France – « Allemagne » 1982 : retour sur un traumatisme national !

Jules Chancel
Jules Chancel
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Y a-t-il, mesdames et messieurs, un sport plus impliquant émotionnellement que le football ? Véritable religion, cette discipline traverse toutes les frontières géographiques et sociales. Le football réunit, divise parfois mais surtout, il fait vibrer. Notre beau pays, la France, peut se targuer d’avoir l’une des meilleures équipes du monde. En témoigne notamment la belle victoire des bleus au mondial 2018. Ce jour-là, c’était pas moins de 26 millions de Français qui observaient la prestation des petits de Didier Deschamps. Si cette occasion fut largement célébrée, c’est aussi parce que la France a connu des déconvenues dans le passé. L’un des pires exemples eu lieu en 1982 à Séville… Laissez-nous vous la raconter ! 

Cela fait maintenant plus d’un siècle que le football tel qu’on le connait est pratiqué. Sport numéro un dans quasiment tous les pays du monde, il compte plus de 260 millions de pratiquants officiels. Sa pratique est divisée en deux : les tournois entre nations et les tournois entre clubs. Ces derniers peuvent être de tailles et de budgets différents, variant généralement selon la taille de la ville représentée. En revanche, pour les pays, c’est très différent. Chaque équipe essaie de mettre en avant les meilleurs éléments de sa patrie. En effet, il faut posséder la nationalité du pays pour jouer en sélection nationale.

Pour ceux ne suivant généralement pas les compétitions du circuit des clubs, la portée symbolique des tournois inter-nations fait souvent office d’argument pour se laisser tenter. C’est comme cela que l’on passe de 1 à 2 millions de téléspectateurs français pour un match intérieur à 8 à 25 millions pour un match de coupe du monde. Ce n’est plus du sport, c’est un événement culturel voir civilisationnel majeur.

La Coupe du Monde 1982

Le mondial 1982 a eu lieu en Espagne. Il s’est déroulé sur la traditionnelle période estivale de mi-juin à mi-juillet. Température moyenne : entre 30 et 38° C ! L’année 1982 est même symbolique puisqu’on y a atteint 43° C en juillet ! L’Espagne est aussi un pays encore instable politiquement. Le dictateur Franco n’est mort qu’en 1975 et le pays démarre à peine son processus démocratique. De plus, l’année 1981 fut marquée par un putsch raté de la part d’un général militaire.

Quoiqu’il en soit, notre coupe du monde s’ouvre par un match assez moyen voyant la défaite de l’Argentine de Maradona devant l’équipe belge. En revanche, cette ouverture est historique puisqu’il s’agit du premier grand événement médiatique diffusé sur cinq continents.

Naranjito mascotte de la coupe du monde de foot 1982 en Espagne - Cultea

La France

Côté français, les débuts sont raides. Le premier match est une déroute monumentale face aux anglais à Bilbao (3-1). S’en suit une victoire dont on ne peut pas vraiment se réjouir face au Koweït puis un match nul contre la Tchécoslovaquie. Puis, les bleus, dirigés par Michel Platini, décident de passer la seconde. Ils parviennent de justesse à entrer au second tour où ils vont faire un carnage. Première victime ? L’Autriche, vaincue 1-0 par un but à la 39ème minute, du milieu offensif Bernard Genghini. Puis vient le tour de l’Irlande du Nord, défaite 4-1 le dimanche 4 juillet. La France s’offre donc sa première demi-finale depuis 1958.

La RFA

L’Allemagne n’étant encore réunifiée, c’est l’équipe de la République fédérale Allemande qui vient défendre le drapeau germanique. Son parcours est assez similaire à celui de la France. Elle se prend sa déroute face à l’Algérie (2-1), dès le départ, avant de triompher du Chili (4-1). Puis, comme la France, parvient à se qualifier de justesse devant l’Autriche (1-0). Ce dernier match provoque un tollé monumental. Surnommé « match de la honte », il est à raison considéré comme une honte nationale par les Allemands, les Autrichiens mais aussi tous les autres pays européens. Ce qu’il s’est passé, c’est que se sachant qualifié avec un but inscrit, l’Allemagne n’a pas jugé bon de continuer à jouer. De plus, les Autrichiens savaient qu’avec leur score actuel au classement, il suffisait de laisser les choses dans cet état pour accéder à la phase suivante du tournoi. Résultat ? Vingt-deux débiles en train de se faire des passes gentillettes pendant 90 minutes de honte. On parle d’une parodie, d’un sketch… Dans les gradins, on commence par rigoler, puis on s’énerve. On a pas payé un match de « coupe du monde » pour voir ce triste spectacle après tout…

L’Allemagne redressera la barre en tenant tête à la prestigieuse équipe britannique d’abord (0-0) puis en éliminant l’Espagne à domicile (2-1).

