Après un nombre impressionnant de suites, la saga La Malédiction est de retour à travers un nouvel opus, qui s’inscrit comme un prequel de la licence. Réalisé par Arkasha Stevenson, une jeune cinéaste américaine qui signe ici son premier long-métrage (après avoir travaillé sur des séries comme Legion, Briarpatch ou encore Brand New Cherry Flavor), La Malédiction : L’origine est une excellente surprise.
C’est quoi la saga La Malédiction ?
Outre Superman (1979), la saga L’Arme Fatale ou encore Les Goonies (1985), Richard Donner est également connu pour un film d’horreur un peu oublié du grand public : La Malédiction (1976). Un thriller horrifique efficace qui a donné naissance à quatre suites dont la dernière est sortie en 2006. Puisque Hollywood prend actuellement un malin plaisir à remaker, rebooter ou offrir des suites tardives à ses grands classiques de l’horreur, la preuve avec Halloween, L’Exorciste ou encore Scream, c’est au tour de La Malédiction de passer à la casserole.
Mais contre toute attente, La Malédiction : L’Origine est une excellente surprise. Un film d’horreur moderne, maîtrisé, gore et surprenant, qui nous rappelle que le cinéma industriel (c’est produit par feu 20th Century Fox) peut nous offrir quelques superbes programmes.
Des ressorts horrifiques tendus
Déjà, La Malédiction surprend par son approche esthétique léchée. Bien loin des productions Blumhouse souvent produites à la va-vite, La Malédiction : L’Origine propose une photographie souvent très belle, des décors solidement travaillés, et des costumes largement convaincants. Déjà, ce souci d’une belle reconstruction de l’Italie des années 1970 est plaisante pour nos yeux de cinéphiles avertis.
De plus, les ressorts horrifiques proposés par Arkasha Stevenson fonctionnent souvent à la perfection. La jeune cinéaste nous propose quelques visions horrifiques violentes et gores, qui nous secouent sur notre siège. Que ce soit une séquence d’accouchement particulièrement difficile ou une scène d’isolement qui fait froid dans le dos, les amateurs de frissons ne seront clairement pas déçus.
Même ses jump-scares sont intelligents. Nombreux, ils sont utilisés d’une manière particulièrement intéressante. En fait, ils sont construits à l’envers. Souvent, un jump-scare dans un film d’épouvante est annonciateur d’une séquence d’horreur. C’est le premier pas qui prévient le spectateur qu’il ne va pas passer un bon moment. Au contraire, ici, les jump-scares sont une forme de libération.
Arkasha Stevenson fait monter la pression et libère son spectateur via un jump scare. L’horreur se déroule en réalité avant le jump-scare, qui vient clore la séquence en question. Une inversion intelligente, et particulièrement déroutante. Et paradoxalement, ils ne servent pas à faire monter la tension, mais à la faire redescendre. Un élément de mise en scène qui prouve que La Malédiction : L’Origine est plus malin que beaucoup de ses compères.
Des thématiques politiques et sociales
On le répète souvent, mais puisqu’on défend les films d’horreur, on va radoter. Un bon film d’horreur doit raconter quelque chose. Et contre toute attente, c’est bien le cas dans La Malédiction : L’Origine. Arkasha Stevenson a un profond désir de défendre la cause de la femme dans la société religieuse et bien évidemment plus largement dans notre société moderne. La Malédiction : L’origine est une histoire de femme par une femme, et ça se ressent constamment.
Nell Tiger Free est absolument parfaite dans le rôle de Margaret, notre héroïne. D’abord crédule, naïve et vulnérable, elle évolue constamment dans le récit. Elle prend son destin en mains, remet en cause les préceptes d’une Église qui s’avérera finalement démoniaque, et remet en question toute son éducation et son passé. Au centre d’un énorme complot qu’on ne spoilera pas ici (de toute façon son dénouement est clairement trop prévisible), la protagoniste est une allégorie de la place de la femme dans notre société moderne : une victime. Victime de sa société (ici en l’occurrence des nonnes), victime sexuelle, victime sociale, Arkasha Stevenson n’y va pas avec le dos de la cuillère.
Alors que La Malédiction : L’Origine lorgne parfois vers le body-horror, le long-métrage parle également de viol, d’avortement, de disposition de son propre corps. Notre pauvre Margaret subit tout au long du film, ne peut pas disposer de son corps librement, est victime de viol, est interdite d’avortement, etc… Difficile de ne pas évidemment voir l’analogie avec l’avortement, qui est encore interdit dans certains pays, et mal vus par les puritains américains et religieux. Ce n’est pas pour rien que le « père » est représenté par une bête horrible et qu’un avortement est filmé frontalement jusqu’à l’évanouissement de notre héroïne.
La Malédiction : L’Origine est également une critique directe à l’encontre de l’Église, ici représentée non pas comme La Maison de Dieu, mais bien La Maison du Diable. Difficile, là encore, de faire plus direct, dans ce jugement d’une Église qui empêche la femme de disposer de son corps comme elle l’entend et d’avorter en toute liberté. Enfin, on est étonné aussi de certains choix d’écriture qui prennent les spectateurs par surprise, et détournent les clichés habituels du film d’horreur conventionnel. Comme exemple, cette bête qui n’est finalement jamais montrée à l’écran. Source d’une légère frustration, mais un choix scénaristique osé et qui prend à contre-courant le tout-venant de l’industrie.
Enfin, il faut souligner la prestation impressionnante de Nell Tiger Free, impériale, toujours juste, malgré quelques passages difficiles à jouer, qui auraient rapidement pu tomber dans la caricature, comme cette longue scène de possession devant une Église. Elle s’en sort à merveille malgré la difficulté de transmettre la crédibilité de la situation.
Une chose est sûre, La Malédiction : L’Origine surnage par rapport à ses pairs de l’époque comme L’Exorciste – Dévotion, La Nonne 2, L’Exorciste du Vatican ou même le récent Immaculée, qui partage quelques traits scénaristiques évidents.