Parmi les onze expositions du Festival d’Angoulême, on attend tout particulièrement celle consacrée à Shin’ichi Sakamoto. En effet, son nouveau manga : #DRCL Midnight Children, publié depuis 2021 au Japon, arrive en France le 25 janvier. L’artiste, célèbre pour son sens du détail poussé à l’extrême et ses planches impactantes, redonne dans ce titre un coup de jeune à la figure mythique de Dracula. Une histoire gothique et sanglante qui semble tout adaptée à Sakamoto Sensei.
Shin’ichi Sakamoto, des débuts difficiles
Shin’ichi Sakamoto ne s’en cache pas : sa carrière a d’abord été une longue traversée du désert. Bien qu’il ait découvert le manga très tôt et qu’il ait pu commencer à publier dès son adolescence en parallèle du lycée, ses premières œuvres n’ont pas rencontré le succès escompté. L’artiste, qui assume clairement l’influence de Tetsuo Hara (Ken le Survivant), a débuté dans les seinen de combat qui l’avaient tant marqué. Et pendant 13 ans il s’y essaiera à travers différents titres qui se vendront mal, avant d’effectuer un revirement de taille.
En 2008, Shin’ichi Sakamoto pense sa carrière sur le point de se terminer et prend alors une décision cruciale. Il décide en effet d’adapter une œuvre de Jirō Nitta, L’Homme Impassible, très connue au Japon. Ce nouveau manga, Ascension, se vend à plus de 1,5 millions d’exemplaires et marque véritablement un nouvel élan dans la carrière de Shin’ichi Sakamoto. Son identité artistique se sépare alors de celle de Tetsuo Hara et il trouve enfin ce qui sera sa marque de fabrique.
L’adapter demandait beaucoup de courage. Mais toutes mes séries s’étaient terminées sans être devenues des hits. Et je n’avais aucun succès avec les magazines shōnen non plus. Et donc j’ai pensé que ce serait mon dernier manga. Dans ce cas ça me va, me suis-je dit, si je peux finir là-dessus alors je vais exprimer dans mon art tout ce qui me vient en tête.
Shin’ichi Sakamoto pour Manben
Après Ascension, Shin’ichi Sakamoto s’attaque ensuite à l’Histoire de France avec Innocent et Innocent – Rouge. Chacun de ses mangas devient un succès indéniable. Il publie d’ailleurs dans le Weekly Shōnen Jump, ce qui prouve que le lectorat est au rendez-vous. Et en France, c’est Ki-oon qui édite ses œuvres, collaborant avec le Festival d’Angoulême pour l’exposition qui lui est consacrée.
Festival d’Angoulême
Lors de la 51ème édition du Festival de la Bande Dessinée d’Angoulême, c’est la chapelle de Guez-de Blazac qui accueillera le public pour une exposition immersive sur #DRCL Midnight Children. Un écrin parfait pour les planches du mangaka et son histoire gothique. Si l’on avait besoin de se convaincre totalement, il suffit de rajouter que l’ambiance musicale est signée Fred Avril et Philippe Monthaye (Lastman, Mars Express). On ne peut donc que se réjouir d’un choix aussi pertinent, prouvant l’importance que le monde du 9ème art accorde désormais au manga. D’ailleurs, il est à noter que Moto Hagio et Hiroaki Samura bénéficieront également d’expositions de grande envergure.
Shin’ichi Sakamoto est connu pour travailler entièrement numériquement. Son sens du détail est tel qu’il fait poser ses assistants en costumes, qu’il réalise parfois lui-même, décalque les dentelles et pousse son matériel au maximum de ses capacités. Nul doute que cette exposition permettra aux fans de se plonger entièrement dans ces détails et d’apprécier les planches en grandeur réelle. Trois tomes étant déjà parus au Japon, cette matière totalement exclusive en France constitue donc un lancement parfait pour une œuvre très attendue.
