpréter la situation, comprendre qui elles sont et ce qu’elles veulent. Nous sommes loin de l’image clichée des sorcières et nous sommes contemplatifs devant un récit de guerrières.

Adèle Duportal et Charlotte Arnould. Photo par Emeric Gallego.

Soeurcières : une puissante histoire de sororité

Vous l’aurez compris, Soeurcières est plus qu’un hymne à la liberté, il se présente comme un véritable message politique et universel que l’on ne doit jamais effacer. Un appel à la solidarité, une ode à la femme mais aussi un puissant plaidoyer contre le silence et l’oubli. Une lutte endiablée par un peu de magie et de danse dans ce monde désolé. Un monde dans lequel on se marque « Sorore » sur le dos comme premier acte de résistance.

Silence total tout au long de la représentation au sein du public. Silence pour toutes ses femmes mutilées, assassinées, traumatisées… Et silence pour toutes celles que l’on traiterait de sorcières aujourd’hui. Comme un devoir de mémoire, personne ne doit les oublier et succomber au silence.

Lorsque les deux sublimes interprètes, comédienne pour l’une et danseuse pour l’autre, ont marqué le grand final après 45 minutes d’une grande intensité, on ne peut qu’applaudir. On a finalement bravé le silence…

Photo par Emeric Gallego

Soeurcières fait parti de ces spectacles qui marquent. Par sa douce poésie et à travers un sujet plus que jamais d’actualité, la scène brûle d’intensité. De plus, il serait impossible de ne rien ressentir face à cet époustouflant appel à l’humanité. Ainsi comme on dit, l’avenir n’est jamais défini, c’est à nous de le construire…

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Photographe et réalisateur indépendant. Certains de ses films ont obtenus une soixantaine de sélections en Festival à travers le monde. Rédacteur chez Cultea, ses écrits sur le Traumatisme abordé dans le jeu vidéo sont publiés sur le site !
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