« Blues » signifie « diables bleus », que l’on peut traduire par « idées noires ». En effet, ce style musical a la particularité d’exprimer une profonde tristesse personnelle. Centré sur ce que l’on appelle les « notes bleues », le blues véhicule une atmosphère particulière, et pour cause. Ses origines, son histoire, font de lui un genre à part entière. Encore aujourd’hui, celui-ci se démarque et continue de faire vibrer les cordes sensibles grâce à des chansons devenues populaires. C’est le cas notamment pour un grand nombre des chansons d’Etta James ou bien d’Aretha Franklin. Retour sur la naissance du blues ! Voyons aujourd’hui comment l’Histoire, aussi malheureuse soit-elle, a fait émerger le blues !
Le commerce triangulaire au cœur de la naissance du blues
Les origines de ce style musical remonte à l’époque de l’esclavagisme de masse des populations africaines. En effet, la naissance du blues résulte d’une rencontre entre deux populations totalement différentes.
Tout a commencé avec le commerce triangulaire, qui a mis en relation les Africains et les Américains. Ce commerce a causé la venue forcée de personnes noires sur le sol américain afin d’approvisionner le continent européen. Aussi, l’objectif étant d’enrichir les Amériques, les conditions de travail furent délaissées au profit d’une rentabilité inhumaine. Entre 1505 et 1870, le nombre de travailleurs forcés est monté jusqu’à 15 millions. Et pour cause, leur résistance aux fortes chaleurs, notamment dans les mines ainsi que dans les champs. En effet, les populations africaines étant plus habituées au climat chaud, les colons y trouvaient un réel avantage. Les conditions climatiques étant très rudes dans les champs et dans les mines, les esclaves y étaient donc envoyés.
Ainsi donc le peuple africain rencontre le peuple américain. D’ailleurs, les esclaves n’avaient droit qu’au seul contact de la personne dont ils étaient la charge.
L’émancipation de la culture africaine en Amérique, un pas de géant vers la naissance du blues
Cette situation d’isolement pour les africains a limité l’expansion de leur culture jusque dans les années 1770. Cette année symbolise leur possibilité de sociabilisation grâce à l’apparition d’églises leur étant consacrées. Grâce à ces lieux de culte la communauté a pu se réapproprier son identité culturelle. Ainsi il était plus simple de la partager aux plus jeunes. Nous devons en partie ce changement à ce que l’on appelle le Great Awakening, qui a eu lieu en 1730. Cet événement peut être décrit comme une grande expansion de la religion, surtout en Amérique, en Angleterre et au Royaume-Uni. Cette foi a fait évoluer les consciences et a ainsi entraîné une amélioration des conditions de vie et du statut des esclaves, qui à partir de cette date, ont pu obtenir le droit de se convertir et d’exercer leur religion.
Cette liberté des populations africaines dans les Amériques s’accentue avec les Camp-Meeting, créés dans les années 1780 et développés entre 1800 et 1830. Cela consistait à des rassemblements religieux ouverts à tous, quelque soit l’ethnie. Durant ces rendez-vous, les relations entre africains ont pu se multiplier et la déshumanisation de ces derniers a alors commencé à diminuer. Petit à petit, la considération à leur égard s’améliorait, bien qu’elle restait faible. Aussi, ces réunions permettaient aux esclaves de retrouver leur goût pour le chant et la danse. Cela constituait un réel lien de partage et de communication entre eux. Ainsi, ils accompagnaient leurs voix de leurs outils en guise d’instruments et avaient, de cette manière, la possibilité de trouver un échappatoire à leurs conditions le temps d’un instant.
Cela a conduit à appeler les chants africains de cette époque, les « chants de travail », car, désormais animés par ce besoin de musique, les esclaves chantaient durant leurs labeurs afin d’oublier la dureté de leurs tâches ainsi que pour ne pas perdre le rythme. Après chaque Camp-Meeting, leurs musiques évoluaient, ce qui a engendré l’éclosion de ce que l’on appelle le « Spiritual ». Celui-ci était essentiellement constitué d’improvisations, de notes bleues, de frappements dans les mains, et d’un système de paroles reprenant la logique des « questions-réponses », donnant à ce style ce côté vivant, énergique et convivial.
Le blues, l’enfant d’un mariage culturel
Les chants de ces africains étaient de ce fait évidemment imprégnés de leurs sonorités culturelles et, de fil en aiguille, Africains et Américains ont appris à partager ces moments. En effet, les Camp-Meeting sont progressivement devenus des moments où ces deux civilisations pouvaient vivre ensemble et se nourrir l’une de l’autre. C’est de cette façon que les arts musicaux de ces deux ethnies ont pu se rejoindre et s’alimenter mutuellement.
Pour en venir à la musique blues telle que nous la connaissons aujourd’hui, il faut attendre la fin du XIXe siècle, avec la naissance de ceux qui se faisaient appelés des « songsters ». Cela s’est passé après l’abolition de l’esclavage aux États-Unis, ce qui veut dire après 1865, avec le Président Lincoln. Les songsters étaient généralement des personnes afro-américaines, qui parcouraient des kilomètres pour jouer sur des places publiques, devant des magasins, durant des événements locaux ou non. Ces personnes vivaient de leur passion et profitaient ainsi de leur nouvelle liberté de voyager et de s’exprimer, bien que les personnes noires n’aient obtenus les mêmes droits que les blancs qu’un siècle plus tard.
Ceci correspond donc au début du blues. Surtout en termes de façon de vivre et d’inspirations musicales. La seule différence est celle des thèmes abordés dans les chansons. En effet, les songsters chantaient des exploits héroïques et des légendes, tandis que le blues tient sa particularité de raconter des histoires personnelles, biographiques, émouvantes. Cependant, le blues était là, bel et bien né et au début de son essor.
Bien sûr, le blues n’en était qu’au début de son histoire. Il a évolué avec les sociétés, les techniques, les influences diverses de son environnement. On reconnaît d’ailleurs à ce jour, différents types de blues, synonyme de son développement. Cependant, que ce soit l’acid blues, le blues électrique ou encore par exemple le blues rock, tous doivent leur existence à la combativité des esclaves africains, qui ont mené des décennies de combat pour pouvoir exprimer leur culture et leurs droits. Une chose est sûre, le blues sait nous toucher, de par son passé mais aussi au travers de notes que l’on ne retrouve nulle part ailleurs !
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