Gregor MacGregor : l’escroc qui a créé un faux pays

Gregor MacGregor : l'escroc qui a créé un faux pays - Cultea

Connaissez-vous l’État de Poyais ? Non ? C’est normal. Il n’existe pas ! Gregor MacGregor l’a inventé de toutes pièces et a réussi à en duper plus d’un. Pendant plusieurs années, il a prétexté que Poyais était un endroit où il faisait bon vivre. Le but de la manœuvre ? Pousser les investisseurs à aider financièrement « l’État », tandis que MacGregor s’enfuyait avec la caisse. On vous raconte l’histoire de celui qui a réussi l’une des plus grandes duperies immobilières de l’histoire.

Une carrière militaire au sein de l’armée britannique prometteuse, mais vite gâchée

Né le 24 décembre 1786, Gregor MacGregor est issu du clan MacGregor, un clan écossais connu dans le monde militaire. En effet, son père était Daniel MacGregor, un capitaine de la Compagnie des Indes. Il y avait aussi son grand-père, que l’on surnommait « le beau ». Il avait notamment servi dans le Black Watch, le 3e bataillon du Royal Regiment of Scotland. La famille de Gregor est également connue pour être la famille d’un certain Rob Roy. Il fait partie de ceux qui ont participé au soulèvement jacobite, entre 1715 et 1745. On dit de ce dernier qu’il est le « Robin des Bois écossais ».

À l’âge de 16 ans, Gregor s’engage dans l’armée britannique. On l’affecte au 57ème régiment d’infanterie. Gregor prend son rôle de soldat très au sérieux. Au bout d’un an de service, il est promu lieutenant. Une grande carrière lui est promise.

Portrait de Gregor MacGregor lorsqu'il était dans l'armée britannique - Cultea
Portrait de Gregor MacGregor lorsqu’il était dans l’armée britannique, peinture de George Watson, 1804 (source : Historic UK)

En 1805, il épouse Maria Bowater, la fille d’un amiral de la Royal Navy. Cette dernière est issue d’une famille très riche et influente. Comme il bénéficie de fonds importants, Gregor décide d’en profiter. Au lieu de travailler dur au sein de l’armée pour monter en grade par l’expérience, il décide de s’acheter directement le grade de capitaine, au prix de 900 livres sterling.

Mais des différends commencent à apparaître. Établi à Lisbonne, MacGregor ne supporte pas d’avoir un officier supérieur qui le commande. Il demande alors sa démobilisation, un acte très mal vu au sein d’une armée. L’Écossais quitte définitivement l’armée britannique et ses troupes en 1810.

Gregor MacGregor : un homme qui cherche le succès à tout prix

Revenu à Édimbourg avec sa femme, Gregor souhaite se relancer. Il aspire à bien plus grand qu’une carrière dans l’armée.

Il essaye, au début, de se faire passer pour un membre important auprès des autres membres de sa famille, ainsi que des Anglais. Une tactique qui ne porte guère ses fruits. Il décide donc de repartir à Londres en 1811. Mais, à peine arrivé sur le sol londonien, il perd sa femme. Son décès plonge alors l’Écossais dans une situation financière précaire, voire très critique. Il sait qu’il ne peut épouser dans l’immédiat une autre femme riche, cela attirerait les soupçons sur sa personne et ses intentions. Il comprend également qu’il ne peut retourner dans l’armée britannique.

La seule option qui lui vint à l’esprit fut celle de partir en Amérique latine. Cette idée lui est venue en se souvenant du parcours du général Francisco Miranda, l’un des grands révolutionnaires du Venezuela. De plus, le fait de voyager dans les contrées lointaines rend populaire dans la société londonienne. Gregor MacGregor fit ses bagages, vendit son domaine en Écosse et embarqua pour le Venezuela en 1812.

L’idée de fonder un État fictif

Lorsque Gregor arrive au Venezuela, il parvient à retrouver Francisco Miranda. Ce dernier l’engage dans son armée. Au fil des années, MacGregor retrouve tout ce qu’il avait perdu : le commandement au sein d’une armée, la gloire, ainsi qu’une femme riche. En effet, il épouse Doña Josefa Antonia Andrea Aristeguieta y Lovera, la cousine du célèbre révolutionnaire Simón Bolívar. Cette dernière est également l’héritière d’une importante famille de Caracas.

