Le canal de Suez, un ouvrage de controverses

Eliott Lerat
Eliott Lerat
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Le canal de Suez contemporain n’est pas le premier à avoir existé. Autrefois appelé « canal des Pharaons », il permettait déjà de relier la mer Rouge à la Méditerranée en passant par le Nil. L’ouvrage contemporain, quant à lui, a été le théâtre de multiples controverses.

C’est sous Napoléon Ier, lors de sa campagne en Égypte (1798-1801), que l’idée de construire un canal refait surface. Dans les années qui suivent, des ingénieurs et explorateurs français se penchent sur le sujet, mais le vice-roi Méhémet Ali ne manifeste aucun intérêt pour le projet. Les différentes esquisses tombent à l’eau.

Premières controverses

Ferdinand de Lesseps, ancien précepteur du nouveau roi d’Égypte Saïd Pacha, obtient l’autorisation en 1958 de construire le canal. Il a 99 ans pour réaliser l’ouvrage, et dispose de main-d’œuvre égyptienne en plus du terrain. De Lesseps expose son projet à plusieurs pays, mais seuls les Français sont prêts à financer la construction. Saïd paye pour le reste des actions n’ayant pas été achetées : il souhaite que son pays rayonne et veut prendre son indépendance totale sur l’Empire ottoman.

Les Britanniques sont fortement opposés à la création du canal. Ils ont, au XIXe siècle, le monopole de la route vers les Indes, ce qui représente un fort avantage commercial. En 1859, lors de la première année de travaux, ils entreprennent d’en interrompre la construction avec l’aide de l’Empire ottoman. Rebelote en 1863 à la mort de Saïd, mais cette tentative n’aboutira pas, la construction étant assurée par le soutien de Napoléon III. La construction prend fin en 1869, et le canal est alors franco-égyptien.

Occupation des Britanniques

L’Égypte, endettée, se voit contrainte de vendre ses parts du canal aux Britanniques. Ceux-ci retrouvent la mainmise sur une partie du commerce euro-asiatique. En 1882, la Grande-Bretagne prend le statut de tuteur de l’Égypte, remplaçant l’Empire ottoman. Le canal devient en 1888 « libre et ouvert à tous », mais les Britanniques laissent leurs troupes sur ses rives. Bien plus tard, en 1936, l’Égypte accède à une indépendance limitée, mais reste toujours occupée par des dizaines de milliers de soldats garantissant la sûreté de la route commerciale.

Dans les années 50, la situation se tend : le gouvernement égyptien exige un départ des troupes britanniques en 1951, qui ne sera réalisé qu’à partir de 1954 et achevé en 1956. Pendant ce temps, les troupes seront la cible de sabotages et visées par des attaques terroristes. Les rives du canal vivent 3 ans de guérilla égyptienne et de répression britannique, faisant des centaines de morts dans les deux camps.

La crise du canal de Suez

En 1956 a lieu la crise du canal de Suez. Nasser, président de la République d’Égypte, décide de nationaliser le canal et confisque ainsi les parts des actionnaires britanniques et français. La France, le Royaume-Uni et Israël engagent alors des discussions secrètes afin de récupérer leur « dû ». Ils considèrent avoir des intérêts politiques et économiques à défendre, mais ont surtout besoin de pouvoir naviguer sur le canal pour s’approvisionner en pétrole.

Le 26 octobre de la même année, Israël envahit le canal. Deux jours plus tard, les Français et Britanniques les suivent, déployant leurs troupes et bombardant une partie de l’ouvrage. Les 3 nations se pensent cependant plus grandes qu’elles ne le sont. En pleine guerre froide, elles ne font pas le poids face aux États-Unis et à l’URSS. Sous pression des Nations Unies et des 2 superpuissances, les 3 alliés de circonstance battent en retraite. Deux mois après l’assaut, les troupes de ces pays ont disparu du canal.

Le canal fermera à nouveau partiellement pendant 8 ans à l’occasion d’un conflit opposant l’Égypte, la Syrie et Israël (1967-1975). Après son élargissement de 2015, le canal connaîtra une phase d’instabilité en 2021 avec le blocage total causé par le bateau Ever Given, faisant chuter de 10% le commerce mondial. 

 

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