Le « crâne de Piltdown » : le plus gros canular scientifique de l’histoire

Lauren Puma
Lauren Puma
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Portrait réalisé par John Cooke en 1915. À l’arrière, de gauche à droite : F.O. Barlow, G. Elliot Smith, Charles Dawson, Arthur Smith Woodward. À l’avant: A.S. Underwood, Arthur Keith, W.P. Pycraft et Sir Ray Lankester.

En 1912, à Piltdown dans le sud de l’Angleterre, on découvre une mâchoire humaine préhistorique. C’est une véritable avancée, puisque ce crâne appartiendrait à une espèce humaine inconnue. Et pourtant, tout ça n’est qu’une supercherie… Chez Cultea, on vous propose aujourd’hui un retour sur le mystère du crâne de Piltdown.

Contexte historique

À cette époque, la plupart des savants croient en la théorie de l’évolution des espèces vivantes, avancée par Charles Darwin à peine quelques décennies plus tôt. Bien qu’on pense que l’homme descende du singe, un certain flou subsiste. En effet, les ossements fossilisés déjà retrouvés sont soit trop près du singe, soit trop près de l’Homme. Il s’agit donc de trouver le chaînon manquant : l’espère intermédiaire entre le singe ancien et l’homme moderne. Rappelons également que des chercheurs allemands avaient trouvé un fossile d’un ancêtre de l’Homme cinq ans auparavant (Homo heidelbergensis). À l’aube de la Première Guerre mondiale, les autres pays souhaitent donc par-dessus tout faire une découverte de la sorte, voire surpasser celle des Allemands.

La découverte du crâne de Piltdown

C’est le cas de l’Angleterre. En février 1912, Charles Dawson, un avocat et archéologue amateur, procède à des fouilles dans le village de Piltdown, au sud de l’Angleterre. Il y découvre des fragments d’un crâne humain. En juin, Arthur Smith Woodward, conservateur des collections paléontologiques au British Museum, et le géologue Pierre Teilhard de Chardin arrivent sur place. Ils découvrent alors une mâchoire humaine préhistorique. En décembre, les hommes présentent leur découverte à la Société de géologie de Londres. Plus précisément, on compte un crâne humain paré d’une mandibule simiesque, des molaires et des canines de primates, puis des outils de pierre et quelques restes d’autres animaux. Pour faire simple : le crâne a des caractéristiques d’humain, alors que la mâchoire ressemble à celle d’un chimpanzé.

En d’autres termes, on aurait enfin trouvé le chaînon manquant ! L’Homme de Piltdown, ou Eoanthropus dawsoni, est estimé à 500 000 ans et présente bien ces caractères intermédiaires entre Homme et singe. On expose alors cette découverte au British Museum de Londres. 

Photo du crâne de Piltdown - Cultea
Photo du crâne de Piltdown.

La plus grande supercherie de la science moderne

À peine trois ans plus tard, le français Marcellin Boule avance que l’Homme de Piltdown n’existe pas. Il explique dans La paléontologie humaine en Angleterre, qui paraît dans la revue L’Anthropologie, que la mâchoire retrouvée est celle d’un singe, et non pas celle d’une espèce entre Homme et singe.

En 1918, le paléontologiste américain, Gerrit S. Miller, confirme les dires de Boule dans son analyse The Piltdown jaw, publiée dans l’American Journal of Physical Anthropology.

En 1953, des chercheurs de l’université d’Oxford utilisent de nouvelles méthodes de datation et analysent les restes de l’Homme de Piltdown. Le résultat est formel : la mandibule et le crâne ne sont pas contemporains. En plus de cela, une canine ainsi que la mandibule ont été artificiellement fixées sur le crâne. On comprend aussi que tout ce qui a été retrouvé en 1912 à Piltdown a été amené sur place… Ça ne fait donc plus aucun doute : le crâne de Piltdown est une supercherie. Par conséquent, le British Museum doit reconnaître que le crâne est un faux.

Qui est l’auteur de la supercherie de l’Homme de Piltdown ?

Mais alors, qui est le coupable ? Les premiers suspects sont bien sûr Dawson, Smith Woodward et Teilhard de Chardin. Mais l’enquête tend également à accuser Sir Arthur Conan Doyle, le créateur de Sherlock Holmes

Toutefois, Isabelle De Groote et ses collègues expliquent dans un article de la Royal Society qu’un seul homme serait responsable de l’arnaque. Grâce à l’analyse génétique de l’ADN des restes, ils ont découvert que la mandibule et les dents de singe, qui avaient d’ailleurs été retrouvés sur deux sites différents, appartiennent en fait à un unique orang-outang. Pour ce qui est des restes humains, ceux-ci viennent de deux individus et datent de moins de 1 000 ans. De plus, on a appliqué du mastic à quelques endroits, afin de boucher quelques fractures ou des interstices entre différents os. Des cailloux avaient également été ajoutés au mastic, dans le but d’alourdir le tout. En effet, les os fossilisés sont plus denses. Puisque le mode opératoire est le même sur tous les restes, l’équipe de De Groote conclut qu’il n’y a qu’un seul responsable.

On ne sait toujours pas qui est l’auteur de cette arnaque. Bien qu’il soit impossible de prouver la culpabilité de Dawson, il reste le principal suspect, puisqu’il est le premier à avoir découvert le crâne ! Mais le mystère perdure…

 

Sources : 

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Etudiante en Master Culture, patrimoine et médiation, je m'intéresse de très près à l'histoire ainsi qu'à culture pop, particulièrement à Marvel et Star Wars. Passionnée d'anglais depuis toujours, j'ai un goût prononcé pour les contenus dans cette langue ainsi que les pays où elle est parlée.
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