« Skinamarink » (The House) : un film d’épouvante comme on en voit peu ! [critique]

"Skinamarink" (The House) : un film d'épouvante comme on en voit peu ! [critique]

Durant l’année 2023, un film d’horreur est sorti des sentiers battus du cinéma pour se démarquer grâce à son buzz improbable. Skinamarink est un exemple de film fauché qui rapporte gros. Disponible en France sur la plateforme Shadowz, le film n’est clairement pas pour tous les publics. Pour être honnête, il peut même être très ennuyeux. Et pourtant…

L’économie de la peur 

Le budget de Skinamarink est encore plus bas que celui du Projet Blair Witch et celui de Paranormal Activity. En effet, il n’a coûté que 15 000 dollars. Tourné avec une équipe réduite en quelques jours avec une caméra Sony FX6, le réalisateur Kyle Edwards Ball transforme son projet horrifique en un objet improbable très rentable, de plus de 2 millions de dollars. Et cela grâce à un important bouche-à-oreille, lui ayant permis de sortir dans les salles obscures.

Son synopsis est des plus simples : deux enfants en bas âge cherchent leur père qui a mystérieusement disparu en pleine nuit. Très vite, ils se rendent compte avec la disparition des portes et des fenêtres qu’ils ne sont pas seuls dans la maison… Intitulé inutilement The House dans nos contrées, le film joue avec la peur de ce qui se cache dans l’obscurité. Bien qu’il le fasse plus intelligemment que des œuvres oubliables comme The Boogeyman (pour ne citer que lui), Skinamarink est avant tout un long-métrage expérimental. Pour son cinéaste, cela semble être l’aboutissement de son style cinématographique et de sa thématique du cauchemar.

En effet, Kyle Edwards Ball possède une chaîne YouTube (Bitesized Nightmares), dans laquelle il réalise beaucoup de courts-métrages sur des demandes de ses abonnés. Tous sont constitués d’une longue succession de plans du décor, des prises de vues très sombres et une qualité très mauvaise. 

Un buzz improbable 

C’est en 2022, lors du Fantasia International Film Festival, que Skinamarink se présente comme la curiosité la plus étrange de la sélection. Plus tard, le film sera piraté et plusieurs extraits finiront sur les réseaux sociaux (notamment TikTok). Aucune de ces images n’est véritablement capable de permettre la compréhension de ce qui se passe, mais il plane une aura de mystère si intense qu’elles deviendront la véritable communication du film. Il faut dire qu’il est impossible de savoir si c’est réel ou non. A l’instar de certains films comme Le Projet Blair Witch, Skinamarink s’est véritablement révélé par son marketing. Dans le film de 1999, la promotion avait créé de faux avis de recherche des jeunes étudiants disparus sur le tournage.

Skinamarink a pu profiter des bienfaits de la communauté des amateurs du genre par l’intermédiaire de creepypasta et du brouillage entre la réalité et le fictif. On pourrait alors penser que Skinamarink est un found-footage, mais il se rapprocherait surtout de l’horreur analogique, sous-genre du cinéma horrifique et, pour expliquer facilement, dérivé du found-footage faisant l’illusion du réel (des fausses vidéos circulant sur le net).

En fait, son succès ressemble à celui des Backrooms, créés à partir d’une simple photo circulant sur la toile ou des SCP, des entités confinées semant le mal autour d’eux. Citons aussi le Slender Man, célèbre creepypasta ayant fait l’objet de la série Marble Hornets sur Internet.

Chef-d’œuvre ou arnaque ?

Venons en alors aux faits. Skinamarink est une merveille sur sa manière d’expérimenter le cinéma horrifique. Des cinéphiles se glaceront le sang devant. Cependant, il est aussi extraordinairement ennuyeux. En fait, il ne se passera pas grand-chose tout le long du film d’une durée de 100 minutes. Horreur analogique, le film présente des images très sombres et un grain très fort qui fait que l’on ne voit quasiment rien. Un choix de mise en scène totalement assumé.

Le réalisateur ne se concentre pas vraiment sur des dialogues ou sur ses protagonistes, puisqu’il veut surtout filmer des objets du décor, des portes, des murs, laissant ainsi planer le doute sur ce que notre imaginaire peut nous faire redouter. La terreur viendra des chuchotements hors-champ, des poupées Barbie sur le mur… Ou tout simplement de l’ombre qui traîne. Cela change drastiquement de ces films tout public qui abusent des jump-scares jusqu’à la nausée, même si tout cela trouve vite ses limites.

Il vaut mieux connaître également Heck, court-métrage de 28 minutes et prototype de Skinamarink, qui réussit l’exercice de style en se montrant très imaginatif. Cependant, ce qui fonctionne dans un court-métrage ne marche pas forcément dans un format long. Le concept tourne en rond et on décroche très souvent de l’expérience pourtant intéressante proposée. Si le spectateur n’est pas immédiatement plongé dans l’immersion, le film paraîtra interminable. Un projet filmique qui ne plaira absolument pas à tous.

Ainsi, Skinamarink est à découvrir pour son expérimentation de l’imaginaire par la peur, mais on préférerait que vous passiez d’abord par le court-métrage du réalisateur. Le public est libre d’aimer ou détester. Néanmoins, on souhaite que ce genre de projet puisse continuer à sortir au cinéma. Après tout, le cinéma devrait proposer des genres aussi divers et variés.  

Bande-annonce Skinamarink (The House) 

Photographe et réalisateur indépendant. Certains de ses films ont obtenus une soixantaine de sélections en Festival à travers le monde. Rédacteur chez Cultea, ses écrits sur le Traumatisme abordé dans le jeu vidéo sont publiés sur le site !

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