Avatar 2 est enfin sorti en salles, après 13 ans d’une longue attente. À cette occasion, le premier opus est ressorti au cinéma pour le plus grand plaisir des fans. Mais avec cette ressortie, nous avons assisté à la résurgence d’une critique très récurrente…
En effet, selon beaucoup de spectateurs, Avatar serait un film « vide », ou encore « sans scénario ». Un argument qui, en plus d’être faux, confine à la plus pure mauvaise foi. Aujourd’hui, revenons en détail sur cette critique (trop) courante concernant le N°1 actuel du box-office mondial.
Il est vrai que, si on regarde Avatar avec un œil distrait, l’œuvre peut paraître simple, voire simpliste. Il faut dire que le film reprend parfaitement le monomythe, conceptualisé par Joseph Campbell. Pour faire simple, ce « monomythe » théorise le fait que toutes les histoires du monde se basent sur le même schéma narratif. Et chaque histoire ne serait qu’une variation de ce schéma. Les exemples les plus connus sont :
- Star Wars
- Le Seigneur des Anneaux
- Harry Potter
- Matrix
- Excalibur
- Dune
Et bien d’autres encore ! En cela, Avatar ne se démarque en rien par son originalité. Il faut dire que plus aucun code narratif n’a été inventé depuis l’Antiquité. Dans l’introduction de son œuvre Le Héros aux mille et un visages, Campbell résumait le schéma de son mythe de la façon suivante :
« Un héros s’aventure à quitter le monde du quotidien pour un territoire aux prodiges surnaturels : il y rencontre des forces fabuleuses et y remporte une victoire décisive. Le héros revient de cette mystérieuse aventure avec la faculté de conférer des pouvoirs à ses proches. »
Ceci étant rappelé, il est temps de nous pencher sur le scénario d’Avatar. Après quoi, nous pourrons évoquer sa soi-disant « simplicité ».
Synopsis : Jake Sully, un ancien marine paralysé, est recruté pour se rendre sur la planète Pandora. Il intègre le « programme Avatar », qui permet à des humains de transférer leur esprit dans un corps semblable à celui des Na’vi, les autochtones de Pandora. La mission de Jake est simple : infiltrer les Na’vi, qui sont un obstacle trop à l’exploitation des ressources naturelles par les industriels sur place. Mais tout change très vite, quand Jake tombe à la fois amoureux de la culture Na’vi et d’une des autochtones : Neytiri.
Un scénario « simple » ? Vraiment ?
Il est vrai qu’à première vue, le scénario parait simple. Mais si l’on décortique, ça donne quoi ? Résumons un peu, si l’on ne prend pas en compte l’arc narratif principal suivant Jake Sully, Avatar parle de :
- L’hyper-industrialisation : à l’heure où notre planète se meurt, ce n’est pas du luxe de marteler un message écologiste, ni de rappeler l’importance cruciale de l’équilibre de l’écosystème. Bien sûr, l’exploitation des ressources et la destruction de la nature sont des critiques qui sautent aux yeux. Mais on retrouve des détails plus subtils, comme la façon de chasser. En effet, même la chasse alimentaire est un acte sacré. On ne prend pas plus que ce dont on a besoin, et cela s’accompagne d’un véritable rituel, en hommage à la nature. Ici, la communion avec les autres espèces n’est pas une option, mais le seul mode de vie acceptable.
- Déperdition spirituelle et de quête d’identité : ce film accorde une place particulière à l’identité. Qu’est-ce qui nous définit ? Notre corps ? Notre culture ? Ou est-ce autre chose ? Avatar donne une place prépondérante à la spiritualité, par le biais de la crise identitaire de Jake Sully, qui se laisse dépérir lorsqu’il est dans son corps d’humain, là où son corps de Na’vi lui permet d’être la meilleure version de lui-même. Un aspect que l’on peut également remarquer chez d’autres personnages, comme Grace, qui ne prend aucun soin de sa santé en tant qu’humaine, mais qui est au top de sa forme en Avatar. Une façon de rappeler l’importance de l’évolution spirituelle et de l’apprentissage constant.
- Diverses mythologies : il serait trop long d’expliquer tous les parallèles mythologiques trouvables dans Avatar, tant ceux-ci sont nombreux. Mais le fait est que de nombreuses références sont glissées çà et là dans l’œuvre de Cameron. Ce dernier a d’ailleurs confirmé la parallèle avec l’hindouisme. Sans être un traité théologique ou philosophique, le film est une remarquable porte d’entrée vers de nouvelles connaissances mythologiques. De quoi continuer à apprendre après la séance.
