C’est grâce à une rétrospective de la réalisatrice Emma Seligman, invitée d’honneur du Champs-Élysées Film Festival, que nous avons pu découvrir Shiva Baby dans sa première projection française en salles. Un film déroutant, dans le bon sens du terme, drôle, frais, et innovant.
Un humour millimétré
Le rythme est très important dans Shiva Baby. Le film se passe en huis clos, durant une shiv’ah (le rassemblement familial qui suit un enterrement dans la tradition juive). et on y suit Danielle, une jeune femme qui pratique l’activité de sugar baby (une sorte d’escort) et qui est plutôt perdue dans ses projets. Lors de la shiv’ah, elle retrouve son sugar daddy ainsi que d’autres personnes de son passé. Il y a également ses parents et des vieilles connaissances plus âgées. Tout le monde lui met la pression, et elle est à deux doigts de craquer tout au long du film.
Si les prémices peuvent paraître angoissants, le tout est étonnamment hilarant. Les dialogues sont millimétrés et très bien rythmés, portés par des acteurs pleins d’énergie. Le film joue au ping pong pour notre plus grand plaisir. Rachel Sennott brille dans son rôle d’étudiante perdue mais pleine de personnalité. Tout le reste du casting se débrouille tout aussi bien et l’alchimie entre eux tous fonctionne du tonnerre. Le montage est tout aussi rythmé.
Un discours actuel
Shiva Baby est un récit actuel. Le film date de 2020 et est une bonne représentation de ce début de décennie. C’est la vie d’une jeune femme perdue, mais libérée. À vrai dire, c’est contradictoire. Elle est libérée et piégée en même temps. Piégée dans un quotidien qui ne lui convient pas, sans réel but. C’est assez représentatif de la génération Z, une génération qui s’est perdue dans ses convictions malgré ses ambitions.
Il y a aussi un véritable clash des générations dans ce film, une incompréhension. On a la figure de la millenial girlboss qui a tout réussi, par exemple, avec Kim, la femme du sugar daddy de Danielle. Puis on a les vieux, répétant toujours les mêmes questions, inlassablement. La mise en scène nous montre de véritables moments d’angoisse pour notre personnage principal, face aux plus vieux : à leur réussite, à leur redondance, à leurs attentes.
La rétrospective Emma Seligman s’est composée de ses deux films : Shiva Baby et Bottoms (dont nous avons fait la critique à sa sortie sur Amazon Prime). Ces films n’avaient jamais été diffusés dans les salles françaises. Malheureusement, Emma Seligman ne pouvait pas être présente. Mais ce fut un plaisir de retrouver cette rétrospective d’une réalisatrice dont nous apprécions le travail. Shiva Baby est son premier film et ça ne se ressent pas. C’est drôle, frais, réfléchi. Le film est disponible sur MUBI.