Halloween Ends, de David Gordon Green, a l’immense devoir de conclure la saga du croque-mitaine Michael Myers, tuant sans relâche depuis maintenant plus de quarante ans. Le grand final entre Jamie Lee Curtis et le tueur mérite-t-il pleinement que l’on s’y attarde ? Sur Internet, le long-métrage semble donner lieu à une immense déception des fans. Est-ce vraiment le cas ? Halloween Ends n’est pas exempt de défauts, mais il est beaucoup plus intéressant qu’on ne le croit !
Précisons que cette critique sera accompagnée de nombreux spoilers.
Lorsque le titre s’affiche sur l’écran de la salle de cinéma, le bleu marquant Halloween Ends annonce déjà la couleur du film à découvrir. Ce bleu était déjà la couleur de la typographie du très mal aimé Halloween III, un épisode qui ne correspondait pas du tout à l’image que l’on se fait de la saga initiée par John Carpenter. Halloween Ends annonce déjà que ce qui nous attend sera complètement à contre-courant de nos demandes et des théories des fans.
Pourtant, Halloween Ends concorde dans la trilogie de Green, qui s’était permis de jouer sur des styles très différents sur chaque épisode. N’aurait-il pas été redondant de revoir Michael Myers décimer toute une population, à l’instar de Halloween Kills, pour notre plaisir personnel ? En effet, l’épisode a offert à son public ce que l’on se devait d’attendre d’un slasher-movie dont Halloween est le digne créateur.
Une conclusion pas comme les autres
Livrant une pléthore de sous-Halloween depuis son succès, dont Vendredi 13, le schéma se répétait inlassablement jusqu’à l’overdose. Il est tout à fait naturel pour Halloween Ends de marquer sa conclusion sous l’œil d’un renouveau. Et pour cela, il devait s’évincer de son mythe. Prouver que le genre peut se glisser vers quelque chose de plus audacieux et qu’il peut encore surprendre en ces temps difficiles où le cinéma horrifique grand public ne prend plus de risques (en particulier les productions Blumhouse dont cette trilogie fait partie).
Et pour cela, il fallait commettre l’ultime sacrifice, quitte à trahir l’inconditionnel fan : désacraliser la figure monstrueuse de Myers. La Bête increvable vieillit, même si son aura demeure. Montrer enfin qu’il n’est qu’un homme. La figure du Mal « Carpenterien » est dépassée. C’est en cela que le film se montre bien plus sincère dans son audace. Bien sûr que l’on peut penser au ridicule Vendredi 13 : Jason va en enfer ou au chapitre final de Saw qui n’avait de conclusion que le nom (et refusant d’admettre lui-même ses qualités, un comble). Ends conduit son public hors de ses attentes et suit une toute nouvelle figure du Mal qui se transmet, se propageant à Haddonfield. Le résultat ? Maladroit, confus, parfois mal écrit et lent, mais que cette audace fait du bien !
Le traumatisme d’Haddonfield !
Considérer Halloween Ends comme un épisode aussi mauvais que Résurrection (2002) serait une monumentale erreur. L’un reste fidèle à sa thématique, l’autre brutalise la première digne conclusion de la franchise (Halloween 20 ans après), pour l’amour du pognon.
Le tueur implacable de Carpenter n’était que l’élément déclencheur de la trilogie de David Gordon Green. Il n’en a jamais été le personnage principal, bien que Kills lui ait attribué une bien trop importance sanguinaire. Sa figure du Mal s’associe à la question du traumatisme d’Haddonfield subi lors de ce soir d’Halloween au cours duquel la population a fini par sacraliser cet enfant qui assassina sa sœur sans explication. Laurie Strode (Jamie Lee Curtis) a consacré sa vie à lutter contre les traumatismes engendrés par Myers, faisant de son retour une obsession causant négligence familiale (envers Karen et Allyson) et l’amenant à être considérée comme folle aux yeux d’une ville qui fait semblant de tourner la page.
A travers Halloween (2018) et Halloween Kills (2021), la nuit sanglante fait revenir la peur et la bestialité. Michael Myers est et restera ce symbole de désespoir et de fascination tout au long de la trilogie. Et tenter de vaincre l’horreur absolue ne peut se conclure que par un échec cuisant. Halloween Kills était, certes, un film de transition dont le scénario tient sur deux lignes, mais il se révélait aussi un film sur l’échec. L’échec de vaincre le mal, l’échec de le sous-estimer, l’échec de l’auto-justice. La terreur d’Haddonfield s’est construite par ses habitants. Toutefois, si Halloween Kills ne possédait pas son lot inventif de meurtres, il serait un échec lui-même !