Dracula n’a rien de poussiéreux ou de vieillot, il reste hautement d’actualité. Hormis le sujet des pandémies (…), il y a d’autres points communs entre l’époque décrite par Bram Stoker et celle à laquelle nous vivons. Le récit est situé à l’aube d’une nouvelle ère, qui voit poindre de nouveaux courants de pensée et de nouvelles revendications que l’auteur documente abondamment. Et celles-ci ont toujours cours aujourd’hui !
Shin’ichi Sakamoto pour ATOM
#DRCL Midnight Children est moderne, féministe, horrifique et impactant. Malgré les craintes de l’auteur de se confronter à un tel monument littéraire, il s’agit bien d’un pari réussi si l’on en croit l’accueil nippon très enthousiaste.
Œuvres charnières
Kiômaru (2004)
Un apprenti forgeron qui a provoqué indirectement la mort d’un jeune samouraï décide de dévouer sa vie à la fabrication des sabres les plus résistants et les plus tranchants qui soient. Pour cela, il devra partir à la recherche de minerais précieux, convoités par de nombreux seigneurs de la guerre plus dangereux les uns que les autres…
Ce titre est scénarisé par Arajin et non par Shin’ichi Sakamoto lui-même. L’histoire est plutôt simple, mais on y trouve cependant déjà son style de dessin détaillé et particulier qui commence à émerger.
Nés pour cogner (2005)
Takeshi, petit chef de gang à Tokyo, profite de la mutation de son père dans un village pour se ranger : devenir un lycéen modèle et se trouver une copine. Sauf que… l’énorme taille de son “engin” fait fuir la gente féminine ! Alors, un seul remède possible : devenir Masuraou, titre décerné à l’issue d’un tournoi, au meilleur bagarreur du village… Les poings de Takeshi devront reprendre du service !
Nés pour cogner est un manga à la croisée des chemins. En effet, véritable melting pot des idées à succès pour concocter un shōnen, on y retrouve l’humour graveleux, les arcs tournoi, les combats testostéronés et aussi l’émoi adolescent des jeunes lycéens. Mais c’est hélas une recette qui a peut-être trop manqué de distinction pour pouvoir trouver un public vraiment engagé.
Ascension (2008)
Buntaro Mori, jeune lycéen solitaire et renfermé, est défié par un camarade de classe d’escalader le lycée. Alors qu’il relève le défi, il découvre un nouveau sentiment qui l’anime. Mais son exploit le fait repérer par son professeur d’anglais, lui-même fan de grimpe extrême. Grâce à l’escalade, Buntaro va se découvrir un but dans la vie, et se perfectionner dans ce domaine, jusqu’à atteindre les cieux.
L’art de Shin’ichi Sakamoto est une véritable claque. En tournant les pages d’Ascension, la poésie et la beauté des plans nous frappent immédiatement. Le mangaka a porté un soin tout particulier à la métaphorisation des émotions internes, des dilemmes, des luttes qui s’expriment sur le papier de la manière la plus impactante qui soit. Quant aux scènes de montagne, le trait détaillé de Shin’ichi Sakamoto permet de rendre justice aux paysages à la beauté écrasante et mortelle.
Innocent (2013)
France, fin du XVIIIe siècle. Suite à la paralysie de son père, Charles-Henri prend sa succession et devient bourreau officiel du Roi. Il enchaîne les exécutions, met à mort les figures les plus importantes de la révolution comme Danton et Robespierre et torture les condamnés à mort. Seul problème : être bourreau le dégoûte. De ce paradoxe va naître une personnalité trouble et fascinante qu’Innocent se propose d’explorer.
On attend donc le Festival d’Angoulême avec impatience du 25 au 28 janvier prochain pour découvrir l’exposition DRACULA : IMMERSION DANS LES TÉNÈBRES. Et si vous êtes curieux et voulez en apprendre plus sur Shin’ichi Sakamoto, n’hésitez pas à regarder l’épisode de Manben qui le suit dans son travail. Vous pourrez y découvrir les coulisses de la création de #DRCL Midnight Children dans une immersion fascinante.
Sources :
- Manben Neo – Saison 1 Episode 8
- Wikipédia – Shin’ichi Sakamoto
Merci pour cet article, je découvre!