Gareth Jones, le journaliste qui dénonça l’Holodomor en Ukraine

Gareth Jones, le journaliste qui dénonça l'Holodomor en Ukraine

Le but du journalisme est en principe de dire la vérité et uniquement la vérité. Il doit présenter les faits et dénoncer ce qui reste caché du grand public. Ce devoir d’informer, Gareth Jones l’avait parfaitement compris. Trop peu connu, il est pourtant le journaliste qui a dénoncé l’Holodomor, le cauchemar ukrainien.

Gareth Jones : un journaliste que l’on aurait dû écouter

Gareth Richard Vaughan Jones est un journaliste britannique né le 13 août 1905 à Barry, au Pays de Galles.

Après avoir fait des études dans le domaine linguistique, Gareth devient conseiller en politique étrangère de l’ancien Premier ministre britannique, David Lloyd George. Cette expérience lui permet de devenir l’un des experts les plus connus dans les relations diplomatiques internationales, mais également de pouvoir publier ses premiers articles dans les colonnes du Times.

Gareth Jones se démarque des autres journalistes. En effet, il est le premier à avoir été autorisé à monter dans le Richthofen, l’avion privé d’Adolf Hitler. Il raconte le déroulement de cette entrevue avec le chancelier allemand lors d’une réunion auprès du Gouvernement britannique. Gareth explique que lors du voyage, Hitler n’a cessé d’étudier une grande carte européenne. Le journaliste, alors conseiller, alerta sur le fait qu’il faille absolument se méfier du IIIème Reich. L’assemblée s’esclaffe et ne prend pas l’alerte de Jones au sérieux. La suite, nous la connaissons…

Gareth Jones et l’Holodomor : la dénonciation de la barbarie stalinienne

Après avoir été renvoyé de son travail de conseiller, Gareth Jones souhaite comprendre comment l’URSS arrive à être si stable d’un point de vue économique, alors qu’elle sort d’une tempête révolutionnaire. Il se rend alors en Ukraine en 1933, une zone alors interdite aux journalistes. Il découvre avec horreur ce que les historiens appelleront l’Holodomor, l’extermination par la faim.

Ce terme désigne la grande famine ukrainienne orchestrée par l’URSS de Staline, entre 1932 et 1933. Elle résulte de la mise en place de la loi dite des 5 épis, une loi qui punit de dix ans de déportation, voire de la peine de mort, tout vol de la propriété socialiste, y compris le simple vol de quelques épis dans un champ. C’est de là que la grande richesse russe provient, des champs de blé ukrainiens.

Enfants victimes de l’Holodomor (source : Le Figaro)

Immersion dans l’horreur

Gareth Jones parcourt les steppes désertes ukrainiennes. Il découvre alors des villages gouvernés par le silence. Il constate la misère qui régnait alors en Ukraine. Dans ses écrits, Gareth décrit ce qu’il voit et ce qu’il entend :

« Partout j’ai entendu le cri : « Il n’y a pas de pain : nous mourons ! » Ce cri monte de toutes les régions de la Russie. J’ai même vu un paysan ramasser une croûte de pain et un zeste d’orange que j’avais jetés du train. »

Ainsi, Gareth Jones comprend d’où provient la richesse prodigieuse de l’URSS. Lui qui avait essayé de comprendre comment un pays, qui sortait à peine d’un contexte révolutionnaire et d’instabilité politique, pouvait autant s’enrichir. Il avait sa réponse. Cette richesse provenait de la souffrance du peuple ukrainien.

Malheureusement, Jones est arrêté et est contraint de passer un marché avec les Soviétiques : garder le silence sur ce qu’il a vu, en échange de la vie de six ingénieurs britanniques. Il accepte puis rentre finalement à Londres.

Walter Duranty contre Gareth Jones : quand Goliath écrase David

Se rendant compte de la gravité de la situation, Gareth Jones sait qu’il doit écrire sur le sujet. Même s’il a donné sa parole aux autorités soviétiques, la situation est trop grave pour ne pas être ébruitée. Il décide alors de raconter tout ce qu’il a vu et entendu.

Une du journal London Evening Standard, 31 mars 1933 (source : GarethJones.org)

Mais ses articles sont vite raillés et démentis par le journaliste vedette de l’époque, le correspondant du New York Times à Moscou. Son nom ? Walter Duranty. Il est auteur d’articles élogieux à l’encontre de l’URSS et de la politique Stalinienne. Ses écrits lui ont d’ailleurs permis de recevoir le Prix Pulitzer. Walter Duranty attaque fermement les articles de Jones :

« Toutes les informations publiées à ce jour sur la famine en Russie sont une exagération ou font partie d’une propagande malhonnête. »

Il ajoute :

« Les ennemis et les critiques de l’étranger peuvent dire ce qu’ils veulent […], mais la force et la jeunesse du peuple russe sont les mêmes que celles du Kremlin. »

Gareth Jones ne peut malheureusement pas rivaliser. Il finit par disparaître à l’âge de 29 ans, assassiné. Les circonstances de son assassinat laissent à penser qu’il s’agit d’un acte des soviétiques de l’époque, mais cela n’a jamais pu être démontré. Près d’un siècle plus tard, un film retrace le parcours de Gareth Jones et son travail d’investigation. Ce film se nomme : L’ombre de Staline.

Gareth Jones est un homme qui ne cherchait qu’à dire la vérité et à être entendu. Même si ses actions sont reconnues aujourd’hui comme héroïques, on ne peut s’empêcher de penser que les événements qui suivirent son assassinat auraient pu changer le cours de l’histoire.

Découvrez la bande annonce du film L’ombre de Staline

Sources :

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