Cela fait maintenant dix ans que l’ultime conclusion de la trilogie des studios Rocksteady est sortie. À cette occasion, plongeons-nous une nouvelle fois dans les couloirs de l’asile d’Arkham et dans les rues sombres de Gotham City.
Batman Arkham Asylum, la surprise inattendue
Tout commence en 2009. Rocksteady Studios, un studio relativement inconnu ayant délivré un unique jeu nommé Urban Chaos : Violence urbaine, est en charge d’un jeu prenant place dans l’univers du Chevalier Noir avec au scénario Paul Dini, déjà à l’œuvre dans le milieu des comics et également dans la série animée culte des années 90. Le jeu finit par sortir à la fin du mois d’Août 2009 et prend tout le monde de court. Personne ne s’attendait à un tel niveau de qualité et d’immersion pour un jeu de super-héros.
L’asile d’Arkham, cadre de jeu choisi par les développeurs, est magnifiquement retranscrit et nous fait parcourir un monde sombre et glauque à souhait, à l’image des pensionnaires peuplant l’endroit. Cette découverte se fait notamment grâce aux premières minutes du jeu, référence évidente aux scènes introductives du premier Half-Life et de Bioshock, qui réussissaient brillamment à nous expliquer dans quel type de monde nous serions absorbés au cours de la dizaine d’heures de jeu composant l’histoire.
C’est clairement ce qu’arrive à faire ce premier opus en nous faisant déambuler en compagnie du Joker dans les différentes pièces que nous redécouvrirons durant notre aventure et en croisant quelques futurs antagonistes, dont l’imposant Killer Croc. Le jeu l’annonce dès le début de notre prise en main, nous serons seul face à une masse d’ennemis et nos poings seront notre plus grand atout. C’est là que le savoir-faire de Rocksteady nous impressionne.
Le système de Freeflow, spécialement conçu pour le jeu, nous offre une liberté de mouvement quasiment jamais vue auparavant et nous permet d’avoir un contrôle total durant les phases de combat avec un assortiment de gadgets tels que le Batarang pour étoffer nos choix. Pour nous faire ressentir également la peur que sème le Chevalier Noir dans le cœur de ses ennemis, des phases de Prédateur sont également présentes pour faire varier les différentes propositions déjà riches du jeu.
Les combats de boss sont peut-être les phases les moins prenantes de l’aventure, en proposant un classicisme assez flagrant, qui dénote par rapport au souffle nouveau prodigué par le reste. Même si combattre les méchants iconiques de l’univers de l’encapé reste un plaisir non dissimulé.
La bande-originale composée par le duo Nick Arundel et Ron Fish renforce l’isolement vécu par le héros et l’ambiance malsaine qui se dégage du jeu, tout en rythmant de la meilleure des manières les différentes phases de gameplay.
On sent à travers ce titre l’amour qui transparaît dans la représentation jeu vidéoludique de l’univers du super-héros le plus connu de DC Comics de la part de Rocksteady Studios, et surtout de la série animée des années 90 via le retour du casting emblématique de cette époque et notamment du duo Kevin Conroy et Mark Hamill, toujours aussi iconique. Batman Arkham Asylum surprend donc tout le monde, reçoit une pluie d’éloges et fait monter les attentes d’une suite qui mettra les bouchées doubles.
Batman Arkham City, l’épisode de référence
Deux ans plus tard, Batman Arkham City, épisode déjà subtilement dévoilé dans Arkham Asylum par le biais de la pièce secrète de Quincy Sharp, apparaît dans les bacs du monde entier et confirme le talent des développeurs de chez Rocksteady. Tous les curseurs sont poussés au maximum.
Le système de combat Freeflow est peaufiné et offre une liberté de mouvement beaucoup moins rigide que son prédécesseur. Batman devient littéralement un acrobate en jonglant de manière fluide d’un adversaire à l’autre tout en proposant un choix de stratagème beaucoup plus varié, que ce soit au niveau des attaques au corps-à-corps ou de l’utilisation de ses gadgets. Il devient un outil malléable permettant au joueur de planifier des attaques coordonnées transformant les ennemis rencontrés en véritables objets qui assouvissent nos désirs de gameplay.
