Thomas Pesquet va bientôt prendre ses quartiers dans l’ISS, à seulement 325 km de la surface du sol. Même à ce jour, le simple fait d’envoyer des humains en dehors de la Terre demeure un exploit continuellement renouvelé. Mais la performance est tout de même bien éloignée du fantasme commun de la conquête spatiale. Si nous ne sommes pas en mesure de traverser la galaxie, alors il ne nous reste plus qu’à attendre la visite d’intelligences extraterrestres. Ou tout du moins, un indice de sa présence dans l’immensité galactique. En 1974, la NASA décide d’envoyer un message à ces civilisations inconnues.
Frank Drake est un astronome américain qui, en 1960, prend l’initiative de créer le projet OZMA. Celui-ci a pour objectif d’écouter les possibles signaux venus de l’espace. Pour fêter l’ajout d’une surface de haute précision sur le radiotélescope Arecibo, il va co-écrire un message à l’attention d’intelligences extraterrestres.
Il sera envoyé en direction d’un groupe très dense d’étoiles, nommé l’amas d’Hercule. Celui-ci est choisi notamment pour son nombre important d’objets célestes, mais également pour son âge, puisqu’il aurait une dizaine de milliards d’années.
Le message va mettre 22 000 ans à traverser la distance qui nous sépare de cet amas, situé à 22 000 années lumières de la Terre.
Que va contenir le message ?
Bon, soyons honnête. Il semble très peu probable que le signal émis soit récupéré et compris par une quelconque civilisation. L’objet de cet envoi réside dans le fait que l’on puisse envoyer un tel signal, et dans la réflexion que sa composition induit. Petit décodage.
Le message radio envoyé sera écrit en binaire, c’est à dire une succession de 0 et de 1. C’est une représentation différente de notre système numéraire (nous avons l’habitude d’avoir 10 chiffres). Celle-ci a la particularité d’être très pratique pour la technologie numérique (voir notre article sur le fonctionnement des composants d’ordinateur), et pour la communication. En effet, avec ces 0 et ces 1, Frank Drake décide de proposer un dessin complexe sur la vie sur Terre.
Des couleurs ont été ajoutées pour une meilleure compréhension des informations. Chaque pixel noir correspond à un « 0 », et chaque pixel coloré à un « 1 ». Et dans ces dessins sont contenus notre système de numérotation binaire, une description du télescope, le nombre d’humains présents sur Terre à ce moment-là, et même la composition des molécules de notre ADN.
Un message complexe, surtout pour les extraterrestres
Ce message est composé de 1 679 pixels, envoyés les uns à la suite des autres sous forme de « 0 » et de « 1 ».
Ce chiffre n’est pas choisi au hasard. C’est la multiplication de deux nombres premiers. Et cela a pour but d’aider les hypothétiques receveurs à décrypter le message.
Si vous êtes un extraterrestre, et que vous recevez un message qui contient une multitude de 1 et de 0, que pensez-vous en faire ? Vous ne connaissez ni la langue, ni la logique de votre interlocuteur (pensez au film Premier Contact).
Si la langue ne fonctionne pas, alors il reste la représentation graphique. Si vous posiez tout cela en deux dimensions ?
Pour que ce soit simple, il faudrait qu’il n’y ait qu’une seule manière de les poser. Si vous recevez 24 pixels, vous pourriez tout aussi bien faire un dessin de 12 colonnes et 2 lignes, de 4 colonnes et 6 lignes, de 3 colonnes et huit lignes, etc…
Pour éviter cela, on envoie donc le produit de deux nombres premiers, pour que il ne reste que deux possibilités. Pour décomposer 1679, vous pourriez faire un dessin de 73 lignes et 23 colonnes, ou un de 23 lignes et 73 colonnes.
La première possibilité est la bonne, la seconde donne un graphique inutilisable.
La numérotation binaire en premier
Ci-dessous se trouve la numérotation binaire. Décomposons la.