- La colonisation et l’impérialisme : la métaphore n’est pas subtile, mais elle est rudement efficace. Après avoir colonisé de nombreuses parties du globe et pillé ses richesses, l’humain s’attaque ici à une autre planète. Les Na’vis sont évidemment une métaphore des peuples asservis ou exterminés au fil des siècles de colonisation, plus particulièrement les peuples amérindiens. Et quand bien même la subtilité ne serait pas au rendez-vous, l’écriture est suffisamment efficace pour rendre cela pertinent.
- D’échange entre les cultures : on parle bien ici d’échange et non pas d’imposer sa culture. En effet, dans la lignée de la thématique sur la colonisation, on constate que les humains ont tenté d’imposer une partie de leur culture aux Na’vis (la langue, l’école…). Pourtant, c’est bien la communion qui est mise en avant par le film.
- La communication (entre les gens et entre les peuples) : C’est assez cocasse qu’un film qui aborde la communication soit à ce point critiqué par des gens qui refusent de comprendre ces thèmes et qui lui reprochent une « absence de scénario ». C’est un peu comme s’il fallait creuser un peu pour comprendre ce film si « simpliste ».
- L’antimilitarisme : le personnage principal a beau être un militaire, Avatar n’en demeure pas moins profondément antimilitariste. Derrière le film, se cache évidemment une critique acerbe du système américain. Vous n’y croyez pas ? Regardez plus attentivement le premier briefing militaire par l’antagoniste principal (image ci-dessous).
Mine de rien, cela fait beaucoup de thèmes à aborder pour un seul film. Malgré tout, Avatar parvient sans problème à tous les traiter, sans oublier de raconter l’histoire de Jake Sully et des Na’vis, le tout d’une façon extrêmement fluide.
Ça a peut-être l’air simple quand on est spectateur. Mais quand on est cinéaste, ce n’est pas du tout la même chose. Ecrire un film aussi complet n’est pas donné à tout le monde, encore moins quand ce film doit être universellement accessible.
En effet, écrire un scénario est déjà une tâche très compliquée… Mais écrire un scénario aussi fluide, qui parvient à raconter à la fois son histoire et à aborder autant de sujets de façon aussi limpide, c’est un véritable exploit. En réalité, d’un point de vue purement académique, le scénario d’Avatar est éminemment complexe. Car faire tenir autant de thèmes, de personnages et de concepts en seulement un film, ce n’est pas à la portée de n’importe quel scénariste.
Nota Bene : récemment, le film Amsterdam a tenté d’aborder autant, voire plus de thèmes, et s’y est cassé les dents… Car oui, parler de beaucoup de choses, c’est une chose, mais écrire un scénario universel, c’en est une autre (essayez pour voir).
Bien évidemment, Avatar ne révolutionne en rien la narration cinématographique… En même temps, personne n’a jamais promis cela, pas même le réalisateur James Cameron. La promesse était celle d’une belle histoire, accompagnée d’images encore jamais vues jusque-là. Promesse tenue par le réalisateur ! Donc, pas de quoi critiquer le film sur des critères ineptes. Être original, c’est bien, mais ce n’est pas le critère principal d’une bonne histoire. Mais du coup, cela nous amène à une autre question…
Pourquoi le cliché du film « sans scénario » subsiste pour Avatar ?
La raison est simple : le film est tellement fluide et tellement bien agencé qu’il devient en apparence « simple », voire « simpliste » ! Cependant, beaucoup semblent oublier la difficulté que c’est d’écrire et de raconter une histoire… Alors, une histoire aussi riche, avec autant de thèmes, en aussi peu de temps (oui, trois heures, c’est court pour raconter tout ça), autant dire que c’est un véritable challenge.
Derrière cette apparente simplicité, se cache en vérité un véritable travail d’orfèvre. Un film accessible aux plus jeunes comme aux plus âgés, aux cinéphiles comme aux néophytes, à ceux qui souhaitent réfléchir et à ceux qui souhaitent juste se détendre devant un bon divertissement… Bref, un film universel !
D’autant plus quand James Cameron a, dans un même temps, offert au monde du cinéma une véritable révolution graphique (que seuls les non connaisseurs s’échinent à ne pas vouloir reconnaître). Et devinez quoi ? Il réitère dans la suite !
En bref, si vous pensez qu’Avatar ne brille pas par son histoire, sachez que c’est en fait tout l’inverse. Derrière la « simplicité », se cache une maîtrise exemplaire des codes narratifs, doublée d’une véritable révolution visuelle. Il ne vous reste désormais plus qu’à découvrir Avatar 2 avec cette nouvelle grille de lecture en tête. Bonne séance !
Sources :
- Themes in Avatar – Wikipédia
- Le Héros aux mille et un visages – Jospeh Campbell
- 5 critiques abusées d’Avatar – FERMEZ LA (YouTube)
- Avatar – Wikipédia
7 Replies to “« Avatar » : un film « vide » et « sans scénario » ?”