Le Mal se répand ce soir
Incontestablement, nous nous serions délectés de la vengeance en guise de conclusion, mais le scénario a pris un tout autre risque. Après tout, il semble que l’épisode précédent manquait de bloquer dans une impasse. Cette absence de risque aurait été un véritable gâchis. La conclusion se construit alors sur la résilience des traumatismes et du mal. Et ce mal revient par la transmission en la personne de Corey Cunningham (Rohan Campbell), désormais paria d’une ville qui a fait de lui le nouveau Michael Myers.
Anéanti par Haddonfield, fasciné dans son récit initiatique, obsédé par Allyson, il est le résultat de l’échec de la ville à faire la paix avec ses démons. Ils ont nourri les monstres. Laurie tente aussi de tourner la page, cela lui a coûté la vie de Karen. Elle doit passer à autre chose, qu’elle le veuille ou non. Elle écrit ses mémoires (les passages les plus redondants du film !) et tente de profiter de la vie avec Allyson qui entretient une relation avec Corey. Laurie est aussi l’objet de la colère des habitants, lui reprochant d’avoir provoqué le monstre.
Tout Halloween Ends repose sur le retour du Mal par la transmission. On le devine dès la scène d’introduction, probablement la meilleure depuis le film de Carpenter ! Manifestement, l’histoire autour de Corey est loin d’être parfaite, mais le personnage est très intéressant. Sa romance avec Allyson prend une place trop importante et le rythme est parfois très inégal. Notons que le traitement du personnage d’Allyson est parfois contradictoire avec les épisodes précédents. Toutefois, le film possède de très bonnes idées dont il serait dommage de ne pas profiter. Tout cet enjeu thérapie / transmission pour les personnages clés permet de leur offrir une nouvelle raison d’être, parfois loin de la boucherie prétexte.
Et The Shape, alors ?
Peu importe, le film apprend de ses erreurs et se démarque par son audace. Moins de personnages crétins et une ambiance qui se pose délicatement malsaine. Malgré sa tardive apparition, Michael Myers redevient The Shape, entraînant une angoisse qui se mérite. De plus, s’il tarde physiquement, son nom et le symbole qu’il est devenu planent sur tout le film. Dès lors, l’ultime confrontation tant attendue se savoure, dévoilant au passage de subtiles références aux précédents films.
Notons un fait scénaristique qui mérite que l’on s’y attarde. Dans chaque épisode de la franchise, Laurie et Michael sont liés. Dans une précédente timeline, ils étaient frère et soeur. Ici, les deux combattants semblent liés par leurs obsessions. L’un vit tant que l’autre pense à lui. Si la Figure du Mal est éternelle dans Halloween Kills, c’est parce qu’on continue de conter qu’elle est le Mal à toute la ville. Dans Ends, elle tente de l’oublier et de l’expier de ses pensées. Alors Michael semble perdre des forces… Seul un autre pourrait le rendre « vivant » à nouveau. Il fallait oser la désacralisation d’un tel mythe cinématographique.
Finalement, la trilogie de David Gordon Green est un véritable affrontement contre le passé et ses erreurs. Indéniablement, le film ne plaira pas à tous, et l’on comprend à quel point ses risques divisent. Peut-être aurait-il été judicieux d’en faire un épisode anthologique ? Néanmoins, dans son risque de devenir la bête noire de la franchise, il prouve que le slasher grand public peut toujours réussir à surprendre. Pour le meilleur et pour le pire !
Ce qu’Halloween Ends réussit à prouver, c’est que Michael Myers est décidément le boogeyman du cinéma. Oui, le film est parfois brouillon et déstabilise considérablement sur ses choix. Mais il n’est sûrement pas un mauvais film. Son incroyable audace pour conclure une franchise (jusqu’au prochain reboot…) au sous-texte politique était diaboliquement nécessaire. Peut-être le film sera-t-il rejaugé, à l’instar d’Halloween III, d’ici quelques années. Ends n’était peut-être pas la conclusion que l’on méritait, mais bien celle dont la franchise avait besoin.
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