La radio telle qu’on la connaît aujourd’hui a fait bien du chemin ! En effet, elle est désormais un outil de communication démocratisé et démocratique. Mais cela n’a pas toujours été le cas, loin de là.
À une époque, elle a même été un réel symbole de rébellion. Certaines étaient interdites. Leur clandestinité représentait un véritable risque pour leurs émetteurs. On appelait alors ces radios les « radios pirates ». Mais pour en arriver là, ça n’a pas été aussi simple que ce que l’on peut penser. La naissance des radios pirates ne s’est pas faite en un jour et c’est toute cette complexité que l’on va aborder aujourd’hui !
Radio pirate : Station de radio émettant sans autorisation administrative.
La naissance des radios périphériques
Les radios pirates sont les descendantes des radios périphériques. Et pour elles, tout a commencé dans les années 60. Les premières radios dites périphériques ont essentiellement vu le jour au Danemark, aux Pays Bas, au Royaume-Uni et en Suède.
En France, la volonté première était de contester le rôle de l’État dans la divulgation de l’information. En effet, les seules radios autorisées à émettre étaient jusqu’alors financées par l’État. Cela faisait ainsi d’elles un outil politique. L’État avait donc le monopole de l’information radiophonique. En 1975, seules trois radios officielles existaient : France Inter, France Culture et France Musique. Le ton de ces dernières était donné : le politiquement correct. Ainsi, la liberté d’expression de l’époque se voyait limitée. Cette situation a fini par créer de vives réactions et une volonté de changement de la part de beaucoup de personnes qui ne se sentaient pas représentées.
Sont alors nées les radios périphériques. Leur technique consistait à émettre en France depuis les terres des pays limitrophes. Grâce à cela, l’État français ne pouvait agir, ni pour contrôler, ni pour sanctionner. Au fur et à mesure, une grande partie des radios audibles sur le territoire provenait finalement d’au-delà des frontières. En effet, si l’émetteur des radios se situait en dehors du territoire français, mais suffisamment proche pour y envoyer ses « grandes ondes », alors les radios pouvaient tout à fait y diffuser leur programme sans être dans l’illégalité. De cette façon, l’État était impuissant face à ces radios « étrangères », malgré leur émission en France.
D’ailleurs, parmi ces dernières figurent des radios encore bien connues aujourd’hui ! C’est notamment le cas de RTL (radio télé Luxembourg) ou encore d’Europe 1 (qui émettait depuis l’Allemagne).
Comment est-on passé des radios périphériques aux radios pirates ?
L’État français était alors en total manque de contrôle sur l’essor fulgurant de ces nouvelles radios. Afin de palier à cela, le gouvernement a décidé de contre-attaquer en créant la SOFIRAD. Une société qui lui appartenait totalement. Cette société publique a racheté petit à petit des parts chez les radios périphériques, qui sont alors devenues, en partie, des propriétés de l’État. L’avantage pour elles était simplement de sortir de l’illégalité qui faisait planer un sentiment d’insécurité chez les animateurs radio. De cette façon, le gouvernement français est parvenu à avoir la mainmise sur ces radios émettant depuis l’étranger.
Ce retour au monopole d’État a une nouvelle fois suscité de vives réactions, surtout chez la jeunesse de mai 68. Ce contexte a amené l’émergence d’un nouveau mouvement de radios libres : les radios pirates. Celles-ci émettaient illégalement et, comme celles qui les ont précédées, en dehors de tout contrôle étatique. Beaucoup émettaient sur les grandes ondes depuis un bateau. C’était notamment le cas de l’une des premières radios pirates en Angleterre, radio Caroline.
D’autres, grâce à l’avancée de la technologie, émettaient via les « ondes courtes », comme la première radio pirate française en 1977 : radio verte. Ce mode de fonctionnement s’avérait très pratique, puisqu’il était facilement accessible. En effet, nécessitant peu de matériel, il ne coûtait que peu cher. Il suffisait alors d’acheter un émetteur à ondes courtes (en Italie ou en Allemagne) et de le placer sur un toit. La fréquence pouvait ainsi couvrir une zone aussi grande que Paris. Ces radios locales se finançaient majoritairement grâce à des publicités faites pour les commerçants des quartiers, qui soutenaient ces actions de rébellion.
L’État français en guerre contre les radios pirates
N’acceptant pas de perdre son pouvoir, l’État a donc décidé de sévir coûte que coûte. Des interventions coups de poing ont commencé à voir le jour. Tout d’abord, grâce à la TDF (télédiffusion de France). Cette entreprise avait pour rôle de brouiller les ondes des radios pirates qu’elle trouvait. Ce n’était qu’un jeu d’enfant. Il lui suffisait d’émettre sur la même fréquence qu’elles mais avec davantage de puissance provenant de l’émetteur. L’inconvénient de cette méthode était son caractère temporaire. En effet, cela pouvait constituer une solution sur l’instant, mais ne pouvait pas s’opérer 24h/24 ni 7j/7. De plus, une fois les ondes brouillées, les radios pirates n’avaient qu’à changer de fréquence et émettre depuis une autre, encore fonctionnelle.
