Sorti en 2007 et inspiré du film d’Andreï Tarkovski de 1979, S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl n’a laissé personne indifférent. Il reste encore un titre culte et inégalé en matière d’ambiance. Pour patienter jusqu’à la sortie de sa suite tant attendue pour 2024, analysons pourquoi le jeu a autant marqué le média vidéoludique.
Le jeu édité par THQ en 2007 se déroule à Tchernobyl. Vingt ans après la catastrophe nucléaire se déroule une nouvelle explosion du réacteur. Depuis, des personnes se sont rendu compte de la présence inquiétante de phénomènes météorologiques et géologiques. Des séismes et des grands orages se déchaînent, faisant de ce qu’on appelle désormais la Zone l’enfer sur Terre. Les années passent et la catastrophe a engendré des mutants. La Zone est désormais interdite.
Quelques personnes tentent de connaître la vérité en se rendant dans le lieu interdit, mais très peu en reviennent. Commencent alors des récits et des paroles de survivants faisant écho aux artefacts. Ces objets mystérieux deviennent alors l’unique raison de se rendre dans la Zone. Tout le monde est prêt à tout pour s’en procurer, même en utilisant des méthodes crapuleuses. C’est alors qu’entrent en scène les « Stalkers ». Ces braconniers particulièrement violents se révèlent brutaux entre eux et sont en concurrence avec d’autres factions. Tout le monde veut affronter la mort, mais personne ne veut mourir. C’est dans ce contexte macabre que « Le Tatoué » amnésique apparaît, avec sur son bras tatouées les lettres « S.T.A.L.K.E.R ». C’est le joueur. Bienvenue dans la Zone… L’objectif est simple : tuer Strelok. Mais qui est-il ?
S.T.A.L.K.E.R., c’est l’acronyme de « Charognards, Intrus, Aventuriers, Solitaires, Tueurs, Explorateurs et Voleurs » (Scavengers, Trespassers, Adventurers, Loners, Killers, Explorers, Robbers), ce qui en dit déjà beaucoup sur ce que le titre va réserver à son public. Un monde d’humanité et de déshumanisation.
Le devoir et la liberté de survivre
S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl est le jeu qui définit par excellence le terme « désolation ». L’environnement du titre est un véritable danger mortel et il convient d’aborder chaque obstacle et chaque situation pour survivre. Car c’est de là que réside encore aujourd’hui la puissance de ce jeu vidéo. S.T.A.L.K.E.R. explique réellement ce qu’est la survie, concept clé du titre. Il n’y a pas que les mutations et les chasseurs qui voudront abattre le joueur. Le décor et la radioactivité voudront aussi s’en charger. C’est simple, la mort est omniprésente dans la Zone. La mort et la désolation se définissent même par l’ambiance mortifère du jeu.
Nous sommes un survivant, seul dans un lieu hostile et la mort est notre objectif. En effet, la Zone comporte des Artefacts convoités par les chasseurs, mais ils ne sont finalement qu’un autre symbole de la mort. Ce matériel si convoité n’est que le résultat de la mort d’un Stalker par une anomalie. Le joueur réalise alors qu’il pourrait devenir un de ces objets dans ce monde déshumanisé, oppressant et désolant. Le jeu interroge alors sur cette notion de survie, mais aussi sur notre propre fragilité. Pourquoi sommes-nous ici ?
Jamais un jeu n’avait autant montré à quel point nous étions si fragiles dans un jeu de survie. Il faut compter chaque ressource, tirer minutieusement sur ses adversaires sous peine de mort imminente, mais il faut aussi s’adapter. Plus on ramasse des objets et moins le personnage parviendra à courir, ce qui peut aussi représenter un danger de mort. Cela crée un énorme dilemme entre les artefacts, les munitions et la survie. Dans S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl, le joueur est contraint de mourir de nombreuses fois. Mais cela fait partie de l’apprentissage de la survie.
