Si vous êtes un réel angoissé de la vie comme on s’amuse à le dire, vous avez sûrement déjà entendu un panel d’expressions décrivant votre état intérieur : « se faire du mauvais sang », « se biler » ou encore « se faire du mouron ». Ces dernières renvoient à des substances produites involontairement par le corps lorsque celui-ci se retrouve sous tension. Mais aujourd’hui, chez Cultea, nous avons décidé de nous intéresser à l’expression suivante « se mettre la rate au court-bouillon ». Voici une phrase bien singulière et qui retient notre attention. Et pour cause, elle ne date pas d’hier…
Petit détour antique
Assez usitée au XXème siècle, cette expression française tire ses origines de l’Antiquité, plus précisément de la médecine antique. Est-ce que le nom d’Hippocrate vous est familier ? Médecin et philosophe grec ayant vécu au siècle de Périclès, il se veut le fameux créateur de l’école hippocratique, vectrice d’une évolution notable de la science. L’une de ses œuvres majeures s’intitule le Corpus hippocratique. Il revêt plus d’une soixantaine de traités médicaux. L’on y trouve un cortège d’écrits assez diversifiés : des traités-listes, des recueils de notes privés, des recueils de maximes mais également des essais dédiés au public. Ces textes ont été retrouvés dépourvus d’un quelconque classement, en désordre.
L’un des textes les plus importants de ce corpus est le Serment d’Hippocrate. Cela vous parle davantage ? Il s’agit en effet d’un écrit révélant les fondamentaux de l’éthique médicale et de ses pratiques. C’est la raison pour laquelle le praticien se veut figure de proue, voire véritable parangon de la médecine et de ses progrès.
D’ailleurs, pourquoi la rate ?
Se mettre la rate au court-bouillon. Pensez-vous qu’il s’agisse là d’un choix totalement arbitraire ? Après tout, pourquoi n’a-t-on pas privilégié l’estomac, le cœur ou encore le foie ? Revenons-en au Corpus. En effet, en l’étudiant de près, l’on a retrouvé une théorie médicale s’intéressant à nos humeurs. Selon cette dernière, le corps humain serait composé de quatre éléments : l’air, l’eau, le feu et la terre. Ces éléments doivent coexister afin de conserver un équilibre du corps. Le manquement de l’un d’entre eux aurait pour corollaire un déséquilibre du sujet et donc de ses émotions. Les éléments seraient à cet effet intrinsèquement liés à nos humeurs.
Ce n’est pas très clair ? Allons davantage dans le détail. Selon les anciens, l’on peut relever quatre humeurs. Il y a tout d’abord le sang, produit par le foie en destination du cœur. Vient ensuite la pituite, encore appelée lymphe, en lien direct avec le cerveau. La bile jaune, quant à elle, provient du foie. Enfin, l’atrabile, autrement dit la bile noire, vient de la rate. Elle représente le caractère anxieux et mélancolique.
La rate, symbole de l’angoisse s’est par la suite transmuée en celui des humeurs dans son sens le plus large. Au Moyen-Âge, il n’était pas étrange d’entendre quelqu’un déclarer : « il s’est déchargé la rate », traduisant la colère du sujet en question. Il en est de même pour « se dilater la rate », qui signifie rire. L’on comprend mieux pourquoi le choix de cet organe particulier.
Au court-bouillon ?
Si nous avons tiré au clair une partie de notre expression, il va sans dire que nous ne comprenons toujours pas la deuxième. C’est à San-Antonio, ou plutôt Frédéric Dard que nous devons l’attribuer. Ce dernier a eu l’idée de cuisiner la rate dans son roman « La rate au court-bouillon », publié en 1965. L’expression a beaucoup été usitée en argot, avant d’être adoptée dans notre langage courant !
Des arguments contrés ?
Nul besoin de préciser que la médecine a fait des progrès notables depuis lors. Les études affirmant le lien de causalité entre les éléments et les organes ont été fortement démenties. Le rôle conféré à ces derniers à l’époque était tout bonnement fallacieux, faute d’un manque réel de connaissances. Les traitements douteux basés sur dans la médecine antique et la théorie des humeurs ont laissé place à des administrations plus sérieuses et scientifiquement prouvées.
Voilà, vous savez maintenant ce que signifie l’expression « se mettre la rate au court-bouillon » ! N’hésitez pas à en faire bon usage lors de vos prochaines discussions. Et même si vous êtes jeune, vos interlocuteurs seront sans doute ébahis de vous voir connaître cette dernière. Après tout, l’habit ne fait pas le moine…
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7 Replies to “Se mettre la rate au court-bouillon ? En voilà une drôle d’expression !”