Le gouvernement français a donc pris d’autres mesures. Son principal moyen ? Les forces de police, régulièrement envoyées pour saisir le matériel des radios clandestines, voire pour procéder à des arrestations, parfois musclées. Si jamais le siège n’avait pas été localisé précisément au moment de l’intervention, alors la police procédait à des coupures d’électricité. Cela empêchait ainsi toute émission possible. Les animateurs radio avaient donc pour habitude de déménager aussi souvent que possible afin de gagner en sécurité. Souvent au domicile de bénévoles, dans des halls d’immeubles ou encore dans des bureaux, les radios n’avaient pas de véritable lieu de travail.
Les radios pirates, un enjeu de plus en plus politique
Cependant, cette censure lourdement critiquée a fini par devenir un sujet politique emblématique. C’est ainsi que le 28 juin 1979, François Mitterrand a frappé fort pour sa campagne présidentielle. Ce jour là, souhaitant toucher les jeunes électeurs, Mitterrand a décidé d’intervenir sur une radio pirate récente. Cette radio, appelée radio riposte, n’était autre que celle de son propre parti : le Parti Socialiste. L’émission du 28 juin a donc été diffusée depuis le siège du parti qui s’est alors vu pris d’assaut par les forces armées. Un procès politique a donc suivi cet événement violent et polémique.
Suite à cela, la CGT a utilisé les radios pirates comme moyen d’expression avec la création de deux radios pirates. L’objectif ? Protester contre la fermeture des usines, de plus en plus fréquente. La population s’indigne en prenant connaissance de ces faits et le climat devient, à cet instant, de plus en plus tendu.
Le gouvernement français se sentant pris au piège, décide de redorer son image en créant une radio pour les jeunes, dans l’espoir que ces derniers délaissent les radios pirates. Radio France lance alors Radio 7, une radio rock et se voulant plus moderne. Malgré tous ses efforts, Radio 7 ne suffit pas à éteindre l’engouement pour les radios pirates, qui continuent de séduire un peu plus chaque jour. L’État a officiellement perdu cette guerre radiophonique le 10 mai 1981. Ce jour là, François Mitterrand est élu président de la République, après avoir voué une grande partie de sa campagne aux libertés radiophoniques.
Que sont devenues les radios pirates sous Mitterrand ?
Mitterrand reste néanmoins sensible à l’opposition. Il prend alors peur que la droite ait recours aux radios pirates pour être virulente envers sa politique. C’est pourquoi, à l’été 1981, la police continue ses actions contre les radios clandestines. Pire encore pour le gouvernement, ces radios se multiplient après l’élection de Mitterrand qui avait laisser planer l’espoir qu’elles seraient enfin autorisées, ou au moins tolérées.
Face à cet afflux non maîtrisé des radios pirates, le 9 novembre 1981, Mitterrand prend les choses en main. Il rend légales ces radios, selon des conditions strictes, dont l’interdiction de la publicité radiophonique. La popularité des nouvelles radios autorisées est telle qu’en 1982, la France en comptait plus de 2 000. Découle alors une problématique : comment disposer de suffisamment de fréquences pour leur permettre d’émettre ? La solution est trouvée le 29 juillet 1982. L’État confiera aux radios une fréquence précise et permanente. Cependant, il n’y en aura pas assez pour tout le monde et certaines radios se verront donc dans l’obligation de se marier avec d’autres.
L’entente n’était pas toujours au beau fixe au sein de ces mariages et les financements devenaient un véritable frein pour les radios légalisées. Après de nombreuses luttes regroupant une immense partie de la population, le Président finit par autoriser de nouveau la publicité sur les ondes. Cette fois, ça y est, les radios anciennement pirates sont définitivement indépendantes et libres ! Quelques restrictions et censures ont été instaurées par la suite, mais sans succès. Mitterrand se rend donc à l’évidence et renonce au contrôle radiophonique du gouvernement.
La liberté de la radiophonie a été l’un des combats les plus importants pour la liberté d’expression en France. Des années de luttes acharnées ont été nécessaires pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui. La révolution de mai 1968 a grandement aidé à cette libération, mais n’a finalement été qu’une des longues étapes de l’histoire de la radio française. Cet essor des radios libres a su se nourrir des événements internationaux, notamment grâce aux pays limitrophes, mais aussi des volontés révolutionnaires de la jeunesse de l’époque. Le gouvernement de Mitterrand a ainsi ouvert la voie à de nouvelles méthodes d’information, permettant ainsi un développement de notre démocratie.
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