L’incontournable Festival d’Avignon, dédié au théâtre et au spectacle vivant, a conclu sa 77ème édition en juillet. Que cela soit dans le In ou dans le Off, la majorité des programmes propose de nombreuses variétés. Mais ils sont surtout concentrés sur des leçons de vie et d’humanité.
Dans le Festival In d’Avignon, le public peut découvrir une performance (très provocatrice) de plus de deux heures de Rebecca Chaillon sur la condition des femmes noires au fil du temps. Intitulé Carte noire nommée Désir, le spectacle est un (trop) long moment d’humanité et de plaidoirie sous la forme d’un cabaret et d’une série de sketchs. On y mentionne l’esclavage, le colonialisme et la violence. Néanmoins, il était surtout question de liberté et de solidarité tout au long du spectacle.
Nota Bene : Selon des retours, le spectacle du In fut perturbé par des violences racistes contre les performeuses lors de son avant-dernière représentation.
On peut aussi mentionner The Romeos, danse d’êtres si différents se montrant particulièrement tolérants. Comme si résidait cette envie de nous dire qu’il faut être libre d’être ce que nous sommes. Issu du voguing revival, un mouvement des années 20, le spectacle montre 15 danseurs et danseuses, dont Trajal Harrell, le metteur en scène. Bien qu’adaptée de Roméo et Juliette, l’œuvre nous a laissés dubitatifs, mais la forme est magnifique.
Pourtant, ces leçons de vie et d’humanité se retrouvent aussi dans le célèbre Off du Festival d’Avignon. L’extérieur du festival, créé en 1967 par André Benedetto, se développe inexorablement au fil des années. Si la première édition comportait 40 spectacles, l’année 2023 en compte 1 491 ! Il devient alors tout simplement impossible de regarder la totalité des événements. Il faudra inévitablement faire des choix. Le Festival d’Avignon Off, contrairement au In qui suit une large programmation sur certains horaires, ressemble à s’y méprendre à une grande confrontation. Comment faire lorsque trois spectacles intéressants se déroulent à la même heure ?
Tous les artistes se battent pour leur communication et pour proposer un spectacle de qualité qui pourra satisfaire le public, mais aussi les programmateurs et la presse. Chaque spectacle se bat avec ses propres armes. Plusieurs critères sont à prendre en compte, comme les sponsors, les partenariats ou convaincre le public dans la pénible épreuve du tractage. 1 270 compagnies tentent alors de se faire remarquer et certains ne peuvent compter que sur le bouche-à-oreille pour tenter de faire vivre leur spectacle.
Une sélection pleine d’émotions
Cultea a pu découvrir des performances émouvantes durant le Festival In d’Avignon 2023. Mais cette émotion s’est vraiment ressentie au travers des rues du Off. A chaque fois que l’on se dirige vers un nouveau théâtre en espérant que les réservations sont encore possibles, nous sommes interpellés par les artistes distribuant des tracts. Certains trouvent facilement les mots, d’autres plus difficilement.
Néanmoins, beaucoup d’artistes font preuve de solidarité. Ils recommandent même des spectacles qui ne sont pas les leurs, malgré la concurrence devenue plus rude. Certaines compagnies investissent et d’autres ne seront probablement pas rentables, mais ils croient en l’expérience. Il devient alors difficile de répondre négativement à la proposition de certains spectacles qui débordent de récits de vie touchants et bouleversants.
Il existe des spectacles engagés comme Gisèle Halimi, Le Jour où j’ai compris que le ciel était bleu, L’odeur de la guerre ou bien encore Déraisonnable, tout comme il existe des portraits autobiographiques somptueux dont nous avons beaucoup profité cette année. La Trajectoire des Gamètes ou simplement le puissant Mon petit grand frère en sont des exemples. Mais le catalogue est si vaste : performances de rue, seuls en scène, improvisations comiques, spectacles pour enfants, scènes historiques, etc.
Parmi ses nombreux spectacles, on en compte aussi énormément autour des violences contre les femmes. On pouvait trouver des œuvres, les années précédentes, comme Soeurcières ou Les Maux Bleus. Cette année 2023 en compte plus d’une vingtaine, dont Après coups pour ne citer que lui. Il ne fait aucun doute que ce sujet d’actualité est alors l’un des plus brûlants. Pourtant, on en trouve d’autres qui font écho à la situation politique en France, comme des spectacles autour de l’enseignement et de la précarité. Certains spectacles, comme Marion 13 ans pour toujours, traitant directement du harcèlement scolaire et de ses conséquences.
Le Festival In d’Avignon a beaucoup joué sur le féminisme, l’engagement et l’humanité à travers une programmation comme Marguerite, le feu ou Welfare. Avignon est un portrait géant de la société moderne. On y ressent beaucoup de travail, une impitoyable lutte des classes entre les compagnies sur leurs communications et leurs avantages, mais aussi de nombreuses histoires d’actualité. Notons le fait que l’on trouve aussi une centaine de productions étrangères. Preuve que le plus grand festival de spectacle du monde ne concerne pas que la France.
Un record de fréquentation dépassé
On compte 122 000 spectateurs qui ont pu assister à toute la programmation du Festival In. Un nombre légèrement en hausse par rapport à l’année 2022. Le prochain défi du In sera alors de préparer la programmation de l’année prochaine, qui devra décaler ses dates à cause des Jeux olympiques du 26 juillet au 11 août 2024. Le Festival d’Avignon aura donc lieu une semaine plus tôt que d’habitude : du 29 juin au 21 juillet 2024.
Quant à la 57ème édition du Festival d’Avignon Off, les ventes sont impressionnantes. Deux millions de spectateurs pour découvrir l’ensemble des spectacles, le meilleur score depuis les 1,7 million de l’édition 2019. Un chiffre vertigineux, malgré la hausse des prix des places de théâtre.
Ce qui a rendu ce Festival d’Avignon 2023 si important n’est pas juste sa programmation impossible à voir entièrement, mais bien le talent de ses nombreux artistes qui se battent corps et âme pour faire vivre leurs spectacles. Tous méritent d’être découverts et sauront vous proposer une palette d’émotions. En ce qui concerne le Off, malgré les difficultés à se faire voir, ce sont surtout les rencontres humaines et solidaires qui frappent le plus. On espère alors que la prochaine édition soit encore meilleure.
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Crédit photos : Emeric Gallego
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