La passion des Français pour les airs est un fait historique connu de tous. Chez Cultea, on vous a déjà notamment parlé des frères Michelin et de leur amour inconditionnel de la jeune aéronautique naissante. On pourrait aussi parler d’Airbus, Latécoère, Mermoz ou encore Dassault. Sans doute le ferons-nous un jour prochain. Nous allons aujourd’hui parler ballon, mais aucun lien avec le sport ! Accrochez-vous pour le décollage, direction l’histoire des frères Montgolfier et le « premier vol en ballon » de l’histoire.
Rentrons tout de suite dans le vif du sujet avec un peu de technique. En science, on appelle « aéronef » tout objet capable de s’élever et se mouvoir dans les airs. Les aéronefs sont généralement séparés en deux groupes : les aérostats et les aérodynes.
Les aérostats se démarquent car ils restent en sustentation grâce à la poussée d’Archimède. On les dit « plus légers que l’air ». En effet, l’air chaud qu’ils contiennent est alors plus léger que l’air autour. Les aérodynes utilisent la portance de leur « voilure » (les ailes ou les hélices, mais pas seulement) et l’aérodynamisme pour accéder et rester en l’air. On les dit plus lourds que l’air pour des raisons évidentes. Ainsi, les montgolfières s’inscrivent dans la première catégorie : ce sont des aérostats.
Les origines des aérostats
Pour qu’un aérostat vole, il faut qu’il possède une enveloppe assez importante dans laquelle réside un gaz plus léger que l’air ambiant. Ainsi, on retrouve souvent l’air chaud, l’hydrogène ou l’hélium. Ce principe a été très tôt connu des Chinois, mais il est assez difficile d’évaluer avec exactitude quand. Ces derniers utilisaient alors des lanternes en papier gonflées à l’air chaud. Les Chinois utilisant du papier depuis au moins le IIIe siècle avant J.-C., il est difficile de trouver des informations fiables sur ce type de pratiques. Certains historiens affirment toutefois que l’on peut situer les premiers usages au IIe siècle après J.-C.
Francesco Lana de Terzi
En Occident, on trouve un écrit intéressant datant de 1670. En effet, l’Italien Francesco Lana de Terzi propose dans un traité un navire doté de quatre sphères dans lesquelles on ferait le « vide ». Ce faisant, le vaisseau deviendrait plus léger que l’air ambiant et pourrait transporter six personnes. Le projet est alors irréalisable.
Bartolomeu de Gusmao
Un peu plus tard, en 1709, un Portugais, Bartolomeu de Gusmao, propose une « machine volante ». Les gens se moquent de lui, mais pas la haute société portugaise qui y voit peut-être un projet majeur. Il réalise alors divers prototypes de petites tailles et vient en faire la démonstration à la cour.
Le premier modèle de ballon prend feu, mais les suivants parviennent à s’élever jusqu’au plafond avant de redescendre dans le calme. Il finit par proposer un véhicule. Malheureusement, au fil des prototypes, on comprend que cela est dangereux. En effet, les ballons chargés sont incontrôlables. De plus, cela coûterait beaucoup de temps et d’argent de développer et fabriquer des modèles pour y mettre des hommes.
Le Portugais abandonne son projet ambitieux, qui prévoyait de transporter des hommes à au moins mille kilomètres par jour. Il reste cependant reconnu comme le père légitime des aérostats !
Les frères Montgolfier
Enfants et héritiers d’une famille dans la papeterie, les frères Joseph-Michel et Jacques-Etienne Montgolfier sont aujourd’hui considérés à tort comme les inventeurs des aérostats. S’ils n’en sont pas les inventeurs, ils sont toutefois les premiers à avoir maîtrisé le concept et proposé des véhicules stables et fiables.
Les deux frangins ont des caractères assez opposés. Le plus âgé, Joseph, est turbulent. Il se passionne pour les sciences physiques et naturelles. Ne souhaitant pas reprendre la papeterie familiale, il monte un laboratoire de chimie après ses études. Malgré tout, il finit par rentrer au bercail et se voit confier une des nouvelles usines de son père. Le plus jeune, Étienne, est quant à lui un gamin droit au parcours exemplaire, qui a étudié l’architecture.
Avec l’âge, les deux frères finissent par reprendre et faire perdurer les usines familiales de papeterie. Mais Joseph aime toujours la science.