L’atmosphère la plus pesante pour un jeu
Le terme désolation n’a pas été choisi anodinement, puisque l’un des signes de distinction de ce S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl réside dans son atmosphère lugubre. Dans nos souvenirs d’enfance, ce fut le premier contact avec une ambiance lourde et tétanisante. La Zone était un danger mortel, mais elle reste précisément le signe d’un désastre historique réel. La Catastrophe nucléaire a vraiment existé. Le jeu s’inspire du réel et s’approprie son ambiance de désespoir. Les développeurs ont puisé dans leurs souvenirs d’enfance, mais aussi dans les repérages de la zone d’exclusion pour créer l’environnement vidéoludique. Réside alors ce sentiment d’étrangeté dans l’angoisse. Ce désastre se définit par le tic-tac incessant du compteur Geiger, la palette de couleurs lugubres et les combinaisons anti-radiations des personnages.
La Zone est devenue presque extra-terrestre, avec les artefacts et les mutants qui s’y propagent. Mais cette horreur surnaturelle n’est que le reflet de véritables événements qui ont bouleversé l’Ukraine. Alors, Stalker n’a pas qu’une atmosphère que l’on perçoit tout au long de ces balades mortelles. Elles sont conçues avec une vraie sensation. On connaît l’horreur historique de l’endroit, faisant du joueur un survivaliste d’un monde fictif ancré dans le réel…
Cette atmosphère se décrit aussi par les longs moments de calme. Stalker ne recherche pas le sensationnalisme comme les gros titres d’action, mais trouve sa voie dans les moments calmes avec une tension qui ne se relâche jamais. On se remémore ses longs moments sans son, avançant prématurément avant d’entendre subitement un bruit qui glace le sang. Cela s’approche de plus en plus. On compte ses ressources et on avance doucement.
Jamais une atmosphère si suffocante n’avait suscité un tel enthousiasme, un tel engouement dans une communauté qui continue d’alimenter le titre grâce à des moddeurs. Car cette atmosphère s’inspire du réel. Dans un mod créé par des fans, il est possible de rencontrer le fantôme d’un nettoyeur de la centrale, mort des radiations pendant sa mission.
Un titre encore populaire, mais plus sinistre
Aujourd’hui, Shadow of Chernobyl est devenu plus viscéral. Ce n’est pas seulement par rapport à son atmosphère toujours si pesante, mais bien pour le contexte actuel. Stalker nous laisse dans une zone où la monstruosité et la désolation fusionnent avec le réel. Depuis le conflit entre l’Ukraine et la Russie débuté le 24 février 2022, le titre paraît très différent, car il prend véritablement la forme d’un environnement frappé par la guerre et la mort. La Zone devient un site authentique de souffrance à travers les âges, un devoir de mémoire passant par le jeu vidéo. Cette intemporalité morbide pourrait largement faire écho au symbole qu’est devenu Stalker en Ukraine.
A la Paris Games Week 2023, Yevhen Bazarov, community manager de S.T.A.L.K.E.R. 2 nous expliquait l’ampleur du jeu :
« C’est un jeu vraiment important pour l’Ukraine et ses pays voisins. Dans mon enfance, tous mes amis jouaient à S.T.A.L.K.E.R. Beaucoup de gens s’ouvrent en parlant du jeu. Cet univers, ces jeux sont tellement aimés… »
Stalker est un symbole ukrainien qui s’est répandu. On peut le retrouver dans les forces armées, dont un régiment se nomme Clear Sky, à l’instar de l’épisode sorti en 2008. Dans leurs tenues de combat, lourdement armés, les combattants ressemblent étrangement aux braconniers. Stalker est presque devenu un style de vie en période de guerre, le jeu vidéo faisant écho au conflit.
Cette réalité glaçante de Shadow of Chernobyl dépasse aussi celle des développeurs, dont certains sont partis sur le champ de bataille, remplaçant les objectifs du jeu par de vrais objectifs de mission. Déplacé à Prague, le studio avance sur le deuxième volet très attendu. Finalement, Stalker : Shadow of Chernobyl a parfaitement retranscrit sa désolation, s’inspirant du réel pour le devenir véritablement…
S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl côtoie une réalité historique qui se perpétue et la fiction, à travers cette légende sinistre que raconte le jeu. Le titre de GSC Games retranscrit une atmosphère si pesante avec un environnement mortel, ancrée finalement dans le devoir de mémoire de tout un pays. En plus d’être un jeu culte, c’est un témoignage de douleur qui se retranscrit. Chaque session de jeu prend alors une ampleur si étrange, si inattendue. Stalker est unique…
One Reply to “Pourquoi « S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl » a-t-il marqué le jeu vidéo ?”