L’histoire est également poussée à son paroxysme. L’arrivée dans Arkham City nous permet de rencontrer quasiment l’entièreté du bestiaire des ennemis de l’Homme Chauve-souris et l’on sent que Paul Dini s’y prend à cœur joie, même si l’on frôle un poil l’overdose face à cette pléthore de rencontres qui fait suffoquer un peu l’histoire principale.
L’arrivée du monde ouvert dans la franchise en devenir pose de nombreux jalons dans l’industrie du jeu vidéo. En 2011, ce système de jeu s’impose peu à peu dans les grosses productions du secteur et celui d’Arkham City marque un tournant majeur qui sera repris à l’avenir par de nombreux éditeurs. Même si sa taille n’est pas aussi grande que celle d’un GTA, sa conception la rend unique aux yeux d’un public qui se retrouve plonger dans une Gotham City refaçonnée en prison avec son lot de clins d’œil plus ou moins évidents à cet univers, confirmant une nouvelle fois l’amour du studio envers ce personnage.
Le duo Arundel/Fish, déjà à l’œuvre sur Batman Arkham Asylum, revient à la musique et définit un peu plus l’enveloppe musicale de cette franchise en créant un thème principal pouvant s’imbriquer sans rougir au sein des thèmes musicaux cultes du Chevalier Noir. Cet opus affirme une nouvelle fois le statut incontournable de cette future trilogie en poussant tous les curseurs à son maximum, ce qui double les attentes du prochain volet de la part du public.
Batman Arkham Origins, l’épisode mal-aimé
Pendant que le développement du prochain épisode se met en place chez Rocksteady, la société-mère Warner Bros cherche à démocratiser cette nouvelle franchise au fort potentiel économique. C’est ainsi qu’elle lance le développement d’un jeu vidéo faisant office de préquelle au sein de la franchise Batman Arkham et sobrement intitulé Origins. Développé par le studio nouvellement créé pour l’occasion Warner Bros Game Montréal, ce volet s’intéressera aux premières années du justicier masqué.
Le jeu, durant sa campagne marketing, met l’emphase sur une galerie de vilains plus secondaires, comme Black Mask ou Firefly, tout en utilisant des figures emblématiques de DC, à l’image de Deathstroke. Le jeu finit par sortir en fin d’année 2013 et ne reçoit pas le même accueil que ses deux prédécesseurs. La patte Rocksteady manque cruellement à l’ensemble, l’attention aux détails est clairement moins présente et les mécaniques sont intégralement reprises du jeu précédent. L’opus possède malgré tout quelques nouveautés mais la différence de qualité par rapport aux studios Rocksteady se fait clairement ressentir.
L’ensemble donne l’impression d’un développement très resserré pour surfer sur la popularité de l’épisode précédent, ce qui a contraint l’équipe de développement à reprendre les outils déjà existants tout en essayant d’apporter leur propre touche. Cette touche se retrouve à travers le scénario qui, contrairement à ce que faisait penser la campagne promotionnelle, se focalise sur une dualité Batman/Joker mais réussit néanmoins à y imbriquer un souffle bienvenu, servi par un duo vocal de haute volée en VO avec Roger Craig Smith en Batman et Troy Baker en Joker.
La bande originale est de très bonne facture avec aux commandes le compositeur Christopher Drake, qui a fait ses armes dans les adaptations animées de l’univers DC et qui allie brillamment le thème hivernal du jeu et le passé musical du personnage, pour aboutir à une composition riche, qui marque les esprits. Mais malgré une volonté forte de la part des studios de proposer une aventure prenante, la comparaison se fait ressentir et Batman Arkham Origins devient l’épisode bâtard de la franchise.
Au même moment sort un épisode spécialement conçu pour la Playstation Vita nommé Batman Arkham Origins Blackgate, se déroulant dans la continuité de la préquelle, en s’intéressant à la première rencontre entre Batman et Catwoman. Ce jeu à destination de la portable de Sony reçoit des critiques mitigées de la part de la presse et des joueurs, la faute à un gameplay qui n’arrive pas à retranscrire sur portable la fluidité des épisodes destinés aux consoles de salon et qui possède un peaufinage laissant à désirer.