Les expériences
En 1782, les frères essaient de produire de l’hydrogène et d’enfermer celui-ci dans des sacs en papier. Cela ne marche pas. Vient alors l’idée de l’air chaud. Les origines de cette idée ne sont pas parfaitement connues. En effet, plusieurs versions coexistent, mais nous retiendrons celle affirmant que Joseph aurait tenu une chemise de sa femme au-dessus de la cheminée, la voyant alors se gonfler et chercher à s’élever.
Quoiqu’il en soit, Joseph retente le coup en novembre de la même année. Il est à Avignon et réessaie, avec une chemise fermée cette fois. L’expérience suivante est en revanche plus connue. En effet, il essaie alors avec un cube de soie d’environ 1 m³. Ce dernier parvient à s’élever tout en haut de la cheminée !
Les deux frères, réunis à Annonay en décembre, testent à nouveau l’expérience, mais en extérieur. Même cube de 1 m³ qui s’élance jusqu’à 30 m d’altitude ! Puis, au milieu du mois, ils retentent avec une sphère de 3 m³. Devant ce succès, ils réitèrent avec cette fois-ci 800 m³. Ce nouveau ballon est immense. Douze mètres de diamètre, une toile de coton doublée de papier et cousue sur des réseaux de ficelles reliées, pour un poids de plus de 200 kg. Le 25 avril 1783, le ballon s’élance jusqu’à environ 400 m d’altitude. C’est un grand succès.
Le 4 juin 1783, ils en font la présentation devant un public en délire dans le Vivarais (sud-est de la France). Le vol dure 10 min, atteignant 1 000 m d’altitude. La distance au sol n’est en revanche que de deux kilomètres. Les députés présents sont impressionnés et font un rapport à l’Académie des Sciences de Paris. Cette dernière exige alors une démonstration à la capitale.
Le « grand vol » de 1783
Suite à un premier test captivant début septembre 1783, l’Académie incite les frères Montgolfier à présenter leur projet devant le roi. Les deux frangins construisent alors en cinq jours le « Martial ». Ce dernier fait 1400 m³, 19 m de hauteur et environ 400 kg. Le 19 septembre a lieu la démonstration à Versailles, devant le roi Louis XVI. Pour l’occasion, le ballon emporte des passagers. En effet, les frères Montgolfier ont agrippé un grand panier en osier dans lequel ils placent un mouton, un canard et un coq. Le ballon décolle jusqu’à 500 m d’altitude et parcours 3,5 km de distance. À l’atterrissage, les animaux vont bien et on se félicite de cet exploit. On a fait voler des êtres vivants ! On a alors la preuve que l’on peut survivre en altitude et que le ballon peut tracter une charge importante.
Premiers humains
Étienne démarre alors immédiatement la conception d’un nouveau ballon permettant d’embarquer des humains. Il faut une taille assez imposante pour porter deux personnes, et surtout une vraie nacelle, pas un simple panier. Le nouveau modèle comporte donc une plateforme épousant la forme de la base du ballon. Ce dernier fait 21 m de haut pour 13 de diamètre (2 200 m³ et 500 kg). On choisit Jean-François Pilâtre comme pilote d’essai. Celui-ci prend vite le coup de main et apprend à alimenter ou non le feu du foyer. Ne manque plus alors que l’autorisation du roi. Ce dernier juge cela dangereux et préfère suggérer des condamnés à mort. Mais il finit par céder et le vol a enfin lieu le 21 novembre 1783.
À bord, on retrouve Jean-François Pilâtre et le marquis d’Arlandes. Nos deux compères décollent du château de la Muette et atteignent leur altitude de 1 000 m à peu près au niveau des Tuileries. L’aérostat finit par atterrir sur l’actuelle place Verlaine, dans le 13e arrondissement. En plus d’être les premiers hommes à voler, ils peuvent se vanter d’avoir parcouru 9 km en à peine 25 minutes !
Les conséquences de cet événement pour la famille Montgolfier seront grandioses. Il ne s’agit pas de marquer la postérité, mais surtout d’avoir une vie convenable. Ainsi, le roi impressionné leur accorda de nombreux privilèges. Leur père fut titré officiellement et ses usines devinrent Manufacture Royale de papier. Les deux frères ont été faits chevaliers. Mais plus beau encore à leurs yeux, ils sont exceptionnellement faits membres d’honneur de l’Académie des Sciences de Paris. En un sens, ils ont donné le coup d’envoi de l’histoire d’amour passionnelle entre la France et le ciel. Quoiqu’un certain Léonard de Vinci ait vécu ses derniers jours dans l’hexagone…
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