Refus d’emprunt à la banque, stigmatisation, interdiction de se baigner… Au Japon, pays de « l’irezumi », le tatouage est devenu un tabou.
Le tatouage, une tradition japonaise
Irezumi signifie en japonais « introduire l’encre ». C’est une pratique millénaire dans ce pays, où des traces de tatouages datant d’il y a 10 000 ans ont été découvertes. Au fil des siècles, ces dessins ont revêtu différentes significations. Les tout premiers tatouages relevaient du sacré, de la magie, pour les populations qui vivaient avec la mer. Les pêcheurs se les sont ensuite appropriés. Les tatouages leur servaient à être reconnus en cas de noyade si leur corps gonflait. Pour les plongeurs, cela servait de talisman, afin d’éviter la noyade ou les attaques de requin.
Au XVIIe, pendant la période Edo et sous le shogunat Tokugawa (dictature militaire féodale), le petit peuple se tatouait, au grand dam des samouraïs. Les membres de différentes corporations de métier arboraient fièrement des symboles de leur profession. Les poissonniers, pompiers, porteurs (ancêtres du taxi), prostituées et ceux qui exerçaient un travail physique exhibaient leurs dessins à l’encre.
Les origines de la mauvaise réputation du tatouage au Japon
L’auto-censure débute au XVIIIe siècle, lorsque les autorités commencent à tatouer pour punir. Cette sanction ressemble fortement au marquage au fer rouge. Alors qu’à cette période les criminels se faisaient couper les doigts ou le nez, des problèmes d’hygiène vont commencer à se poser. Les juges commencent de ce fait à préconiser le marquage à l’encre afin de distinguer les parias des citoyens.
On marque alors les criminels d’un trait ; pour les voleurs, ce trait se fait sur le visage. Au bout de trois traits, c’est la condamnation à mort. D’autres se font tatouer de force le caractère « chien » sur le corps. Le but est surtout de pouvoir être vu, reconnu comme hors-la-loi par le reste de la société. Cela servait également lorsque ces individus se déplaçaient entre deux fiefs. Les policiers placés à des points de contrôle pouvaient aisément reconnaître un tatoué.
Plus proche de notre époque, c’est en 1872 que l’empereur Meiji interdit totalement le tatouage. Il souhaite une société moderne et hygiéniste. La pratique du tatouage diminue, les corporations de métiers physiques doivent porter des vêtements sur leur tatouage. Le général MacArthur les réautorise cependant en 1946, dans les années où il a l’île à sa charge.
De 1946 à nos jours : la renaissance du tabou
À la suite de la Seconde Guerre mondiale, la mafia japonaise se développe. Ils prennent pour habitude de se tatouer sur de larges parties du corps et recouvrent le dos, les bras, le torse et les jambes. Il devient même rare de croiser un yakuza qui n’a pas de tatouage. Le tatouage est également une marque d’un certain machisme dans les classes populaires de la société. Cette pratique tend à stigmatiser toute personne qui en arbore un.
Aujourd’hui, les policiers n’ont pas le droit d’en avoir, et cela peut porter préjudice dans certaines situations du quotidien. Les parents peuvent mettre en garde leurs enfants de ne pas fréquenter le fils ou la fille d’une personne tatouée, et certaines personnes se voient refuser des prêts de la banque ou des souscriptions d’assurances. Les touristes tatoués ne peuvent par ailleurs pas accéder à certains onsen (bains publics) et doivent fréquenter des bains séparés.
Le Japon a perdu sa culture banalisée du tatouage. Il est parfois possible pour les yakuzas encore en activité de montrer les leurs, lors de fêtes religieuses notamment. D’autres passionnés se retrouvent dans des rassemblements privés pour pouvoir parader avec des pièces recouvrant tout le corps, des pieds jusqu’à la tête.
Sources
- Arte.tv – Les tatoués, parias du Japon
- Wikipédia – Irezumi
- AFP – La mafia japonaise défile lors d’un festival à Tokyo
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