Batman Arkham Knight, la surenchère explosive
Après quatre années de développement, l’ultime épisode de la trilogie de Rocksteady débarque le 23 Juin 2015, après une longue série de rumeurs et de spéculations autour du jeu attendu de pied ferme par les fans. Batman Arkham Knight est l’épisode qui cherche à tout donner, au risque d’être boursoufflé.
La carte cherche à retranscrire l’entièreté de la ville de Gotham, en offrant une architecture riche et variée, allant de ses bas-fonds jusqu’à son quartier économique. L’ensemble est peut-être moins bien agencé que l’épisode centré situé au sein d’Arkham City mais le travail d’orfèvre prodigué par les développeurs de chez Rocksteady est toujours là, ainsi que le plaisir que l’on ressent en parcourant les rues du foyer du héros.
L’histoire, de son côté, pousse tous les compteurs à fond, jusqu’à atteindre la surenchère avec un Batman qui devient une force de la nature, arrivant même à esquiver sans souci des missiles à longue portée. Malgré l’annonce de l’Epouvantail en tant qu’ennemi principal, le Joker fait un retour inespéré et finit par prendre toute la lumière face à un Epouvantail qui doit se contenter du peu qui lui reste pour s’affirmer.
La grosse nouveauté de ce troisième volet se trouve dans son gameplay, avec l’arrivée de la Batmobile, qui oscille entre bonne idée et proposition bancale. Se balader au volant du bolide renforce le sentiment d’être le Chevalier Noir, sentiment martelé par la promotion faite par l’éditeur, mais le gameplay de combat devient par moment un fourre-tout avec une pointe d’ennui.
L’ennui, on ne le ressent pas durant les phases de combat à pied et de Prédateur avec une poussée à son extrême limite dans la fluidité des gestes et dans le catalogue de choix de variation proposé par cette conclusion. Même si le côté jusqu’au-boutiste lui fait parfois défaut, Batman Arkham Knight n’en reste pas moins très généreux dans sa volonté d’offrir une conclusion explosive et ultime des aventures du justicier.
La VR, l’avenir de la franchise ?
En 2016, les studios Rocksteady propose une incursion dans l’univers de la Réalité Virtuelle en nous narrant les évènements précédant ceux de Batman Arkham Knight. Malgré le statisme dû aux limitations de gameplay de l’époque, Batman Arkham VR reste une proposition agréable avec toujours la patte reconnaissable des studios Rocksteady, à base de peaufinage de conception exemplaire et des clins d’œil riches et variés. À la suite de cela et malgré une continuité ternie par la sortie de Suicide Squad : Kill the Justice League, la franchise Batman Arkham reste dans l’ombre de nombreuses années, jusqu’à l’annonce d’un nouveau jeu en 2024.
Batman Arkham Shadow est annoncé au cours de l’année 2024 en tant que nouvel opus de la franchise. Malgré la déception de voir l’arrivée d’un jeu VR au lieu d’un jeu destiné aux consoles de salon, ce jeu conçu par le studio Camouflaj, déjà à l’œuvre sur le jeu Iron Man VR, est un véritable hommage au savoir-faire de Rocksteady en reprenant de nombreux codes et en transposant à merveille la mécanique Freeflow, tout en offrant une véritable transposition de ce que cela fait d’endosser le masque du justicier masqué.
Batman Arkham Shadow devient ainsi la conclusion non voulue mais brillante de la trilogie formée inconsciemment par Batman Arkham Origins et Batman Arkham Origins Blackgate. Face aux retours positifs de la presse et des joueurs, la possibilité d’une suite à cet épisode VR pourrait émerger à l’avenir et permettre à la franchise de perpétuer le mythe qu’elle a créé en 2009 avec Batman Arkham Asylum.
La franchise Batman Arkham aura su s’affirmer comme un monument du monde jeu vidéoludique à travers une trilogie qui aura réussi à bercer le cœur des joueurs et des fans du super-héros de l’écurie DC. Aujourd’hui, son avenir a fini par se tourner vers la VR en attendant peut-être un retour aux sources avec l’annonce d’un jeu estampillé Batman par les studios Rocksteady après la débâcle Suicide Squad : Kill the Justice League.
Ne manquez aucun article : abonnez-vous gratuitement à Cultea sur Google News