Vous avez peut-être vu tourner sur Internet la photo de la princesse Kadjar (ou Qajar), la fameuse princesse à moustache perse. Cependant, ce que vous avez dû lire sur elle est possiblement faux… Chez Cultea, on vous propose aujourd’hui de rétablir la vérité !
La fausse histoire qui circule sur Internet
On raconte que la princesse Kadjar était une icône de beauté en Perse à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Sa beauté était telle que 13 de ses prétendants se seraient suicidés, la princesse refusant de les épouser.
Comme ça, ça sonne bien. Mais c’est en fait complètement faux.
Dans un premier temps, il n’existe aucune princesse Kadjar. Et le titre n’existe même pas non plus. En réalité, les photos qui circulent sur Internet ne représentent pas qu’une seule personne, mais deux. On peut donc tantôt observer la princesse Fatemeh Khanom, surnommée princesse Esmat al-Dowleh, tantôt la princesse Zahra Khanom, surnommée elle Taj al-Saltaneh. Esmat naît en 1855 ou 1856, tandis que Taj naît en 1884. Néanmoins, quelque chose lie les princesses : elles sont demi-sœurs et les filles du roi de Perse, Nasir al-Din Shah, de la dynastie Qadjar.
Ensuite, l’histoire des 13 prétendants qui se suicident est très peu vraisemblable. En outre, l’historienne Victoria Martinez raconte qu’Esmat s’est mariée à 10 ans, entre 1866 et 1867. Compliqué pour elle d’avoir des prétendants par la suite, donc.
Étaient-elles vraiment des icônes de beauté ?
Esmat meurt en 1905. De fait, elle ne peut pas être un symbole de beauté du XXe siècle, n’y ayant vécu que très peu de temps.
Par la suite, il est vrai que les princesses correspondaient aux critères de beauté du XIXe siècle. Grâce à des photographies de l’époque, on sait en effet qu’être bien en chair était un symbole de beauté. Afsaneh Najmabadi, professeure à l’université de Harvard, explique qu’il en était de même avec la pilosité sur le visage, comme les sourcils ou la moustache. Malgré tout, les princesses, mariées, ne sortaient pas beaucoup, et la population ne savait pas forcément à quoi elles ressemblaient. On ne les adulait alors probablement pas pour leur physique.
En fait, c’est surtout leur place dans la société qui a pu leur donner un certain prestige au XIXe siècle. Elles étaient en effet des membres de la famille royale et possédaient alors du pouvoir, ce qui n’était pas le cas de la plupart des femmes à ce moment-là.
Des princesses féministes et progressistes
D’un autre côté, présenter Esmat et Taj comme des princesses féministes et progressistes est assez réaliste. On a en outre retrouvé le journal intime de la seconde en 1936, dans lequel elle raconte certains aspects de sa vie. Plus précisément, elle se plaint du sort des femmes et de leur condition de vie et critique le despotisme. Elle va même jusqu’à critiquer le règne de son frère Mozzaffaredine et de son père. Elle semblait bien connaître les Lumières et la Révolution française, et était en faveur de la monarchie constitutionnelle. Dans cette autobiographie, elle écrit :
« Quand le jour viendra où je verrai mon sexe émancipé et mon pays sur la voie du progrès, je me sacrifierai sur le champ de bataille de la liberté, et je verserai librement mon sang sous les pieds de mes cohortes d’amoureux de la liberté qui cherchent leurs droits. »
Enfin, c’était une activiste. Elle était en outre l’un des membres fondateurs du groupe clandestin Anjoman Horriyyat Nsevan (Association pour la liberté des femmes).
Sa demi-sœur Esmat avait quant à elle de grandes responsabilités, confiées par son père. Elle devait en effet jouer le rôle d’hôtesse et de représentante de la famille royale lorsque des femmes étrangères séjournaient à la Cour. Ensuite, Esmat avait l’autorisation de prendre des photos, ce qui était interdit à l’époque. Enfin, elle avait également appris la broderie et le piano, chose que peu de femmes pouvaient faire.
Les princesses Esmat al-Dowleh et Taj al-Saltaneh n’étaient peut-être pas des icônes de beauté, mais elles répondaient totalement aux critères de beauté de la Perse du XIXe siècle. C’est toutefois assez dommage que certains veuillent se souvenir d’elles pour ces raisons-là. En effet, elles étaient surtout des princesses progressistes, précurseurs de la révolution féministe de Perse.
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