Le survival-horror est un genre qui regorge de titres méconnus. C’est le cas de ce Galerians, une œuvre singulière éditée par le studio disparu Crave. Dans cette ambiance de science-fiction, la peur se mêle à l’adolescence et au psychisme.
Les années 90 apportèrent beaucoup de changement dans le média vidéoludique. Au même moment, le genre du survival-horror s’essaya sur de nombreux titres pour se démarquer de Resident Evil et de Alone in the Dark, tous deux précurseurs. Certaines œuvres comme Silent Hill et Clock Tower purent trouver une prestigieuse place dans le cœur du public, tandis que d’autres restèrent dans l’ombre. Tel fut le cas de Fear Effect, édité par Eidos, mais surtout du projet Galerians.
Développé par Polygon Magic et édité par Crave, le jeu vidéo ne connut pas un immense succès et ses tentatives de faire exister son intrigue mature et fascinante se sont soldées par des échecs. Nombreux sont les joueurs à n’avoir jamais entendu parler de lui. Aujourd’hui, qu’est donc devenu Galerians ?
Rion, un enfant sérieusement instable !
Débarqué sur Playstation en 1999 au Japon (2000 en Europe), il apporte sa petite contribution à l’horreur par l’intermédiaire de changements radicaux : cette fois, le joueur incarne un jeune adolescent. Rion (ou Ryan) se réveille dans une chambre d’expérimentation dans un laboratoire.
Le garçon de 14 ans est amnésique mais comprend très vite qu’il fut l’objet de tortures médicales. Victime de migraines intenses et doté de pouvoirs psychiques qu’il ne maîtrise pas, il va tenter le tout pour le tout pour s’échapper. Il ignore encore qu’il est désormais un Galérien, un sujet de programme expérimental prônant sa suprématie sur les autres humains.
L’horreur par la science-fiction !
Bien avant Dead Space et The Callisto Protocol, le survival-horror côtoyait déjà le genre de la science-fiction, à l’instar de Parasite Eve. Galerians est un étrange hybride entre le teenage, l’horreur psychologique et la science-fiction. Il n’est pas question d’extraterrestres ou de morts-vivants, mais d’intelligence artificielle, d’ambiance cyberpunk, de délire paranoïaque, de crise identitaire et d’expérimentations génétiques infligées à des enfants. Tout un programme dont certains passages furent censurés lors de son exportation en Europe !
Divisé en trois CD, il entraîne son public dans des espaces claustrophobiques, cliniquement froids et viscéraux. Avec ses angles de caméra fixes, ses objets permettant de déverrouiller des zones inaccessibles et ses nombreux allers-retours, le titre de Crave ressemble à l’enfant illégitime de Resident Evil, tout en s’inspirant du manga culte Akira. Toutefois, en dehors de sa structure narrative, c’est un élément de gameplay qui le fait considérablement se démarquer.
Une idée de gameplay particulièrement malsaine !
Dans Galerians, il ne faudra pas compter sur les armes pour affronter son nombre très limité d’ennemis. Rion ne dépendra que de ses pouvoirs psychiques. Les combats se font grâce à différentes techniques telles des ondes de choc et la création de champs de force antigravité. Ils sont lents à utiliser, mais particulièrement redoutables. Aussi, les pouvoirs limitent considérablement la possibilité d’affronter plusieurs adversaires à la fois. La difficulté du jeu consiste à les alimenter et à ne pas en abuser. Comme tout survival-horror qui se respecte, les ressources sont très limitées, ce qui peut s’avérer très problématique en cas d’overdose.
Cela peut paraître étrange, mais Rion est dépendant de drogues médicales pour survivre. C’est la seule manière de calmer des pulsions destructrices. Pour sortir de sa situation, il doit s’injecter des seringues et veiller à ne pas être en manque… L’overdose se décrit par un rayonnement tuant tout le monde aux alentours, mais qui réduit drastiquement la santé du héros. Elle peut être utilisée comme un précieux atout, mais la situation peut faire stresser le joueur, le conduisant au Game Over. Oui, le gameplay lui-même est particulièrement dérangeant…
Enfin, comme tout héritier de la vague horrifique des années 90, les contrôles de Rion sont lourds (on appellerait ça un type tank comme les premiers Tomb Raider et Resident Evil par exemple). C’est l’un des stratagèmes de gameplay permettant de ne pas rendre trop puissant le protagoniste.
Le silence, la mort et la psyché !
Galerians n’est pas le jeu qui cherche à faire sursauter ou trembler d’effroi son public, il l’immerge dans une situation macabre avec beaucoup de froideur. L’atmosphère qui s’en dégage est troublante et pesante, le tout accompagné de très longs silences. Il peut se passer plusieurs minutes avec seulement les bruits de pas du personnage. Il ne cherche pas non plus l’inquiétude de se perdre, puisque le joueur bénéficie d’une carte et d’un pouvoir permettant de trouver l’objet à rechercher pour continuer. C’est littéralement son silence mortifère qui donne au titre de Crave sa touche de terreur. Mentionnons par ailleurs que Galerians dispose d’un doublage français, ce qui était assez rare pour le genre à l’époque.
Toutefois, le point le plus étonnant du titre provient de sa séparation en 3 disques. Généralement associé au RPG, l’aventure de Rion n’est pourtant pas très longue… Mais elle propose un mélange intense des genres. Tout en restant dans cet aspect horrifique, le deuxième disque prend la forme d’un jeu de rôle où discuter avec des personnages permet de dérouler l’intrigue. Enfin, le troisième disque est un enchaînement de combats en arène, jusqu’à un boss de fin particulièrement difficile. Un aspect qui donne une identité unique à Galerians, mais qui sonne en contradiction avec la première partie dans l’hôpital.
Un succès qui n’a pas su aboutir en France
Malgré des critiques plus ou moins positives, Galerians est presque passé inaperçu. Sa comparaison trop fréquente avec Resident Evil lui a valu de rester dans l’ombre. Pire, certains journalistes jugent que le jeu de Crave n’est qu’une copie pour surfer sur son succès. Le média IGN écrivait :
C’est un Resident Evil moindre, avec moins d’options et des règles de jeu plus restrictives (Rion a même une pochette limitée pour ses médicaments, ce qui signifie qu’il n’a peut-être pas assez de stock pour une bataille avec un boss, même si l’approvisionnement est abondant). Le contrôle aboutit à un jeu plus minimal que ce que l’on pourrait souhaiter, avec une aventure linéaire, des boss à motifs et une simplicité frustrante. C’est un jeu très calculé et il ne conviendra pas à tout le monde. (IGN, 6 avril 2000)
Pourtant, cela n’a pas empêché le titre de continuer, par l’intermédiaire de produits dérivés supplémentaires. Une intention honorable qui n’aura malheureusement jamais réussi à lui faire trouver le succès escompté à l’international.
Citons par exemple Galerians Rion, un film en CGI, qui n’est finalement qu’un remontage des cinématiques du jeu. Le jeu connut également une suite, Galerians : Ash sur Playstation 2 en 2002. Malheureusement, en prônant l’identité d’un pur jeu d’action et en oubliant partiellement son aspect inquiétant, il n’a pas satisfait son petit public et n’est pas parvenu à captiver longtemps. Gamekult écrivait à propos de cette suite :
En fait, le seul réel atout de ce titre réside dans son scénario assez poussé en son genre et dans les pouvoirs psychiques du très torturé Rion, ce qui pourra toujours attirer la curiosité de quelques fans du genre en mal de nouveautés. Reste que tous les autres risquent de n’y voir qu’un jeu relativement laid et plein de combats vite soporifiques et répétitifs. (Gamekult, 18 avril 2003)
Ajoutons également différents light novels basés sur le premier opus. Après tout, l’histoire de Galerians est particulièrement intéressante. Malgré ses qualités et ses intentions, le spectre de Resident Evil l’a rattrapé trop vite… Peut-on croire en un retour possible ? Rien n’est moins sûr…
Terminons par une anecdote très amusante. Des fans du jeu auraient établi un lien entre Galerians et… Un épisode de Walker Texas Ranger (saison 6, épisode 8), qui reprenait une trame quasiment similaire dans laquelle un enfant atteint de pouvoirs psychiques s’échapperait d’un laboratoire. Un plagiat ? Une grosse source d’inspiration ? Un scénariste sous drogue ?
Par ailleurs, la prononciation japonaise de Rion ressemble beaucoup à Leon, le célèbre protagoniste de Resident Evil 4. Les développeurs ont avoué être des grands admirateurs de la franchise de Capcom.
On imagine mal un projet vidéoludique comme Galerians revenir de nos jours. Incarner un adolescent, dépendant de drogues pharmaceutiques pour survivre est assez lugubre et sensible. Abordant des thèmes intelligents tout en prenant des risques inconsidérés, le jeu n’atteint toutefois pas l’excellence et fut souvent critiqué pour son style trop proche d’un Resident Evil. S’il fait partie de ces œuvres qui n’ont jamais connu la gloire, il a su rassembler une communauté de fans qui espèrent encore un jour le retour de Rion.
Bande-annonce Galerians (1999)
Dans un registre similaire, vous pouvez retrouver nos articles sur Rule of Rose, un survival-horror controversé, et Kuon qui fait la joie des collectionneurs…