En 1997, sortait un film d’animation qui allait marquer l’histoire du cinéma. Produit par le Studio Ghibli, Princesse Mononoké est considéré comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre d’Hayao Miyazaki. Une véritable petite merveille, à la fois poétique, grandiose et pertinente dans ses thématiques, malgré un récit parfois décousu. Cependant, comme souvent dans la création de films emblématiques, la production ne fut pas de tout repos. Pire encore, ce film mit le Studio Ghibli complètement sur les rotules, au point de le pousser dans ses derniers retranchements financiers.
Princesse Mononoké : une des productions les plus emblématiques d’Hayao Miyazaki
Il est peu dire que Princesse Mononoké est un monument. Sorti en 1997 au Japon (et en 2000 en France), ce film d’animation signé Hayao Miyazaki est à la fois une fresque épique, un manifeste écologique avant l’heure, et un conte d’une puissance rare.
L’histoire se déroule dans un Japon médiéval fantastique, où Ashitaka, un jeune archer, se retrouve mêlé à un conflit brutal entre les forces de la nature et les humains qui exploitent la forêt. Au centre de ce conflit, il rencontre San, une jeune fille élevée par des loups, surnommée « Princesse Mononoké ». Ce personnage, farouche et ambivalent, incarne la rage de la nature blessée. Loin des productions Disney « feel-good » de l’époque, Princesse Mononoké n’est pas un conte pour enfants. Le film est dur, sombre, violent et ne se prive pas de quelques allusions sexuelles.
Comme à l’accoutumée, Miyazaki ne prend pas de raccourci moral : il refuse le manichéisme. Ainsi, aucun personnage n’est totalement bon ou mauvais. Par exemple, Dame Eboshi, symbole de l’industrialisation et de la destruction de la forêt, recueille des lépreux et des anciennes prostituées pour leur offrir une vie digne. Quant à San, aussi admirable soit-elle, celle-ci est prête à tuer pour sa cause. Ashitaka, lui, cherche une voie de paix, sans jamais trancher de manière simpliste. Bref, le film est une fresque épique et nuancée, comme on en voit peu dans le cinéma d’animation.
Ainsi, au Japon, Princesse Mononoké fut un véritable raz-de-marée. À sa sortie, il devint le plus gros succès de l’histoire du cinéma japonais, n’étant dépassé que quelques années plus tard, par un autre Ghibli : Le Voyage de Chihiro, considéré par beaucoup comme le meilleur film de Miyazaki.
Le long-métrage fut également très bien reçu aux États-Unis. S’il ne fut pas un franc succès, du fait de sa trop grande brutalité pour un public jeune, le film fut globalement apprécié par la critique. Pour l’anecdote, la distribution fut assurée par la compagnie Miramax, détenue alors par Harvey Weinstein, qui entendait modifier le film pour le rendre plus familial. Mais si l’on en croit la légende, Miyazaki aurait fait envoyer un katana au distributeur avec une note : « No cuts » (« pas de coupures »).
Un chef-d’œuvre accouché dans la douleur
Princesse Mononoké a beaucoup être un des films les plus culte de Studio Ghibli, sa production coûta cher, dans tous les sens du terme. Il s’agissait à l’époque de l’œuvre la plus ambitieuse du Studio Ghibli. Le film exigea ainsi un niveau de détails sans précédent, chaque image étant dessinée à la main selon un processus long et laborieux. Miyazaki, en bon perfectionniste, refusa tout compromis sur la qualité de son bébé.
Seulement, Ghibli consacra tellement de ressources au film que celui-ci devint une véritable bête noire pour le studio. En effet, de son succès dépendait en grande partie la survie de la boîte. Selon David Encinas, animateur sur le projet, si le film échouait, Ghibli aurait fermé. Les membres de l’équipe travaillaient ainsi sur des horaires interminables, dans une ambiance absolument mortifère.
Fort heureusement pour la compagnie, le pari fut payant. Princesse Mononoké fut le succès espéré et consolida considérablement la réputation de Ghibli dans le monde entier. Mais le prix à payer fut immense. Beaucoup d’animateurs furent laissés sur les rotules et l’animateur Yoshifumi Kondō, pourtant considéré comme le successeur de Miyazaki (et à qui nous avons dédié un article complet), décéda peu après d’une dissection aortique, probablement due au surmenage.
Malgré l’ambiance mortifère, l’animateur David Encinas témoigna de l’esprit de collaboration qui régnait dans les studios, motivés par la passion, bien plus que par le profit. Une philosophie basée sur le mentorat et l’apprentissage, bien loin des studios traditionnels. Aujourd’hui, Princesse Mononoké reste un chef-d’œuvre aux yeux du grand public, mais il fut aussi et surtout un acte de foi du Studio Ghibli, aujourd’hui au Panthéon des meilleurs studios d’animation de la planète.
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