La demi-finale : RDA – France

Les Allemands de la Mannschaft sont annoncés favoris. Il faut dire que la machine est bien huilée. Ils sont rigoureux, intransigeants, de bonne force physique et mentalement incassables. L’équipe allemande est un véritable moteur BMW : fiable, endurant et indestructible. En face, l’équipe française est quasiment à l’opposé. Elle est créative et propose régulièrement un jeu spontané, moins froid et plus « latin » peut-être.

Le match s’ouvre à Séville et les Allemands rentrent dans le jeu comme un bulldozer. Dans la première vingtaine de minutes, le but allemand vient couronner un jeu de pression constante exercé sur les bleus. L’égalisation se fait peu après sur un penalty signé Platini. La fin de la première mi-temps est caractérisé par l’agressivité du gardien allemand Schumacher qui réalise de nombreuses fautes et provocations, tant sur les joueurs que le public français.

La seconde mi-temps commence par la sortie sur blessure de Bernard Genghini, remplacé pour l’occasion par Patrick Battiston. C’est à la 56ème minute que survient le drame, que disons-nous, le crime !

Schumacher - Cultea
Harald Schumacher, gardien de l’équipe de la RFA.

Une honte d’arbitrage

Lancé à pleine vitesse sur une passe décisive de Platini, Patrick Battiston se présente devant le but allemand et tire légèrement en dehors du cadre. Mais le bourreau Schumacher est de sortie et ce n’est pas le ballon qu’il vise… Schumacher, à pleine vitesse, vient percuter Battiston avec son bassin en pleine tête. A plus de 1,50m du sol, Battiston s’écroule sur le sol, trois dents en moins et inconscient. L’arbitre, M. Corver ne siffle rien. Rien du tout. Pas de faute. Rien. Il ordonne la remise en jeu au profit de l’Allemagne… Le gardien de cette dernière se fera huer jusqu’à la fin de la rencontre. A la suite de l’incident, les bleus passent la sixième et déploient un jeu ultra-agressif. La domination française est totale mais manque de précision sur la finition. Le temps réglementaire se termine sur un score nul (1-1). On part donc en prolongations.

Les prolongations

La France démarre sur les chapeaux de roues avec un but de Marius Trésor à la 93ème minute. L’offensive continue avec un magnifique but d’Alain Giresse à la 99ème ! La lancée est fulgurante et l’on conçoit alors raisonnablement la victoire française. C’était sans compter sur l’arbitre… Dans le quart d’heure qui suit, ce dernier ne siffle pas deux fautes allemandes… Cela leur permet de marquer à la 103e. La Mannschaft finit par égaliser à la 108e mais le score ne bouge plus jusqu’à la fin du temps. Ainsi, pour la première fois de l’histoire, un match va se jouer aux tirs au but. Ceux-ci verront l’Allemagne emporter la victoire, dans la honte.

Postérité

Devant le flot de haine et les menaces de morts reçus par Schumacher, Patrick Battiston fit une déclaration publique afin de calmer les choses. Il est à noter que Schumacher n’a à aucun moment eu de regrets pour son geste. En témoigne notamment son manque d’empathie et son indifférence totale sur le terrain juste après l’impact. Battiston confiera plus tard avoir encore des troubles aux cervicales résultants de cet incident. De plus, il fut révélé à posteriori que les sportifs allemands se dopaient couramment à cette époque. Schumacher lui-même révéla dans son autobiographie avoir été sous amphétamines et éphédrine tout au long de sa « carrière »…

Vous l’aurez compris, ce match est une plaie à jamais ouverte dans le cœur de tout français. Non seulement l’injustice est grande de par son arbitrage chaotique, mais en plus Schumacher ne fût jamais inquiété de rien. 

Sources :

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