A l’intérieur de chaque carré ou rectangle rouge se trouve un chiffre. A gauche, il y a le 1, à droite, le 10. Pour réussir à tracer les cadres, il suffit de s’aider de la dernière ligne, où chaque pixel blanc indique le début d’un chiffre. Ainsi, si vous êtes familier avec le binaire, vous pourrez reconnaitre chacun des nombres avec sa logique bien particulière. Cette partie a pour but d’aider à la compréhension de la suite du message.
Si vous ne saisissez pas son fonctionnement, pas de panique ! Nous décrypterons la suite sans avoir besoin des détails.
Voici la structure de l’ADN
Si les nucléides ne vous sautent pas aux yeux, c’est normal. Il faut un petit peu de contexte.
L’ADN se compose de cinq atomes : L’hydrogène, le carbone, l’azote, l’oxygène et le phosphore. Et comme tous les atomes, ceux-ci possèdent un nombre atomique unique, qui correspond au nombre de protons qu’ils contiennent. C’est comme cela que Dmitri Mendeleïev a créé son tableau de classification des éléments, indispensable à toute salle de classe de chimie au collège.
Ainsi, le nombre atomique de l’hydrogène est le 1. Celui du carbone, de l’azote et du phosphore, respectivement le 6, 7, 8 et 15. Pour plus de simplicité, nous allons colorier chaque colonne d’une couleur différente.
Alors, la colonne grise correspond au chiffre 1, donc à l’hydrogène. La blanche au 6 (carbone), la bleue au 7 (azote), la rouge au 8 (oxygène) et la violette au 15 (phosphate). Tout cela sur un cadre de 5×5.
Les extraterrestres n’ont plus qu’à déduire…
Une fois que l’on connaît l’ordre et le nom de chaque atome, il est plus aisé de comprendre les colonnes vertes, représentant les molécules (soit des amas d’atomes) de notre ADN.
Prenons cette image. Si on retire les repères de la ligne du bas, nous observons : 7 sur la première colonne, 5 sur la deuxième, et 1 sur la quatrième. En reprenant l’ordre précédant, nous en déduisons la molécule composée de 7 atomes d’hydrogène, 5 atomes de carbone et un atome d’oxygène. Soit la désoxyribose, notée C5H7O.
Le reste des molécules se déduit par le même principe.
Une suite pas forcément plus intuitive, mais plus imagée
Passons maintenant aux dessins.
La partie bleue représente la forme de l’ADN, en double hélice, tandis que les deux colonnes blanches correspondent en binaire au nombre de pairs de base du génome humain, soit 4 294 441 822. Aujourd’hui, cependant, nous avons découvert que ce nombre était surévalué.
La représentation suivante est la celle, sommaire, d’un humain, accompagné à droite du décompte du nombre d’humain de l’époque (environ 4,3 milliards), ainsi qu’à gauche sa taille moyenne (1.74m).
En jaune se trouve notre système solaire de l’époque. En effet, nous distinguons la Terre, qui sort de l’alignement des planètes, et le Soleil, plus massif.
Nous voyons également Pluton en bout de ligne. Cependant, elle n’est plus considérée comme une planète, et ce depuis 2004. Retrouvez l’article qui parle de l’origine de son nom ici.
Enfin, Arecibo, le radiotélescope émetteur, est mis à l’honneur. C’est sa forme qui termine le message, en violet, avec une estimation de sa taille (en blanc).
Un envoi symbolique
En toute honnêteté, même si des extraterrestres reçoivent ce signal, il est fort peu probable qu’ils arrivent à interpréter correctement chacun des paramètres qui ont été représenté sur ce graphique.
Le message de Drake est surtout un symbole, une preuve de notre vie à la galaxie, et une affirmation de notre envie de découvrir ce qui se passe en dehors de notre système solaire. Quant au signal, il faudra attendre 44 siècles pour recevoir une possible réponse à notre « bouteille à la mer »… Ou plutôt, dans l’espace.
Sources :
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