Vous avez sans doute déjà entendu l’expression « mettre le turbo ». Que ce soit sur votre lieu de travail, dans votre scolarité ou dans la vie quotidienne, cette expression a intégré notre langage courant. Mais savez-vous vraiment ce qu’est un turbo et quel est le rôle de ce composant mécanique ? L’équipe de Cultea enfile sa blouse et ses lunettes de protection pour vous offrir un article 50 % science, 50 % histoire !
À l’origine : une course à la puissance
Depuis l’invention du moteur thermique (celui qu’on trouve dans nos voitures notamment), l’homme cherche à en dégager toujours plus de puissance. La première solution, qui a duré un temps, était d’agrandir les moteurs. En effet, le rendement de nos moteurs à pistons est fonction du volume de ceux-ci. Ainsi, plus la cylindrée est grande, plus grand est le rendement. Si l’espace à l’intérieur est plus large, on peut y produire une plus grande combustion et donc dégager une plus grande puissance.
Sauf qu’un moteur plus gros prend plus de place, pèse plus lourd et consomme beaucoup plus ! À l’heure où les préoccupations environnementales sont devenues un enjeu majeur, on ne pouvait plus se permettre de faire n’importe quoi. Tout l’enjeu est donc d’augmenter notre puissance, sans augmenter la taille (volume) du moteur.
En partant de ce problème, les ingénieurs du XXe siècle ont proposé plusieurs solutions. Certaines étant évidemment plus viables, et surtout plus fiables, que d’autres. Par exemple, on peut augmenter la vitesse de rotation du moteur. Mais cette solution plutôt risquée ne tient pas sur le long terme. Une solution plus viable a été d’améliorer les systèmes d’injection d’essence. Mais ce qui va nous intéresser ici, c’est ce qu’on appelle la suralimentation.
Le principe de suralimentation
Suralimenter un moteur consiste à augmenter son rendement sans augmenter sa vitesse de rotation. Ainsi, on va chercher à augmenter la réaction de combustion. Une réaction chimique de combustion s’obtient en mêlant deux choses : un combustible (l’objet qu’on fait cramer) et un comburant (une substance, bien souvent le dioxygène, qui démarre la réaction). Dans un moteur, c’est l’essence qu’on fait brûler avec l’aide d’air qu’on laisse entrer dans le cylindre. Cette combustion produit de la chaleur (énergie thermique) qui, via d’autres pièces, est convertie en énergie mécanique.
Donc, pour faire varier les paramètres d’une combustion, on peut proposer des modifications en lien avec le combustible et le comburant. Dans le cadre de la suralimentation, ce sont les proportions qu’on fait varier. L’idée étant d’injecter plus d’air et plus d’essence dans un même moteur dont la taille reste inchangée.
Ce principe a été compris et proposé dès le début du XXe siècle par des ingénieurs français (cocorico !). On retrouve notamment Louis Renault (le fondateur de la marque) qui, en 1902, dépose un brevet pour une suralimentation par ventilateur ou compresseur. Quelques années plus tard, le Suisse Alfred Büchi dépose un brevet pour le principe de turbocompresseur. Cette version, datant de 1905, a pour particularité de réutiliser les gaz d’échappement comme source d’énergie.
Encore plus tard, durant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux travaux ont fait avancer à grande vitesse les dispositifs. Ainsi, de nombreux ingénieurs français, allemands, anglais et japonais ont largement planché sur le sujet pour des applications dans le domaine aéronautique. En effet, les avions volants à haute altitude, ceux-ci rencontraient des problèmes. Dans les années 30-40, nous n’en étions qu’aux balbutiements de l’aviation. C’est pourquoi la plupart des moteurs utilisés étaient des moteurs made in Renault, Michelin ou Rolls-Royce ! Des moteurs de voitures, donc. Sauf qu’à haute altitude, l’air se raréfie et donc le moteur étouffe littéralement jusqu’à « caler ». La nécessité d’un turbocompresseur était alors évidente pour maintenir le fonctionnement de l’appareil. Mais du coup, ça fait quoi un turbocompresseur ?
Le turbocompresseur
La première étape intermédiaire a été le recours au compresseur volumétrique. L’idée du compresseur est simple. On fait tourner une vis qui va emprisonner l’air dans un espace que l’on réduit progressivement. Ainsi, l’air est « tassé », compressé. Ce qui signifie que dans un volume plus petit, on a plus d’air et donc plus de dioxygène. Ainsi, lorsqu’on injecte notre volume d’air habituel dans le moteur, il est plus « riche » en dioxygène. S’il est plus riche, alors la combustion est plus forte. Un dispositif miracle donc, mais dont l’alimentation dépend du moteur. Malheureusement, si le moteur doit entraîner ce dispositif en plus, il y a une perte légère de puissance. Perte compensée par ce dispositif qui augmente la combustion ! Et donc, le serpent se mord la queue et l’on reste au point mort…
Ainsi, très vite, il est remplacé par le turbocompresseur. Ce dernier est pour le coup une vraie solution miracle. En effet, pour fonctionner, il n’utilise que des « déchets ». Lors de la combustion d’essence dans le moteur, il y a un rejet qui se fait sous forme de gaz d’échappement. Ce gaz est propulsé depuis le moteur jusqu’à votre pot d’échappement afin d’être expulsé à l’extérieur. Pour être expulsé, il dispose de la force de l’air qui vient d’être brûlé. Le turbo arrive donc en fin de boucle afin de profiter de ces gaz rejetés avec force. Cette force entraîne une hélice qui elle-même comprime de l’air. Cet air comprimé est directement réinjecté dans le moteur. Ainsi, le turbo travaille gratuitement, en s’appuyant sur du gaspillage pour offrir un gain de performance.
Quid de l’expression ?
L’histoire ne s’arrête pas vraiment là. En effet, aussi miraculeux qu’il soit, le turbo présente un inconvénient mineur. L’hélice ayant une taille plutôt imposante, son entraînement n’est pas permis à bas régime. Lorsque le moteur démarre et tourne au ralenti (lorsque nous roulons doucement), il n’y a pas assez de force dans l’échappement pour entraîner l’hélice. Ce qui donnait alors des résultats amusants puisque, à bas régime, la voiture offrait des performances moyennes mais devenait un monstre lorsqu’on montait dans les tours. Cela sous-entend qu’il n’y avait pas de juste milieu. Votre véhicule passait de la tranquillité et du confort à la violence et la performance.
C’est cette bipolarité qu’on retrouve finalement dans l’expression ! Ainsi, lorsque quelqu’un vous demande de mettre le turbo, il y a cette idée de gagner brutalement en performance. L’expression définit donc un changement d’état brutal, où la personne est censée gagner en productivité.
On peut tout de même trouver un point positif à l’expression via ces données historiques et techniques. En effet, le turbo fonctionne à partir d’un gâchis de ressources. Ce qui sous-entend donc que, passer le turbo, signifie que vous avez en vous un potentiel gâché qui ne demande qu’à être utilisé. Ainsi, nous avons plus de valeur que nous le pensons.
Pour en finir avec le côté technique, sachez que des solutions ont été trouvées pour corriger le problème. L’une d’elles est toute bête et consiste à utiliser deux turbos. Un petit (avec une petite hélice) pour les bas régimes, et un grand traditionnel lorsque l’on monte dans les tours.
C’est fou d’imaginer que, d’une « bête » expression, découlent toute une histoire et tout un savoir technique. On espère que ces informations vous auront permis d’en savoir un peu plus sur les voitures, un objet très présent de notre quotidien.
2 Replies to “« Mettre le turbo » : explication scientifique d’une expression courante !”