Une place au Panthéon, entre honneur et polémique

Berangere Duquenne
Berangere Duquenne
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Avec 80 personnalités qui y reposent, le Panthéon est une institution qui met à l'honneur mais aussi qui divise. © Arnaud Frich

Joséphine Baker va bientôt entrer au Panthéon. Aujourd’hui, Cultea décide de revenir sur l’histoire de ce lieu et sur ce qu’il est aujourd’hui. Pourquoi est-il une grande institution et quelles sont ses faiblesses ? 

À quoi ça sert ?

Imaginé par l’architecte Germain Soufflot et érigé en 1764, l’édifice est à ses débuts une église. Quelques années plus tard, en 1791 et sous la Révolution Française, le bâtiment est baptisé « Panthéon » par l’Assemblée Nationale. Le but est d’en faire un bâtiment laïc. Le nom fait d’ailleurs référence aux temples bâtis par les Grecques et les Romains. Ce nom n’est pas choisi au hasard. En effet, l’objectif est de rendre hommage aux nouveaux héros de la France, à la manière des dieux antiques.

Mais comment entre-t-on au Panthéon ?

Au fil de l’histoire la décision ne revient pas à la même personne. À l’origine, c’est l’Assemblée Constituante (dont le rôle était d’écrire la Constitution) qui statuait sur les entrées au Panthéon. Puis en 1794, c’est la Convention (régime politique de l’époque) qui prend le relais jusqu’à l’arrivée de Napoléon 1er qui s’octroie lui-même ce droit. Ce sont ensuite les députés qui choisissent les heureux élus à partir de 1885. C’est à partir de la 5ème République que les décideurs se stabilisent. Depuis cette époque et encore aujourd’hui, c’est au Président de la République qu’incombe cette décision.

Néanmoins, la décision finale revient toujours à la personne elle-même ou à ses héritiers. Par exemple, Charles de Gaulle avait stipulé son souhait de ne pas y reposer. La famille d’Albert Camus a également refusé que l’écrivain y soit honoré par Nicolas Sarkozy en 2009.

Qui sont les « Panthéonisés » ?

Tout le monde ne peut pas entrer au Panthéon. Mais alors quels sont les critères ?

En réalité, il n’y en a pas vraiment :

Le Panthéon est réservé aux « grands Hommes qui ont mérité la reconnaissance nationale ».

Cette inscription se trouve sur le  fronton du monument. Une définition vague, qui laisse libre interprétation à celui à qui revient la décision. Cependant, le Panthéon est une institution qui rend hommage à ceux qui honorent la République. De ce fait, des penchants monarchiques peuvent engendrer un refus. Ce fut par exemple le cas du Marquis de La Fayette. Ceux qui y rentrent font donc (normalement) consensus.

On y retrouve des profils de personnalités assez diversifiés : des philosophes, des écrivains, des hommes politiques, des militaires, des scientifiques, des avocats, ou encore des résistants.

Le premier à être entré au Panthéon est Voltaire. En 1791, François-Marie Arouet de son vrai nom, est honoré pour son engagement philosophique contre un état religieux omniprésent qui devrait laisser plus de place à « l’humain ».

Parmi les plus connus, on retrouve Jean-Jacques Rousseau, Victor Hugo, Jean Jaurès ou encore Alexandre Dumas.

Des noms qui font débat

Mais choisir un « nom » ne se fait pas toujours dans le calme et la modération. En 2015, François Hollande décide de nommer quatre Résistants au Panthéon. Le choix de faire entrer des Résistants fait l’unanimité, la parité est au rendez-vous avec deux femmes et deux hommes, la partie semble gagnée. Sauf qu’un homme fait débat : Jean Zay. Cette désapprobation est initiée par des associations d’anciens militaires qui mettent en avant une partie sombre de l’histoire de Jean Zay. Leurs arguments remettraient en cause le fameux critère de patriotisme. En 1924, celui-ci écrit un poème s’adressant au drapeau français  :

« Terrible morceau de drap coulé à ta hampe, je te hais férocement,

Oui, je te hais dans l’âme, je te hais pour toutes les misères que tu représentes

Pour le sang frais, le sang humain aux odeurs âpres qui gicle sous tes plis »

Plus tard dans sa vie, Jean Zay refusa de se soumettre aux Allemands et fut emprisonné à Vichy où il mourut.

Autre cas, celui de Gisèle Halimi. Avocate militante pour les droits des femmes, notamment contre le viol et pour l’IVG, Gisèle Halimi était aussi une militante anticolonialiste qui avait pris position contre la Guerre d’Algérie. En plein débat sur ce sujet, Emmanuel Macron réfléchit encore à la « panthéoniser ».

Si Gisèle Halimi entrait au Panthéon, elle viendrait augmenter le nombre de femmes présentes, ce qui serait un aspect positif compte tenu de la disparité qui y règne. Sur 80 personnalités, seulement 5 sont des femmes. Une sixième devrait venir renforcer les effectifs avec l’entrée de Joséphine Baker, militante anti-raciste et résistante, par ailleurs première femme noire à y avoir sa place.

Le choix des personnalités qui entrent au Panthéon est éminemment un choix politique, avec un enjeu symbolique pour la France. Choisir de « panthéoniser » une personne, c’est aussi choisir de mettre en avant ses luttes et la place qu’elles ont occupé dans l’Histoire. Ainsi, cela renvoie un message fort sur les engagements politiques d’aujourd’hui.

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