Pendant son service en Amérique latine, Gregor MacGregor rencontre la côte marécageuse et inhospitalière du Nicaragua. Cette dernière était connue sous le nom de Côte des Mosquitos. La côte était uniquement peuplée d’indigènes. MacGregor s’est rendu sur cette île pour parlementer avec le chef des indigènes. Il lui demande de lui céder une partie des terres de la côte, afin d’y établir une colonie.

MacGregor retourne à Londres en 1821 avec sa femme. Il se présente alors comme le prince de Poyais, un État indépendant qui se situe dans la baie du Honduras. Il présente le lieu comme prometteur à quiconque souhaite s’engager dans une nouvelle aventure. Avec ses terres fertiles et ses rivières qui débordent de poissons, Poyais a tout pour plaire. En tenant ces propos, Gregor joue sur la volonté des Londoniens à voyager, eux qui étaient passionnés par l’aventure.

Un rêve qui se transforme en cauchemar

Pour promouvoir son État, MacGregor n’a pas hésité à mettre le paquet.

Il décide de créer un drapeau, un blason constitué de deux licornes. Il écrit des textes à la gloire de Poyais, qu’il diffuse dans certains journaux anglais. MacGregor ne s’arrête pas là : il va même jusqu’à créer un gouvernement illusoire et écrire des chants qui font les louanges de l’État imaginaire. Et ça marche.

Document financier qui fait mention de l’État de Poyais et de son gouvernement - Cultea
Document financier qui fait mention de l’État de Poyais et de son gouvernement, 1823 (source : The British Museum)

Petit à petit, de plus en plus de gens commencent à croire en l’existence de Poyais. Gregor commence alors à vendre des actions et promet un retour rapide sur investissement. Il parvient à rassembler la coquette somme de 200 000 £ en un an.

Certains s’engagent à signer un contrat de travail pour partir sur la terre promise de Poyais. D’autres vendent leurs biens pour pouvoir s’offrir un morceau de terre du pays afin de l’exploiter. Le plan de MacGregor allait si loin que ce dernier avait créé un dollar Poyais, imprimé par ses soins.

Un dollar de Poyais - Cultea
Un dollar de Poyais (source : Historic UK)

Finalement, plusieurs navires partent pour Poyais. Mais quand les voyageurs arrivent à destination, ils déchantent rapidement. Ils découvrent une nature sauvage, hostile. Cette dernière est meublée des quelques huttes en bambou qu’habitent les indigènes que Gregor MacGregor avait rencontrés quelques années auparavant. Ils essaieront tant bien que mal d’établir une colonie, mais manqueront cruellement de ressources. Beaucoup mourront à cause de la chaleur, de la faim, ou bien de la malaria.

Qui est le coupable ? Pas Gregor, selon les victimes

Une cinquantaine de voyageurs ont réussi à revenir à Londres. Ils décident alors de dire la vérité aux médias sur le soi-disant état féerique. On peut penser que, naturellement, beaucoup étaient remontés contre Gregor et sa combine qui a coûté la vie a beaucoup d’hommes et de femmes. Et pourtant, ce n’est pas ce qui s’est passé.

En effet, les survivants n’accusent pas MacGregor. Au contraire, ils disent même de lui qu’il n’est qu’une victime, une victime parmi tant d’autres. On ne lui rejette alors pas la pierre. Néanmoins, l’affaire Poyais a fait le tour des médias. L’information s’est même répandue au-delà des frontières britanniques.

Le plus drôle, c’est que MacGregor se cachait en France au moment des révélations. Il a bien essayé de réitérer son arnaque, mais les autorités françaises, qui avaient eu vent de l’affaire, y ont mis un terme. On arrête alors l’Écossais en 1826, avant de le juger dans un tribunal français. L’escroc sort néanmoins libre.

Gregor MacGregor est retourné à Londres et a continué ses petites combines. En 1838, il revient au Venezuela, endroit où il est accueilli en héros pour ses services rendus à la nation deux décennies auparavant. Il s’éteint paisiblement à Caracas en 1845, à l’âge de 58 ans. MacGregor restera dans l’histoire pour avoir été un homme apprécié par certains, détesté par beaucoup d’autres.

 

Sources :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *