Des talons hauts, des mèches de cheveux décolorées et une robe bleue moulante… Le temple de l’ultra féminité, qui sur cette affiche officielle du film Diamant Brut d’Agathe Riedinger, semble se craqueler sous le regard rougi et meurtri de la jeune Liane, héroïne du film. Une image impactante, à l’instar de tout ce film, véritable plongée dans l’enfer d’une industrie controversée…
Il était une fois Liane au pays des Nabilla et Loana
Synopsis : « Liane, 19 ans, téméraire et incandescente, vit avec sa mère et sa petite sœur sous le soleil poussiéreux de Fréjus. Obsédée par la beauté et le besoin de devenir quelqu’un, elle voit en la télé-réalité la possibilité d’être aimée. Le destin semble enfin lui sourire lorsqu’elle passe un casting pour « Miracle Island ». »
En 2001 se dévoilait devant la France entière la sulfureuse Loana. En 2012, ce fut le tour de Nabilla Benattia. La téléréalité. Un monde dominé aujourd’hui par les figures comme Maeva Ghennam ou (pour les anglophones) Kim Kardashian !
Une industrie aussi exécrée qu’adulée qui semble fasciner Agathe Riedinger. Celle-ci s’était déjà faite, en effet, connaitre avant ce premier film par deux courts-métrages. Ève qui en 2019 esquissait les contours d’un idéal de beauté sous chirurgie plastique, ainsi que J’attends Jupiter (2018), une escapade sinueuse dans les méandres de l’industrie du showbiz. Deux œuvres pour une synthèse : Diamant Brut.
Le film nous porte ainsi, loin des clichés glamours d’une croisette ou d’une plage privée huppée, sous les rayons du soleil brulant de la banlieue de Fréjus. Là où les maisons se chevauchent et où les ruines d’anciennes villas laissées à l’abandon sont le théâtre d’une jeunesse animée par l’envie de s’échapper. On y retrouve ainsi la jeune Liane, qui campée par la phénoménale Malou Khebizi, regarde continuellement vers le large derrière ceux qui ne font que la scruter.
Car la force du récit se trouve là : dans les yeux d’une Liane où la caméra de la réalisatrice se fond. Naturaliste de bout en bout, celle-ci se caractérise alors par sa capacité à nous fondre dans la psyché de son héroïne. Loin du voyeurisme, mais proche de l’intime, la mise en scène d’une brutale poésie semble alors métaphoriser ce titre si bien porté.
Diamant Brut nous plonge alors dans les sensations de Liane qui, au cours de cette chronique d’1h43, va chercher à s’envoler sans réellement évoluer. La jeune femme est en effet à un moment charnière de sa vie : celui de l’attente d’une réponse positive de la part du casting de l’émission de téléréalité Miracle Island. Un moyen astucieux de la part de la réalisatrice d’apporter un nouveau regard sur cette industrie. Loin du mépris qui colle à la peau de ses protagonistes féminines.
Diamant Brut : le portrait sensible d’une jeune fille loin de l’enfance, mais pas encore femme
Les figures de la téléréalité fascinent et fascineront pour toujours, la preuve en est avec la sortie récente de la série Culte sur Amazon Prime Video. Deux œuvres centrées sur le sujet télévisuel qui pourtant préfèrent ne jamais le filmer. L’une se concentre en effet sur les dessous de la genèse de Loft Story, tandis que l’autre ne fait que l’évoquer par les projections de Liane. Ne pas filmer l’émission mais plutôt l’attente post-casting, permet au spectateur de rencontrer la vraie Liane.
Il existe un mépris évident pour ce genre télévisuel que beaucoup appellent « télé-poubelle » et par alliance les figures féminines y participant. Un stéréotype de la bimbo écervelée que Diamant Brut esquisse sans jamais tomber dans l’écueil dédaigneux de celui-ci. Tout cela se doit à cette revendication du film à ne jamais montrer le fantasme en dehors des yeux de Liane. Une (trop) jeune femme à la personnalité complexe et attachante.
Car là est l’autre grande force de Diamant Brut : sa capacité à dépasser le cliché pour nous faire rencontrer Liane. Si elle ne rêve que de célébrité, c’est parce qu’elle ne souhaite seulement échapper à son quotidien précaire. Si elle ne songe qu’à être admirée, c’est parce que celle-ci porte tous les jours le poids du mépris de la société. L’entité de Miracle Island (dont la directrice de casting n’est jamais représentée à l’écran) cherche des vraies personnes pour en faire des archétypes. Diamant Brut à extraire des stéréotypes, une voix.
Le paradis de la téléréalité ?
Car là est la seconde subtilité du film. À ce stade de notre critique, nous pourrions penser que celui-ci fait presque la promotion de la vitrine fake du showbiz et des réseaux sociaux. Loin de là, puisque le film dissimule derrière le fantasme de Liane un profond cynisme. En s’attardant sur le corps mutilé de la jeune femme par ses cicatrices post bistouri ou sur les décors d’une chambre où taillons aiguilles et poupées s’entrechoquent, Diamant Brut extrapole le toxique adage de la souffrance comme beauté.
Liane n’hésite pas à infliger les pires sévices à son corps dans l’espoir que celui-ci attire via Instagram la réponse de Miracle Island. Le casting lui incombe de rester elle-même, mais de ne pas oublier de jouer sur la séduction et la sexualisation de son corps. La Liane de Miracle Island se doit d’être une version altérée d’elle-même. Toujours plus femme, plus séductrice et gueularde. Le contraste entre les deux faces de cette même pièce n’en est alors que plus fort et effrayant.
Le film parvient donc, malgré sa brutalité, à préserver son équilibre. Dans l’empathie de Liane, mais jamais dans l’esthétisation ou la romantisation de son corps factice et de ses rêves en apparence superficiels. Dans la compréhension de ses ambitions, mais dans la critique des entités qui souhaitent les utiliser pour de l’audimat.
Diamant Brut est par conséquent à la hauteur de son appellation. Un premier film abrupt qui malgré ses quelques effets style reste juste jusqu’au bout. En choisissant de s’attaquer au système plutôt qu’aux âmes, celui-ci parvient ainsi à flanquer une grosse baffe dans la face de tous ceux qui se sont sentis un jour supérieurs devant ces programmes en ne voyant leurs protagonistes que par le prisme morbide d’une téléréalité qui, malgré son attribution, n’est autre qu’une industrie déshumanisante. Diamant Brut un film d’Agathe Riedinger, avec Malou Khebizi, Idir Azougli et Andréa Bescond à découvrir le 20 novembre 2025 au cinéma.
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